Qui a piqué mon fromage ? - Fabuleuses Au Foyer
Dans ma tête

Qui a piqué mon fromage ?

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En 1998, Spencer Johnson publiait un livre de management pas du tout comme les autres. Un petit conte, qui se lit très vite mais qui fait réfléchir très longtemps : Qui a piqué mon fromage ? Comment s’adapter au changement au travail, en famille et en amour.

Ce livre, il y a plus de 15 ans que mon mari l’a acheté. Curieuse de l’intérêt que ce petit livre avait créé chez lui, je l’ai lu presque d’une traite et il nous arrive encore de le mentionner.

Sur les réseaux sociaux, je lis régulièrement des phrases telles que « Je veux récupérer ma vie d’avant covid », « Quand est-ce qu’on reviendra enfin à la vie normale ? » et j’entends les soupirs de ceux qui ressassent encore et encore ce qui leur manque. Et cela m’a fait penser à la fable du fromage de Spencer Johnson.

C’est l’histoire de deux petites souris (Flair et Flêche) et deux petits bonhommes (Pollochon et Ballochon) qui parcourent jour après jour un grand labyrinthe dans l’espoir d’y trouver du fromage.

C’est comme une métaphore de notre quête de ressource, de sécurité, d’amour. Chacun des personnages utilise sa méthode et ses capacités pour arriver au fromage qui le nourrira, le satisfera, le rendra heureux.

Un jour, ils découvrent une immense montagne de fromage.

Tout leur bonheur à disposition. Les deux petits bonhommes déménagent même leur maison au pied de cette montagne de fromage. Elle leur semble « acquise », ils l’ont méritée et ne remarquent pas que, peu à peu, la quantité de fromage disponible diminue.

Un matin, alors que les souris arrivent, elles découvrent que tout le fromage a été mangé : il n’en reste plus rien. Ni une ni deux, elles se remettent à la recherche d’une nouvelle source de fromage et repartent à l’aventure dans le labyrinthe.

Quant à Pollochon et Ballochon, ils découvrent à leur tour qu’il n’y a plus rien.

Pour eux, c’est la crise.

« Qui a piqué mon fromage ? »

« C’est trop injuste ! »

« Il devrait être là ! »

Au départ, ils continuent à revenir au même endroit, espérant qu’enfin leur fromage soit de nouveau là, pour ensuite, peu à peu accepter la nouvelle situation et se remettre à la recherche de fromage.

Il est souvent plus facile de reconnaître chez les autres ces réactions de panique, de désespoir et de frustration quand ils réalisent que « merde, plus de fromage à cet endroit-là ». Parfois, j’ai envie de secouer certaines personnes en leur disant :

« Mais tu ne vois pas que les choses ont changé, qu’il faut se relever et chercher ailleurs ? ».

On observe, on analyse et puis on se dit :

« Bon, eh bien, tout n’est pas perdu pour cette personne mais il faut qu’elle arrête de pleurer sa vieille montagne de fromage disparue, sinon elle ne va jamais en retrouver une nouvelle »

Pourtant, quand il s’agit de soi-même, on voit tout beaucoup moins clairement. 

  • On espère retrouver la situation d’avant, on espère que l’on va nous rendre notre fromage, on hésite à se remettre en route dans le labyrinthe qui nous entoure.
  • On a besoin de temps pour faire le deuil de ce que l’on a perdu, et c’est normal. 

Il se peut qu’il soit nécessaire de s’asseoir un instant et se permettre d’être frustré, triste, en colère, fatigué. Il y a des coups bas qu’on n’a pas venu venir, il y a des événements de vie qui nous piquent tout notre fromage et d’un seul coup c’est comme si plus jamais on n’avait droit au bonheur. 

Il y a des moments où c’est comme si une ligne se traçait de manière tangible : il y a aura un « avant » et un « après ». Avant la rupture, avant l’accident, avant la fausse-couche, avant le diagnostic, avant l’inondation, avant la maladie, avant les enfants, avant la dispute, avant le déménagement, avant le décès, avant le COVID-19.

Il y a un avant et un après.

Et pour l’instant, nous voyons tous dans notre quotidien ce que la pandémie a tracé comme ligne, depuis plus d’un an. Il y avait l’avant Covid-19, il y a maintenant et il y aura un après.

  • Avant, quand je pouvais aller chez le coiffeur sans même prendre rendez-vous
  • Avant, quand je pouvais aller au restaurant avec mon mari et les filles, à un concert, faire des courses sans porter de masque, rendre visite à mes beaux-parents, aller en Belgique voir ma famille, etc.
  • Avant,…

Je n’ai pas besoin de vous faire cette liste, vous la connaissez : vous avez même la vôtre.

« Qui a piqué mon fromage ? »

J’observe certains amis laisser la colère contre les décisions des politiques leur bouffer les tripes jour après jour.

D’autres s’accrochent tellement à ce qui leur est « impossible/interdit » pour l’instant qu’on les sent comme un claustrophobe coincé dans un ascenseur.

