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Peut-on réinventer le sexe ?

Marie Lucas Leborgne 14 juin 2022
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Bien souvent, je suis trop fatiguée, ou trop préoccupée, pour désirer me jeter au lit dans les bras de mon homme. Mais je me rends compte que mes préoccupations ou ma fatigue m’arrangent la plupart du temps. C’est que le sexe, bien souvent, ennuie.

Nous suivons implicitement un « script » dans nos relations sexuelles.

Pour reprendre les mots d’Alexandre Lacroix, dans son tout récent livre Apprendre à faire l’amour nous suivons la plupart du temps sans même nous en rendre compte un « script » implicite qui dicte le déroulement de la relation sexuelle.

Le script dominant se passe en trois actes, comme se doit de le faire tout bon scénario depuis Aristote : 

  • Acte I : le début de l’histoire avec un élément déclencheur, autrement dit les préliminaires, qui font entrer dans le rapport sensuel au corps.

  • Acte II : l’action, ou le nœud de l’intrigue, qui se joue autour de la pénétration.

  • Acte III : la résolution, qui correspond à l’éjaculation. 

C’est beau, c’est efficace. Ça marche très bien au cinéma et surtout dans le porno, justement parce qu’on ne perd pas de temps pour arriver droit au but. Mais c’est terriblement ennuyeux à la longue, même si l’on tente de faire preuve d’imagination ou de technicité incroyable dans le détail du déroulement de chacun de ces actes. Et cela peut générer des tonnes de complexes, étant donne que ce script dominant est centré sur la performance de la jouissance.

Il faut « atteindre une stimulation maximale, vite et longtemps » (Alexandre Lacroix).

Et bien sûr, cette jouissance chez les deux partenaires a lieu exactement en même temps, c’est le sommet de l’acte II – la relation sexuelle est sinon un échec. Là aussi, cette idée génère des tonnes de complexes. Les unes peuvent se sentir anormales, si elles n’éprouvent pas un plaisir fou à la pénétration – surtout si elles ont eu le malheur de lire Freud. Les autres peuvent se sentir impuissants, si l’action n’est pas assez efficace.

Mais tout cela est loin de la réalité de la relation sexuelle.

Pour ne donner qu’un exemple, moins de 20 % des femmes jouiraient du seul fait de la pénétration (étude scientifique menée en 2005 par l’université d’Indiana). Ce chiffre en lui-même est intéressant, car il remet en cause l’idée que l’on peut se faire de la normalité, telle qu’elle est implicitement comprise dans le script dominant.

Écrire son propre script

Je trouve géniale l’idée que propose Alexandre Lacroix : pour réinventer sa sexualité, plutôt que se lancer dans des défis techniques incroyables ou tenter de faire toutes les positions du Kamasutra, nous pouvons écrire notre propre script. Un script où l’on se rejoint l’un et l’autre, dans la relation charnelle des corps et dans le plaisir. La relation sexuelle ne se joue plus alors nécessairement en trois Actes.

Elle peut être une succession de cadences différentes, et pas un sprint.

On peut parler et dire ce que l’on ressent, ou s’arrêter pour regarder les étoiles, boire un verre de vin ou écouter de la musique et danser… Il n’y a plus un script, mais autant de scripts que de couples.

Les relations sexuelles en couple stable peuvent en devenir de plus en plus jouissives – car on connaît mieux les vallées du plaisir du corps de l’autre. Au contraire, le script dominant entraîne lentement mais sûrement une lassitude sexuelle.

Écrivons notre propre script pour réinventer notre sexualité !



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Cet article a été écrit par :
Marie Lucas Leborgne

Professeure agrégée de philosophie et mère de trois enfants, elle vit actuellement à Compiègne. Mère et prof à temps plein, quand il lui reste du temps libre elle continue ses recherches sur le corps féminin en philosophie. Et à ses heures perdues, elle écrit de la fiction jeune adulte. 

Elle a à coeur de porter sur les questions chères aux Fabuleuses un regard philosophique et concret, inspiré de ses lectures et de ses propres questionnements.

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