Quand maman perd pied
Quand ses forces lui manquent
Quand elle n’arrive plus à sortir de la roue de hamster dans laquelle elle court
Quand maman perd pied et que ses résistances lâchent
Quand ses plombs pètent
Quand se larmes s’assèchent à force de se noyer intérieurement
Quand maman perd pied et que son rire sonne comme un soupir
Quand elle ne trouve plus la porte de sortie
Quand elle n’arrive plus à gratter les fonds de tiroirs de son énergie
Quand maman perd pied et que son petit monde chavire
Quand toute l’aide qu’elle pourrait avoir lui semble inaccessible
Et quand elle s’efface derrière une façade, le cœur vide.
Quand maman perd pied,
Elle a besoin de tant de choses. Elle a besoin d’elle, de nous, d’air, de temps, de légèreté et d’insouciance.
Et pourtant, elle reçoit si souvent conseils et idées, programmes prémâchés.
« Je vous remettrais bien une petite dose de culpabilité, ma petite dame ? Vous n’avez pas l’air de tout gérer, ma pauvre. Et Montessori, vous avez essayé, le minimalisme, la méditation, la piscine ? Allez tout est possible, il faut juste… »
« Juste quoi ?, dira-t-elle, fatiguée. Juste quoi ? »
Quand maman perd pied, qu’elle trébuche de fatigue, ce dont elle a besoin n’a rien de facile, ce n’est pas un café qui lui redonnera sa force, ni une soirée télé qui la remplumera.
Quand maman perd pied, elle a besoin d’un village pour la porter.
Du silence humble de ses aînés, du soutien financier, médical et humain de la société. C’est la structure qu’il faut changer.
Et puis arrêter de lui mentir.
Non, tout n’est pas possible.
Ce n’est pas qu’elle n’a pas assez essayé, c’est juste que tout n’est pas toujours possible.
Non, elle n’est pas une héroïne dont les forces se régénèrent comme par magie.
Non, ce n’est pas un monde qui lui laissera la place qu’elle mérite si elle ne se bat pas pour l’avoir.
Non, on n’entend pas les pleurs étouffés sous la couette des âmes maltraitées. On leur préfère trop souvent les échos de réussites éblouissantes.
Oui mais, parfois, on craque, parfois, on trébuche, parfois on croit tous les mensonges et on regarde notre quotidien, visages cernés et cheveux ébouriffés et on se demande quelle nullité on doit être pour ne pas y arriver.
Quand maman perd pied, elle n’a pas besoin qu’on lui dise « Marche plus vite, ça aide à tenir l’équilibre » ni « Ose ta vie » ni même « Sois reconnaissante, ça t’aidera à passer le cap ».
Quand maman perd pied, elle a besoin d’entendre des mots vrais, des mots qui comprennent, des mots qui ne jugent pas, des mots qui prennent dans les bras.
De mots qui lui disent :
- « C’est normal que tu sois fatiguée, c’est éreintant, tu sais? »
- « On préfère que tu retrouves ton équilibre que de te voir te perdre dans une to-do list monstrueuse. »
- « Parfois la vie, c’est chiant, parfois c’est glorieux. Parfois c’est sexy et parfois c’est tellement terre à terre. Laisse tomber le glamour, on préfère voir tes petites rides quand tu souris que de te dire que ton mascara est waterproof pour que ta douleur reste invisible, même quand les larmes coulent. »
- « Allège ton bagage, prends soin de toi, dépose les fardeaux qu’on t’a mis sur les épaules. S’il te plaît, trouve un lieu pour parler et guérir, une oreille pour t’écouter, une main tendue pour te soigner, une épaule pour poser ta tête si lourde. »
Quand maman perd pied, elle a besoin de soutien.
De pouvoir s’alléger, s’organiser autrement pour pouvoir vivre sans augmenter sa dette constamment. Ne pas lui demander plus que ce qu’elle peut donner. L’encourager à se rebeller et à dire non. Lui faire signe de la tête que « oui, elle peut sortir des cases toutes faites dans lesquelles on essaye de la coincer, des attentes, des idées préconçues et folles que nous avons de ce qu’une maman doit être et pouvoir faire ».
Nous avons besoin d’une société qui soutient et qui applaudit, non les super héros, mais les super normaux.
Les humains. Les humains, comme toi et comme moi et comme une maman, même quand elle perd pied.
Alors chère maman, oui, tu es fabuleuse, aussi quand tu perds pied.
Juste humaine et fabuleuse.