Il paraît que mettre un pied dans le monde de la maternité, c’est accepter que la peur devienne notre compagne de route.
Pour ma part, j’étais déjà très pote avec Miss Peur, mais devenir mère m’a fait découvrir les affres de l’anxiété : peur qu’il arrive quelque chose à mon enfant, peur de le traumatiser ou de ne pas être à la hauteur, peur du regard des autres sur l’éducation que je lui donne, peur de la fatigue, peur pour son avenir… J’ai tellement de peurs que je pourrais en faire une chronique ! (Tiens, ça me donne des idées pour de prochains articles !)
Il y a quelques semaines, motivée par les contenus des programmes annuels payants proposés par les Fabuleuses — si ça t’intéresse, c’est par ici —, j’ai décidé de mettre en place un petit rituel tout simple.
Tous les soirs, je prends le temps de répondre à l’écrit à ces 3 questions :
« Comment est-ce que je me sens physiquement ? Comment est-ce que je me sens émotionnellement ? Qu’est-ce que je pourrais faire pour prendre soin de moi ? » (rituel de reconnexion à soi que je te recommande vivement !)
Évidemment, tu l’auras deviné, dans 80 % des cas, mon émotion dominante de la journée était la peur. J’étais tour à tour inquiète, angoissée, terrorisée, paniquée, pleine d’appréhension… et j’arrivais à nommer à merveille mes mille et une nuances de peur. Il faut dire que je suis experte en peur depuis toujours ou presque ! Arrivée à la question n° 3, je bloquais : comment faire pour prendre soin de moi et de Miss Peur ?
J’ai appris depuis longtemps que les émotions sont des signaux qui nous alertent sur le fait que l’un de nos besoins n’est pas comblé.
Si je suis fatiguée, le besoin sous-jacent c’est le repos. Pour la colère, c’est le besoin de poser des limites. Pour la tristesse enfin, c’est le besoin de faire un deuil. Les émotions sont comme les voyants de ma voiture : ils m’indiquent qu’il y a un problème et me donnent des pistes sur la façon de le résoudre. Mais dans le cas de la peur, cette idée me panique encore plus : si j’ai peur, c’est qu’il y a un problème ???? Ah bon ????!! Au secours !!!!!! Et voilà que Miss Peur perd tout son sang-froid. Alors que, précisément, il est possible de ressentir de la peur sans avoir de problème. La métaphore ne fonctionne pas pour certaines peurs, qu’on pourrait qualifier d’irrationnelles (ce n’est pas la peur face au sanglier sauvage, qui te conseille de faire marche arrière, dont je parle). Le voyant « Peur » de notre tableau de bord est un voyant défectueux, qui s’allume et s’éteint sans forcément prendre en compte la réalité environnante. Le voyant « Peur » n’est pas uniquement raccordé à des caméras ou à des radars extérieurs. Il est aussi rattaché à notre mémoire et c’est là que tout se complique : on croit qu’on a peur du présent ou de l’avenir alors qu’en réalité, on a une peur passée… qui ne passe pas.
Certains soirs, j’ai donc décidé que la meilleure façon de prendre soin de Miss Peur, c’était de l’ignorer, elle et son voyant rouge sur mon tableau de bord.
Tu connais peut-être cette métaphore utilisée par Elizabeth Gilbert dans Comme par magie : autoriser la peur à rester dans la voiture, mais ne pas lui laisser le volant. C’est ce que j’ai fait certains soirs. J’ai ignoré ma peur avec douceur, en lui disant que je comprenais que c’était très dur pour elle, mais que je maintiendrai mon cap. Je l’ai ignorée en l’emmenant voir plein de beaux paysages, pour lui montrer que, dans la réalité, tout va très bien. J’ai parfois bousculé mon emploi du temps du lendemain pour prévoir des temps pour me faire plaisir : ces détours sur ma route m’ont beaucoup aidée. Et bizarrement, je crois qu’à Miss Peur aussi, ça lui faisait du bien d’être ignorée et promenée. Miss Peur est toujours rassurée quand elle voit un adulte qui tient fermement le volant et qu’elle peut se concentrer sur de beaux paysages. Prendre soin de ses peurs passe donc par le fait de se prévoir des moments de plaisir (comme pour les autres émotions d’ailleurs, donc on ne se trompe jamais en faisant ça !).
