Il y a quelques jours, j’ai reçu le message d’une Fabuleuse venant d’accoucher de son troisième enfant. Voici ce qu’elle m’écrit :
« Avant l’arrivée de notre bébé, nous avions eu une discussion avec mon conjoint. Je lui avais rappelé qu’après la naissance, le sexe n’était pas forcément ma priorité. L’arrivée de bébé me chamboule physiquement mais aussi émotionnellement. Ma libido est un peu endormie à cette période. Il a été compréhensif, mais au bout d’un mois, impatience et frustration ont commencé à se faire sentir. De mon côté, je ne me sentais pas prête pour refaire l’amour. Et quand on a repris, une fois ou deux, c’était douloureux. J’avais peur d’avoir mal, j’ai perdu confiance en moi. Bref, je n’avais plus du tout d’assurance. »
Nombre de femmes pourraient me partager ce même témoignage. Avec la naissance, l’intimité du couple est effectivement, bien souvent, sens dessus dessous. La plupart du temps, ce sont les femmes devenues mères qui expriment ce besoin d’un retour progressif à la sexualité. Leur corps et leur sexe ont été traversés par l’expérience de la grossesse puis de l’accouchement. Une expérience de cœur, de chair et de sang, venant remanier leur rapport à la vie, leur histoire et leur corps. Une étape importante dans leur vie de femme mobilisant leur énergie physique et émotionnelle, laissant peu de place à l’énergie sexuelle.
Pour certaines, l’articulation mère ET femme n’est pas toujours évidente.
Non, il ne suffit pas d’un claquement de doigt pour se dire : « Allez, je pose bébé et je vais faire l’amour ! ». Cela dépend de chacune. Si telle femme sera heureuse de redevenir l’amante de son époux, libérée de son ventre volumineux, telle autre ne sera plus sûre d’être séduisante avec ses courbes nouvelles redessinées par la maternité. Telle femme s’en trouvera au contraire embellie : « J’adore ma poitrine ! Je fais enfin du 85C ! », quand une autre ne parviendra pas à se concentrer sur les baisers de son mari lui provoquant une montée de lait : « J’ai l’impression d’avoir un côté mammifère. Passer de la tendresse maternelle à la tendresse érotique est une gymnastique trop difficile. J’ai besoin d’apprivoiser ce que je vis. »
Le chamboulement hormonal qui accompagne cette période n’est pas non plus anodin dans cette histoire de libido. Si la femme allaite, la prolactine sécrétée au moment de l’allaitement endort le désir sexuel. Le corps de la mère est tout entier programmé pour se tourner vers son enfant, un peu comme si la nature reprenait ses droits afin de protéger ce bébé à faire grandir.
Le vagin devient également plus sec et par conséquent potentiellement douloureux si le couple décide de reprendre une sexualité avec pénétration. Et si la femme a connu une épisiotomie, une déchirure ou quelques éraillures, alors il lui faudra un peu de patience — et de façon plus pragmatique du lubrifiant — pour se réapproprier son sexe et ne plus avoir peur de la douleur.
Parfois, ce sont les hommes qui ont besoin de ce temps pour accueillir ces changements, apprivoiser leur femme devenue mère, leur nouveau statut de père et se remettre de la fatigue émotionnelle et physique provoquée par l’arrivée de bébé.
« J’avais besoin de prendre un peu de distance avec les souvenirs intensifs de la naissance où j’ai découvert ma femme si forte et vulnérable, parfois un peu animale, me confie un homme. J’ai réalisé qu’elle était mère et que son corps n’était pas que le lieu de notre amour. »
Mais comment faire, cependant, quand l’un souhaite retrouver une vie sexuelle rapidement et que l’autre ne parvient pas à s’y replonger ?
Si il n’y a pas de contre-indications médicales, une femme peut reprendre les rapports sexuels avec pénétration au bout de quelques semaines (entre 3 et 6). Mais le plus important est de se fier à son ressenti : « Est-ce que je me sens prête ? ». La frustration naît du décalage entre les envies de chacun et relève davantage d’une problématique masculine, même si l’inverse n’est jamais exclu !
« Monsieur veut refaire l’amour », s’agace l’une de mes clientes qui ne supporte plus de voir son conjoint bouder quand elle lui explique qu’elle ne se sent pas tout à fait prête pour vivre un moment d’intimité. « Je commence à culpabiliser de lui dire non, ça me met la pression », ajoute-t-elle.
La frustration est une émotion profondément désagréable, c’est un fait. Elle invite à la patience et à considérer que l’autre ne nous appartient pas. C’est une question de maturité. De façon plus subtile, elle est parfois l’expression cachée d’une jalousie latente, d’une petite angoisse d’abandon impossible à avouer pour l’homme : comment dire à sa femme que l’on a l’impression de s’être fait « piquer la place » par ce bébé nouveau-né ! Comment expliquer que les demandes de rapprochement ne sont en définitive qu’une manière de se sentir rassuré dans le fait d’être aimé ? « J’ai l’impression de ne plus provoquer de désir chez ma femme. Je le vis très mal. J’en viens à envier la place de mon enfant contre son sein », m’écrit un homme.
Demander « un câlin » est certes, légitime, mais pas suffisant.
Il s’agit de rappeler à la femme combien son corps de mère est désirable et combien la maternité la rend belle, combien cette expérience le concerne, lui aussi. Il s’agit de dire l’amour avant de vouloir le faire. « Impossible !, me répond une jeune mère. Vous connaissez le fameux cercle vicieux : l’homme rejoint la femme par le sexe, alors que la femme a besoin d’être en communion avec l’homme pour se donner… Eh bien, il est encore plus épineux dans ce moment fragile et instable de la maternité. » La question se transforme en impasse si l’on en reste à ces présupposés sans chercher à les dépasser.
Néanmoins, ce sera bien à l’homme de respecter ce temps dont la femme a besoin pour investir à nouveau la sexualité, à la femme de s’interroger si elle se sent bloquée, au couple d’accepter d’échanger.
Il n’y a pas de normalité en terme de reprise : chaque femme, homme, couple est différent.
Ce qui doit interpeller est l’absence de tendresse, de considération, le rejet ou l’agressivité qui ne pourront que figer les retrouvailles amoureuses et creuser un sillon de rancœur, parfois de violences.
Devenir parents implique un temps de familiarisation avec cet élargissement de l’identité de chacun, où s’entremêlent différentes perceptions de soi-même et de l’autre.
Deux rives qui semblent opposées : la femme ET la mère, l’homme ET le père.
Deux rives, certes, qu’il s’agira de réunir dans un même courant, un même corps, pour un nouvel équilibre, épanouissant pour chacun. Un équilibre précieux permettant à la sexualité de s’exprimer, de se vivre, de se dire.