Pendant des années, j’ai attendu de mon mari qu’il soit mon fournisseur officiel de bonheur.
Il faut dire qu’il a le profil idéal.
Si je l’ai choisi, c’est pour son incroyable capacité à voir le verre à moitié plein, même au milieu des plus grosses galères. Mon homme, je l’ai toujours vu comme une force de la nature, prêt à affronter ses peurs, et constamment convaincu que plus tard, on pourra toujours rire de ce qui aujourd’hui nous paraît insurmontable.
Contrairement à lui, j’ai une fâcheuse tendance au fatalisme, et je me complais aisément dans toutes sortes de pensées dépressives. Dès le début de notre relation, mon conjoint a donc été le roc sur lequel je me suis appuyée — et au départ, je crois que ce n’était pas désagréable pour lui de jouer le rôle du vaillant prince charmant, me délivrant jour après jour des griffes de mes dragons intérieurs.
Le problème, c’est que ce n’était jamais suffisant.
Plus il se pliait en quatre pour faire mon bonheur, plus je m’enfonçais dans ma noirceur. Pendant des années, il s’est épuisé à essayer de m’empêcher de plonger dans mon gouffre. Mais malgré tous ses efforts, j’étais toujours aussi malheureuse.
Alors il a commencé à dire : « Je n’en peux plus. »
« Comment ça, tu n’en peux plus ? Tu oses m’abandonner comme une vieille chaussette ? Tu ne m’aimes pas, c’est ça ? »
Tandis qu’il cherchait désespérément à poser des limites saines à mes angoisses de petite fille, mes exigences ne cessaient de se renforcer. Je m’étais engagée dans un bras de fer constant, afin de l’obliger à faire ce dont j’étais incapable : me rendre heureuse.
Naturellement, toutes ces stratégies n’ont généré que frustrations, disputes et incompréhensions.
Avec l’aide de plusieurs thérapeutes, nous avons appris, chacun à notre manière, à conquérir notre indépendance émotionnelle. Il a appris à se sentir un peu moins menacé par mon marasme. Moi, j’ai appris à prendre soin de mon coeur. Et tous les deux, nous avons retrouvé un peu de pouvoir sur notre vie.
Voici 2 mythes largement répandus :
- « L’autre doit me rendre heureux » ;
- « Je dois rendre l’autre heureux. »
Non seulement c’est faux, mais c’est également impossible !
Dans mon cheminement, j’ai appris à accepter ceci : ce n’est pas qu’il ne VEUT pas me rendre heureuse. C’est qu’il ne PEUT pas. À cause du principe de responsabilité :
Le trousseau de clés de mon cœur, il n’appartient à personne d’autre qu’à moi.
Toi qui me lis, peut-être es-tu plutôt dans le camp de celles qui se plient en mille pour faire le bonheur des autres… Et laisse-moi deviner :
Je parie que ce n’est jamais assez !
Tu t’épuises à essayer d’en faire toujours plus. Tu serais prête à sacrifier beaucoup, voire à te renier toi-même, pour que l’autre soit heureux. Mais rien ne satisfait jamais en profondeur la personne que tu aimes. Tout simplement parce que tu n’as pas de pouvoir sur son cœur : son bonheur lui appartient.
Ça compte dans le couple, et ça compte évidemment aussi dans la relation parent-enfants :
- Non, mes enfants ne me rendront jamais heureuse (d’ailleurs, ce ne serait pas juste de mettre cette pression sur eux) ;
- Non, je ne dois pas rendre mes enfants heureux (mais plutôt les accompagner pour qu’ils apprennent à trouver en eux-mêmes leur propre sécurité).
Comme l’explique parfaitement Marion Muller-Colard, que j’ai eu la chance d’interviewer : la famille n’est pas une fabrique à bonheur — la famille est un laboratoire, au sein duquel nous construisons notre être intérieur et apprenons l’art des relations sur le long terme.
Chère Fabuleuse, n’oublie pas : le trousseau de clés… il est à toi 🙂