Mais je voudrais te parler d’une autre stratégie, celle qui consiste à s’arrêter quelques instants pour rassurer et câliner sa peur.
Le voyant « Peur » n’indique pas forcément qu’il y a un problème réel à l’extérieur, mais il indique néanmoins toujours un (immense) besoin de sécurité non comblé (et la nuance est de taille). Or il y a un stade où l’on ne peut pas juste ignorer ce manque, qui vient souvent de l’enfance, ou d’un évènement traumatisant plus récent lors duquel on s’est senti complètement démuni.
C’est là qu’un travail avec un psy devient utile. Grâce à ma psy, je comprends de mieux en mieux d’où vient mon insécurité fondamentale. Je peux dire à Miss Peur avec beaucoup d’assurance : « Ne t’inquiète pas, je sais pourquoi le voyant est allumé, ce n’est pas de ma faute, et cela n’a rien à voir avec la situation actuelle ». Bref, pas de sanglier sur la route aujourd’hui ! En ce moment, je me répète souvent : « C’est fini. Aujourd’hui, j’ai des ressources » ou « Toutes les difficultés vont passer et de bonnes choses s’en suivront. » ou « Je souris dès maintenant pour anticiper ce moment de soulagement où tout s’éclaire » ou « La perfection ne me rendra pas plus heureuse, seul l’amour me rendra vraiment heureuse. ».
Après les moments de plaisir, voici donc un autre moyen de prendre soin de ses peurs : les petites phrases.
On peut prendre soin de soi par des phrases : c’est gratuit et non chronophage, bref, c’est génial ! Tu peux les dire (à voix haute, si tu peux) tous les matins et tous les soirs. Tu peux aussi en faire des post-its. Miss Peur aime beaucoup qu’on lui parle, ça la rassure.
Un psy est aussi très utile, car câliner sa peur, cela revient à adopter une posture d’adulte tout en se reconnectant à l’enfant en nous qui a peur. Le grand écart, quoi ! Un psy peut donc devenir pour toi cet adulte qui va t’apporter toute la sécurité dont tu as besoin. Au passage, ma Miss Peur ADORE aller chez la psy ! Si par hasard tu hésites à contacter un professionnel, ma Miss Peur pourrait te faire un discours promotionnel à faire pâlir le meilleur des commerciaux ! Je deviens pour ma part de plus en plus autonome.
J’arrive à me connecter à mes peurs sans paniquer :
je peux ressentir avec curiosité les sensations que la peur crée dans mon corps et j’aime beaucoup exprimer mes peurs dans mon carnet (sur des plages horaires prévues et délimitées quand c’est la panique, pour que l’adulte en moi ne soit pas submergée). C’est le 3e soin que j’ai dans ma trousse spéciale Miss Peur : l’écoute. Car Miss Peur a besoin d’être écoutée avant d’être rassurée (sinon, elle a tendance à croire qu’elle doit hurler pour être entendue).
Dernier soin : l’imaginaire.
Lorsque nos peurs sont imaginaires, prendre soin de nos peurs passe par l’imaginaire. J’ai appris avec ma psy à visualiser l’enfant que j’étais, ou bien Miss Peur elle-même (la mienne ressemble un peu aux personnages du film Vice Versa pour celles qui connaissent !), et je m’imagine en train de lui faire un câlin. J’ai collé une photo de moi quand j’étais petite fille dans ma salle de bain pour m’aider (l’idée m’a été suggérée par Clémentine Sarlat dans l’épisode 125 de son podcast « La Matrescence »). Ma psy m’a suggéré d’intégrer cette photo dans une composition artistique : je ne l’ai pas encore fait, mais c’est au programme ! Ma thérapie n’est pas finie et j’aurai peut-être d’autres soins spécial « Peur » à partager avec toi, mais en voici déjà quatre : les moments de plaisirs (pendant lesquels on peut ignorer sa peur avec bienveillance), les petites phrases, l’écoute (curieuse et distancée) et l’imaginaire. En pleine crise d’angoisse, ces quatre soins ne te suffiront pas. Il s’agit plutôt d’un traitement de fond. Mais j’ai un soin d’urgence disponible pour toi ici !
Miss Peur n’a pas disparu, mais elle va beaucoup mieux.
Elle fait d’ailleurs beaucoup mieux son travail quand on croise de véritables sangliers sur la route. Je lui laisse les mots de la fin : « Tu es beaucoup plus rassurante depuis que tu es devenue maman ! »