Suis-je devenue folle ? - Fabuleuses Au Foyer
Maman épuisée

Suis-je devenue folle ?

maman au volant
Sandra Aubert 23 mars 2023
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Pour la première fois de sa vie, elle a décidé d’aller seule au cinéma. Elle a choisi le film presque par hasard. Peu lui importait au fond le scénario, l’essentiel était de sortir, de partir. Elle n’aurait pas été contre l’idée d’appeler l’une de ses amies, mais aucune d’elles n’était disponible ce soir-là. Alors, Maman a pris sa solitude et son courage à deux mains et est montée seule dans sa voiture. 

En chemin, elle découvre le silence de l’habitacle.

Depuis combien de temps ne l’a-t-elle pas entendu ? Elle ne sait pas, elle ne sait plus. Elle se dit simplement que c’était il y a bien trop longtemps. Elle qui vit dans le bruit permanent, entre les cris, les pleurs, les bruits incessants que font ses enfants autour d’elle, elle a totalement oublié combien c’était bon d’écouter le silence. Elle se dit que le bruit est une torture. D’abord indolore, insidieuse et puis progressivement, il nous ronge de l’intérieur. Elle réalise à cet instant que le silence a déserté sa vie depuis qu’elle est devenue maman. Il lui manque, comme on manque d’oxygène. Help, à l’aide ! Elle aurait besoin d’un masque à silence, comme on place un masque à oxygène sur la bouche de celui qui s’étouffe. Elle aussi, elle étouffe. Mais ça ne se voit que de l’intérieur.

Elle est la seule à ressentir sa souffrance, sa peine, son manque. 

Ses pensées tourbillonnent. Son esprit est en roue libre.

Elle se demande comment elle pourrait bien insuffler plus de silence dans son quotidien de maman. Impossible quand on vit dans une maison aux pièces grand ouvertes les unes sur les autres. C’est pourtant bien pour cette raison qu’elle avait choisi cette maison, ces grands espaces, ce salon immense. Mais aujourd’hui, elle ne rêve que d’une chose : une pièce aussi minuscule que l’habitacle de sa petite Clio, insonorisée comme les salles d’un conservatoire de musique, où elle pourrait se réfugier, s’isoler.

Créer une bulle où plus rien d’autre qu’elle n’existerait. Elle en rêve. 

Elle en oublierait presque qu’elle est déjà arrivée devant le cinéma. Elle s’enfonce dans le fauteuil moelleux de la salle quasi vide, se laisse bercer par le générique du film et sent son corps se détendre. Enfin, un peu de répit. Personne ne peut la déranger, personne ne va l’interpeller. Elle n’est là que pour elle. Le temps passe vite, trop vite. Le film touche déjà à sa fin. Elle ne va pas aller boire un verre seule, cette fois, cela en deviendrait pathétique. Elle se dirige vers le parking, remonte dans sa voiture comme une marionnette dont on tirerait les ficelles et reprend le chemin du retour. 

La voiture avance comme si elle connaissait la route par cœur. Au fur et à mesure que les kilomètres s’égrènent au compteur, ses mains se crispent, son souffle s’accélère, tout son corps se tend. Elle ne peut pas rentrer, c’est impossible. Elle appuie brutalement sur le frein et fait demi-tour. Elle sent l’angoisse l’envahir. Elle la sent mais elle n’ose pas la regarder en face. Elle a envie de fuir. De partir, loin, très loin. Elle a peur de ce qu’elle ressent, elle a peur de ces pensées qui la submergent. Elle a peur d’elle-même. 

Est-ce qu’elle est devenue folle ? 

Elle ne veut pas retrouver son mari ni ses enfants. Elle ne veut pas de cette vie. Elle étouffe, elle n’en peut plus. Elle est à bout de souffle. Oui c’est ça, elle va partir, elle va s’enfuir. Elle va déserter. Plus de sons, plus d’images. Pfff… disparue, du jour au lendemain. Elle aura le droit à son article dans le journal. « Maman a disparu ». Et puis le lendemain l’info sera remplacée par la photo de la nouvelle supérette qui ouvrira dans le village, rien de plus, rien de moins. Ils sauront faire sans elle à la maison, son mari gérera. Les grands-parents viendront en soutien. Il saura s’entourer. 

Mais alors, aller où ? Elle n’en a pas la moindre idée.

