Ce matin, j’enfile mes baskets, j’enclenche le bluetooth sur mon téléphone portable, je démarre la musique, j’ouvre mon application de suivi de course et je sélectionne le nouveau programme « Course normale » (un peu plus difficile que la dernière fois, mais pas trop non plus !), et c’est parti !
Me voilà en route pour une demi-heure de course, montées et descentes à foison (la montagne n’est pas le lieu le plus favorable pour la course à pied, mais je prends ce que j’ai!), motivation musicale en place, soleil bien présent : de quoi me ressourcer pour la journée à venir !
Mais voilà que mon application me joue des tours : après un moment de mise en route à un rythme léger, je comprends que le niveau suivant que j’ai sélectionné ne va pas du tout me convenir. La petite voix toute sympathique, censée me motiver à continuer avec des « bravo, vous vous améliorez à chaque entraînement » et « souriez si vous le pouvez », commence à dire « accélérez pour atteindre la vitesse de 10 km/h ». Et puis tout à coup, elle ne cesse de répéter « courez un peu plus vite » et « allongez votre foulée pour atteindre 13.1 km/h » !
Voilà, je suis découragée.
Arrivée à la montée finale – la pire évidemment -, je lutte pour ne pas marcher. La voix, à qui j’ai envie de crier des mots pas très sympathiques, me plante un dernier coup de couteau : « On dirait que vous prenez du retard, accélérez ».
Bon, je suis arrivée chez moi, contente d’avoir couru, mais aussi découragée par cette voix, qui a cassé complètement ma motivation en me répétant que je ne courais pas assez vite, que je n’étais pas à la hauteur, en bref, que je n’avais pas réussi.
Cette petite voix, j’ai bien l’impression qu’elle est là aussi dans d’autres moments de ma vie. Lorsque je me fixe des objectifs qui sont bien trop élevés pour moi, et que forcément je n’y arrive pas, cette petite voix dans ma tête vient me répéter : « Tu n’y arriveras jamais, tu n’es pas une bonne mère, regarde les autres comme elles sont fortes et toi pas ! »
Comme j’aimerais faire taire cette voix !
Elle ne m’aide pas du tout, bien au contraire : elle appuie là où ça fait mal. Oh oui, ce serait super de pouvoir diminuer le son, voire carrément la supprimer, comme sur mon téléphone. Mais malheureusement, ce n’est pas aussi facile que sur mon application de course…
Par contre, ce qui est possible, ce sur quoi je peux agir, c’est la définition des objectifs. Lors de ma formation professionnelle, j’ai suivi des cours de gestion de projet, et j’ai appris que les objectifs devaient être SMART (« intelligent », en anglais).
- Spécifique : l’objectif est personnalisé, il me concerne, il est simple à énoncer et à comprendre, il concerne un élément précis et pas plusieurs à la fois.
- Mesurable : il est possible de mesurer l’objectif, de le qualifier et de le quantifier, afin de pouvoir l’évaluer en cours de route et à la fin. Je dois pouvoir répondre à la question : « Mon objectif est-il atteint ou non ? »
- Atteignable (ou Acceptable) : je peux accepter cet objectif, il est suffisamment ambitieux pour me mettre au défi, tout en étant raisonnable et atteignable.
- Réaliste : afin de ne pas abandonner en cours de route, mon objectif est dans la limite de ce qui est réaliste pour moi au moment où je le fixe.
- Temporellement défini : une date butoir est posée, une limite de temps est fixée. Ce n’est pas « le plus rapidement possible », mais c’est « dans 3 mois » ou « pendant une semaine ».
Chère Fabuleuse,
- Tu as envie de te remettre au sport ? Commence par un petit footing de 20 minutes une fois par semaine, et pas tout de suite par 4 entraînements d’une heure.
- Tu veux t’énerver moins à la maison ? Au lieu de te dire « aujourd’hui je ne vais pas crier », dis-toi plutôt « pendant la prochaine heure, je vais garder mon calme », ou même « pendant les prochaines 10 minutes ».
- Tu veux te lever plus tôt le matin pour prendre du temps pour toi ? Mets ton réveil 10 minutes plus tôt, et pas 1h plus tôt.
- Tu veux sortir plus souvent seule avec tes enfants ? Fais-le déjà une fois par semaine, en restant tout près de chez toi, pendant 1h.
(Evidemment que tout cela est à adapter à chaque situation!)
Quand les objectifs sont trop élevés, qu’ils ne correspondent pas à notre réalité, qu’ils sont trop flous, qu’ils s’étirent dans le temps et qu’il est impossible de définir si oui ou non j’ai atteint ce que je voulais, c’est là que la voix est la plus forte.
Pendant longtemps, j’ai eu très peur de sortir seule avec ma fille (ça va mieux depuis qu’elle marche, mais c’est encore parfois difficile pour moi). Tellement d’autres mamans le faisaient, alors, pourquoi moi je n’y arrivais pas ? Un jour je me suis dit :
« Allez, je prends le train, je descends en ville, je vais faire des magasins, je ne prends que le porte-bébé comme ça ce sera plus confortable pour les déplacements, et je rentre à temps pour la coucher le soir ».
Résultat : les réussites de cette expédition (car il y en avait !) étaient en grande partie masquées par les moments désagréables : trop chaud, retour trop tard, « j’aurais du prendre la poussette, je n’ai pas acheté tout ce que je voulais alors que mes courses étaient déjà trop lourdes », et j’en passe.
Et là, je me suis dit : il ne faut pas que je cherche à monter l’Everest au premier essai ! Un pas après l’autre, et peut-être qu’au final je ne monterai que sur la colline, mais au moins j’y serai bien.
C’est certain, je n’arrive pas à tous les coups à me fixer des objectifs “SMART”, et ma course de ce matin en aura été la preuve. Mais j’essaie. Et quand j’y arrive, alors je peux vraiment goûter au plaisir d’avoir réussi et surtout de me sentir bien après cela, et pas exténuée par l’effort fourni.
Alors, la prochaine fois que j’irai courir, je choisirai un programme adapté, et ainsi je pourrai profiter de la petite voix qui me dit des paroles positives et encourageantes : « Super, gardez ce rythme », « Vous êtes fantastiques » … et celle que je préfère :