Eh oui, nous sommes tous un peu comme des lions mis en cage, et nous souffrons tous plus ou moins des mesures sanitaires prises par nos gouvernements. La solitude, la colère, les frustrations, la douleur et les conséquences émotionnelles de cette pandémie s’accumulent depuis plus d’un an et sont innombrables.

Je ne suis là ni pour relativiser, ni pour minimiser tout cela.

Je ne suis pas en train de te dire que tu exagères. La situation nous fatigue tous, nous dépasse aussi et c’est long, très long, bien trop long ! Je n’ai pas de réponses, ni de pronostics sur combien de temps cela va encore durer et comment gérer au mieux la pandémie. Je pense juste à ce petit conte « Qui a piqué mon fromage ? ». Et alors, je me dis : « Si la vie d’avant n’est plus là pour l’instant, je ne veux pas rester assise à attendre qu’elle me soit rendue, je veux chercher mon fromage, et je veux le chercher activement ».

J’ai envie de me secouer moi-même et de m’encourager :

« Rebecca, avec les forces que tu as (et elles oui, elles sont limitées), que pourrais-tu faire ? Vivre, je veux vivre et pas seulement attendre que tout revienne à la normale ».

Tu vois ce que je veux dire ?

Oui, on est dedans jusqu’au cou, oui, on en a marre, oui, on aimerait que ce foutu virus se fasse la malle mais en attendant, ce sont nos vies, nos minutes, nos moments qui s’écoulent. Ne vaudrait-il pas la peine de se forcer, et de se dire :

« Allez, zou, ma chère, partons chercher dans ce labyrinthe qu’est la vie de nouvelles sources de fromage » ?

Et au lieu de faire la longue liste de tout ce que je ne peux pas faire, faire une nouvelle liste : 

La liste des « sans souci »

  • Je peux sans souci faire un pique-nique dans la nature avec mes enfants (ou dans le salon sous une tente improvisée)
  • Je peux sans souci me chercher une robe d’été sur les sites en ligne de seconde main (bon on espère que l’essayage sera aussi sans souci mais qui sait, on découvrira peut-être un modèle unique),
  • Je peux montrer à ma famille en Belgique qu’on est proche tout en étant loin (écrire une carte, envoyer des photos sur le groupe familiale)
  • Je peux danser avec mes filles sur leur chanson préférée après le repas du soir, lire au soleil, essayer une nouvelle recette
  • Je peux rester en contact avec mes amies, je peux sortir de vieilles photos et repasser dans ma tête et dans mon cœur certains souvenirs qui ne pâlissent pas avec le temps qui passe
  • Je peux décrire à mes filles la tailles des premiers téléphones portables et redécouvrir mon film d’ado préféré (et réaliser combien ils sont lents en comparaisons avec les blockbusters actuels)
  • Je peux redécouvrir les coins originaux de la région
  • Je peux poser un bouquet de fleurs au milieu de la table et me réjouir de ses couleurs vives
  • Je peux même regarder un vieux bêtisier et rire de bon cœur.

Je peux et je me dois, de poursuivre ma quête de fromage, malgré tout !

Parce que je veux vivre ces jours qui me sont donnés. Malgré tout !

Bien entendu, nos ressources (de temps, d’argent, de possibilité) sont limitées et notre motivation peut être une peau de chagrin en ce moment, mais je ne veux pas lâcher prise : je veux mettre mes baskets, affronter la gravité qui me pousse à la passivité et me lancer dans le labyrinthe pour retrouver des petits bouts de fromages délicieux en chemin.

Ce sont mes jours, mes minutes, les petits et grands trésors qui m’entourent, ce sont chacune de mes respirations et chacune d’entre elles est un cadeau.

C’est mon regard qui importe.

Enfants, nous écoutions sur les routes des vacances les cassettes d’Yves Duteil. Je connais encore toute une série de ses chansons par cœur et je me faisais une joie de chanter « La puce et le pianiste » à mes filles le soir.

Je me dis et me redis en chemin ces quelques phrases du morceau « Regard impressionniste »

« Le monde a la beauté du regard qu’on y pose

Le jardin de Monet, le soleil de Renoir

Ne sont que le reflet de leur vision des choses

Dont chacun d’entre nous peut être le miroir

La vie nous peint les jours au hasard du voyage

En amour en douleur ou en mélancolie

C’est un peu de ce temps qu’on laisse en héritage

Enrichi du regard qu’on a posé sur lui. »

Ma chère Fabuleuse,

Ne laisse pas la situation actuelle t’écraser au sol, ne te laisse pas voler ton regard, ton souffle, ta capacité à trouver du fromage, cherche avec moi la beauté, le bon, le nourrissant…

Il en reste tant à notre disposition.



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CHÈRE FABULEUSE
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Cet article a été écrit par :
Rebecca Dernelle-Fischer

Psychologue d’origine belge, Rebecca Dernelle-Fischer est installée en Allemagne avec son mari et ses trois filles. Après avoir accompagné de nombreuses personnes handicapées, Rebecca est aujourd’hui la maman adoptive de Pia, une petite fille porteuse de trisomie 21.
https://dernelle-fischer.de/

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