Chère Fabuleuse,
Il m’arrive souvent de penser à toi. De penser à toi qui navigues dans une jungle d’injonctions contradictoires, d’attentes démesurées, de jugement sur tout ce que tu fais, sur tout ce que tu es.
Je me souviens du temps où moi aussi, j’étais jeune maman.
Je me souviens des questions, des doutes qui m’assaillaient, en prenant par exemple cette forme : « Suis-je vraiment la seule à avoir l’impression de me perdre dans le quotidien ? Est-ce que je fais bien ? Suis-je une bonne maman ou est-ce que c’est vraiment la catastrophe ? ».
Dans quelques mois, mon aînée aura 18 ans. Ouf, je respire.
Je me sens fière. Fière d’elle, fière d’être sa maman.
Pendant un instant furtif, je saisis enfin que je peux aussi être fière de moi. Je la regarde devenir femme, choisir quelles études elle aimerait faire, préparer son permis de conduire. Je savoure le fait de la voir s’épanouir, être entièrement elle.
Alors, dans les méandres de mes pensées, j’en arrive à penser à toi. Maman fabuleuse, jeune maman fabuleuse, sur le chemin de la parentalité, tout comme je l’étais, tout comme le seront peut-être aussi un jour mes filles. En moi naissent des mots, des pensées, l’envie de partager quelque chose avec toi, comme je le ferais avec ma fille.
Comme si l’espace d’un instant, par magie, j’étais ta maman.
Voici mes mots pour toi, chère Fabuleuse :
Si je pouvais être ta maman,
Juste un instant,
Un tout petit moment.
Assez pour poser tendrement un baiser sur le haut de ta tête,
Au cœur de tes cheveux, te respirer un peu,
Te dire doucement que tu m’es si précieuse.
Repenser à la joie de t’avoir vue grandir, de t’avoir bercée, d’avoir collé mon nez au creux de ton petit cou potelé, m’enivrant pour toujours de cette odeur unique qu’ont les petits bébés.
Et je te soufflerais à l’oreille : « Merci pour tous ces moments vécus ensemble, merci pour tout ton être, pour tes changements, tes rages, tes joies, tes manquements, tes qualités et tes défauts… tu rends nos vies plus riches, tout simplement. »
Si je pouvais être ta maman,
Un peu plus longtemps,
Assise à tes côtés à cet instant précis,
Je te regarderais pleine de fierté, et si les larmes coulent sur tes joues fatiguées,
Je caresserais ces larmes, je leur dirais de couler sans gêne, qu’on est tous parfois un peu perdu.
J’écouterais tes mots, tes silences et dans le creux de ma main, dans le creux de mon cœur, j’y placerais une prière, une pensée, un vœu de bonheur et de soulagement… pour tes épaules qui plient sous le poids du quotidien.
Et je te murmurerais, avec ou sans ma voix : « Je suis fière, je suis tellement fière de toi. Et si seulement tu pouvais te voir comme moi, je te vois : vaillante et tendre, courageuse et aimante, forte et faible, diamant brut aux mille et une promesses, aux plus belles facettes en devenir. »
Si je pouvais être ta maman,
Juste le temps dont tu as besoin,
Le temps que tu te souviennes de la mélodie de ton cœur, le temps de te savoir aimée.
Les yeux dans les yeux, je te ferais « oui » de la tête, je te montrerais mon soutien, s’il le faut je mettrais la main à la pâte, je t’aiderais à déplacer des montagnes, à trouver les épingles dans les meules de foin de la vie, à tirer les échardes trop profondément plantées.
Je te dirais : « Oui, tu fais bien et je te trouve fabuleuse, oui tu as raison et tu prends les bonnes décisions, oui tu peux te faire confiance, oui tu es unique et tu es la seule à connaître ton chemin et, oui, tu vas te trouver et laisser la trace unique de ta vie sur cette petite boule de terre qui est la nôtre ».
Si nous avions ce temps et cet espace,
Pour moi, celui de t’aimer, de te soutenir, de te servir, de te rencontrer et de t’encourager.
Comme si j’étais ta maman…
Si nous avions la place dans nos vies pour vivre ces instants.
Je voudrais juste que tu saches, par mes mots et par mes gestes, par mon sourire, par mes larmes, par une main sur ton épaule, par un chocolat chaud servi les matins d’hiver glacés, par les pommes pelées et coupées en quartiers au goûter, par le clin d’œil discret, par un petit cœur glissé dans la poche de ton manteau… que si tu n’existais pas, il faudrait t’inventer.
Je voudrais que tu entendes la voix de toutes les femmes scander en chœur combien tu es unique et importante,
qu’on te voit, que tu n’es pas transparente, qu’on t’aime, qu’on chérit ta présence, que chacun de tes soupirs, de tes gestes, de tes cicatrices, de tes idées, de tes fous rires, de tes gaffes, de tes pétages de câbles, de tes réussites, de tes mots, de tes larmes, de tes habitudes bizarres, de tes oublis répétés, de tes fautes d’orthographe, de tes sablés délicieux, de tes « DIY » ratés, de tes rêves, de tes discours activistes, de tes colères éclatantes… font toute la différence et qu’on ne voudrait manquer cela pour rien au monde.
Si tu pouvais l’entendre et le croire, serrer ces mots contre toi, ne pas les lâcher ! Ne les oublie jamais, ne les laisse pas s’effacer dans le vent.
Si j’étais ta maman, je serais tellement fière de toi et je trouverais que je n’aurais jamais pu avoir une fille plus fabuleuse que toi.