Dans Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus, le best-seller de psychologie conjugale, John Gray explique que les hommes sont comme des élastiques : après un moment d’intimité avec leur compagne, ils éprouvent le besoin irrépressible de prendre du recul et de retrouver leur autonomie.
S’il est assez vrai sur le fond, sur la forme, ce principe ne semble pas complètement s’appliquer à mon couple. De façon générale, je sens assez rarement mon Fabuleux proche de moi car son tempérament très indépendant fait qu’il vaque le plus souvent à ses occupations : il bricole, il va dans le jardin, il s’occupe de son aquarium…ou il navigue sur internet et regarde des vidéos sur la tablette.
Je sais que ça n’est pas dirigé contre moi.
Je sais qu’il m’aime et que je compte pour lui, mais je le sens rarement vraiment proche de moi… au sens où moi, j’entends la proximité : échange profond, partage au niveau des sentiments, écoute bienveillante…
Mon Fabuleux est beaucoup dans son monde, happé par son travail, certes, mais surtout par de nombreux centres d’intérêt qui le motivent et l’animent.
Quels sont mes sentiments ?
De la déception ? Pendant de nombreuses années, oui. De la déception qui m’a conduite à la colère, à la frustration, et m’a fait passer par tous les états émotionnels de celle en qui je me transforme parfois et que j’appelle la “vieille rageuse”.
La « vieille rageuse », c’est celle qui rumine :
“Mais pourquoi il ne me dit rien ?”
La « vieille rageuse », c’est celle qui transforme tout en catastrophe :
“Notre relation est désastreuse !”
La « vieille rageuse », c’est celle qui sait très bien se rendre insupportable (et déclencher un conflit) :
“C’est toujours la même chose, avec toi !”
Bref, j’imagine que tu vois assez bien le tableau ^^.
Au fil des années, à force de prises de becs et de travail intérieur, j’ai développé, je crois, une forme d’acceptation sans résignation.
Je sais que j’ai trop longtemps rêvé à trop de choses nous concernant, que je me suis laissée aller au fantasme – un fantasme marqué par le modèle du couple de mes parents – et que cela m’a fait beaucoup de mal. Alors je me contente de ce que j’ai déjà :
Il est là, il me montre son amour par des actes. Il s’occupe à merveille des enfants, il gère ce qu’il y a à gérer et, de temps en temps, nous discutons.
Je me suis trop souvent vue rêver à une relation différente, que je qualifierais de plus « intime », plus tournée vers l’exploration et le partage de nos sentiments, de nos blessures, de nos joies, de nos envies et de nos rêves.
Mais j’ai appris une chose : dès lors que je le force trop à partager, que j’entre par effraction dans son monde, il se ferme et s’éloigne…encore plus. J’essaie donc, du mieux que je peux, de respecter ce besoin d’indépendance, son autonomie profonde. J’ai appris, je crois, à plus respecter ce besoin chez lui…mais je sais que la route est encore longue et que je serai certainement en apprentissage tout au long de notre vie à deux.
Ce qui est touché en moi, c’est la prise de conscience, sans cesse renouvelée, que je ne peux pas et ne pourrai jamais exercer un quelconque « contrôle » sur lui, qu’il est un être totalement mystérieux et indépendant. Et de temps en temps, j’ai la chance de pouvoir entrer un peu dans son monde.
Alors, je n’oublie pas d’éprouver de la gratitude pour tous les efforts qu’il fait déjà, pour le soutien qu’il m’apporte, de regarder ce que j’ai plutôt que de me concentrer sur ce que je n’ai pas (et n’aurai peut-être jamais).
Et dès que je mets mon radar en mode positif plutôt que négatif, comme par magie, mon Fabuleux se montre plus enclin à me montrer son amour. Il me rend des services avec une étonnante facilité : il « fait sa part », et même plus. Par exemple, en m’encourageant à suivre un cours de yoga chaque dimanche matin et en gérant les enfants pendant ce temps-là.
Alors d’accord, il ne me dit toujours pas quels sont les sentiments qui l’habitent, mais je ne vais certainement pas faire du nez sur ce joli cadeau…et je décide de le voir comme tel au lieu de rechigner en me disant que c’est juste « normal ».