Elle n’a nulle part où aller. Elle a l’impression d’être en fuite. Elle roule, encore et encore. Elle aimerait que cela ne cesse jamais. Rouler jusqu’au bord de la mer. Rouler jusqu’à n’avoir plus d’essence. Rouler jusqu’à l’extrémité de la terre. Là où personne ne l’attend, où elle n’a de compte à rendre à personne. Où plus rien n’a d’importance, où tout redevient possible. Où une autre vie pourrait éclore.

Ses larmes coulent, sans discontinuer. Elle n’arrive plus à les arrêter.

Dans ses larmes, elle sent toute l’amertume accumulée ces dernières années, toute la colère qu’elle avait savamment enfouie au plus profond de ses entrailles. Elle s’en veut. Quelle bonne mère pourrait penser des choses pareilles ? Comment a-t-elle pu en arriver là ? Elle qui avait tant rêvé de cette vie ? 

Elle a épousé l’homme qu’elle aimait. Elle a deux magnifiques enfants. Elle se sent nulle. Elle a tout pour être heureuse, alors pourquoi ne l’est-elle pas ? Elle sent la culpabilité s’enrouler autour de ses épaules, former une barre autour de son crâne.

Elle s’en veut tellement, et pourtant elle ne voit pas d’issue. 

Elle laisse la voiture poursuivre sa route. Heureusement à cette heure-ci, elle ne croise personne. Elle roule encore et encore, jusqu’à ce que ses larmes se tarissent. Jusqu’à ce qu’elle s’apaise. Jusqu’à ce qu’elle trouve en elle la force de faire une nouvelle fois demi-tour et de reprendre la direction de son domicile. La gorge serrée, les larmes au coin des yeux, elle se gare devant chez elle. 

Il faut qu’elle trouve de l’aide.

Vite… À qui demander ? Son mari ? Sa meilleure amie ? Les deux ? Elle réalise alors qu’elle n’est pas seule. Qu’elle est entourée ! Elle réalise combien elle est épuisée, au bout du rouleau. Combien elle a construit autour d’elle une muraille qui l’isole, par désir de tenir le coup, tenir encore un peu, ne pas faire peser sur les autres le poids de ses propres difficultés ?

Elle n’est pas seule.

Elle a pensé un moment qu’elle l’était, par peur de déranger, par peur de formuler ces émotions qui lui semblaient honteuses, mais il ne tient qu’à elle de briser cette frontière invisible qu’elle a tracée autour d’elle. Son monde ne va pas s’écrouler. On ne va pas lui tourner le dos. Elle ne se laisse plus le choix : faire bonne figure la mine et l’isole. Elle a besoin de silence, elle a besoin de repos. Elle a besoin de prendre soin d’elle, comme elle a pris soin de sa famille ces dernières années. Elle a besoin de pouvoir compter sur elle-même, comme sa famille a compté sur elle ces dernières années.

Elle a besoin d’elle.

Elle se glisse dans le lit conjugal, se blottit contre son mari qui dort déjà et tandis qu’il entrouvre ses yeux chargés de sommeil, elle se love contre lui et lui murmure doucement : « prends-moi dans tes bras, j’ai besoin de toi, j’ai besoin de moi ». 

Demain, c’est décidé, elle prendra son courage à deux mains pour lui parler.

Elle osera demander de l’aide. Elle a toutes les ressources en elle pour retrouver sa route. Elle va y arriver, pas à pas, un jour à la fois. Comme cette maman, tu as envie de te mettre en mouvement pour briser cette muraille qui t’étouffe ? Inscris-toi au mail du matin : ton petit remontant spécial maman chaque matin dans ta boîte mail.



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Cet article a été écrit par :
Sandra Aubert

Après dix années dans le domaine du développement économique et de l'aide à la création d'entreprise, Sandra a créé "Que rayonne ton talent", un parcours d'accompagnement personnalisé pour les femmes qui veulent entreprendre.

Formée à l'écoute, elle est également fée de la boîte mail et membre de l'équipe de l'Aire Mômes, un lieu d'accueil enfants-parents en Alsace. Amoureuse des mots, elle est contributrice sur le blog des Fabuleuses et écrit des audios pour le Village.

Sandra est mariée et maman de 3 enfants. Elle sait par expérience combien la maternité peut être bouleversante !

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