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Vie de famille

Personne ne m’écoute

maman dispute enfant
Valérie de Minvielle 27 mai 2024
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« Je crie trop sur mes enfants »…

…est une phrase que j’entends souvent, durant les séances avec les femmes que j’accompagne et la raison invoquée pour expliquer ce phénomène est souvent la même. Philippine me dit, dépitée : « je ne veux pas crier, mais il n’y a que comme ça qu’on m’écoute ». 

Elle se sent en colère contre son mari et ses enfants, qui lui coupent la parole. Plus profondément, cette situation lui donne la sensation de ne pas exister, ou de n’exister que comme assistante des autres. Elle revêt tour à tour le costume de tyran, quand elle hurle sur ses enfants, et celui de victime, quand elle est interrompue à multiples reprises pendant le dîner familial.  

Je mène avec elle une enquête en cherchant ce qui déclenche le plus souvent ses cris.

Philippine identifie tout de suite la question de son autorité en tant que parent : « je hurle contre eux quand j’ai répété la consigne dix fois et qu’ils n’obéissent toujours pas ». Je comprends que Philippine se sent en colère quand elle n’est pas obéie. Elle a trois enfants en bonne santé qu’elle élève avec énergie. Elle attend d’eux qu’ils suivent naturellement la direction indiquée par leur mère, interrompant leurs jeux, acquiesçant à ses demandes. Que se passe-t-il quand ses enfants n’obéissent pas ? Elle crie encore plus fort. Et tout le monde pleure, elle y compris.

Ce qui se passe, c’est que Philippine a rarement pris le soin d’expliquer à ses enfants les règles auxquelles elle tient.

Par ailleurs, elle n’ose pas punir ses enfants, de crainte de leur faire du mal. Je lui explique que la sanction, hors châtiment corporel évidemment, si elle est proportionnée au comportement que l’on veut réprimer, a une valeur de structuration pour l’enfant et rend la vie en famille nettement plus apaisée. Loin d’abîmer l’enfant, les limites, quand elles sont calmement énoncées et appliquées avec la même logique, constituent un rempart nécessaire contre ses pulsions (blesser ton frère n’est pas une option). Elles rassurent. Philippine décide d’en discuter avec son mari. Ils établissent ensemble des règles, les sanctions correspondantes en cas de transgression et les énoncent à leurs enfants. Rapidement, l’ambiance familiale s’apaise et Philippine n’a plus besoin de crier pour se faire entendre de ses enfants.

Mais pour certaines, les choses sont plus complexes. 

Je pense à Deborah, dont je t’ai déjà parlé. Elle se demande avec moi comment faire entendre sa voix auprès de son mari. Je me fais son miroir et lui propose de se questionner : « Imaginons que ce que tu vis dans ta famille est le reflet de ce que tu vis au-dedans de toi. Qu’est-ce que cela dirait de ce qui n’est pas écouté en toi par toi-même ? ». Je cherche avec elle les verrous qui la musèlent intérieurement. 

Déborah découvre qu’elle se sent liée à son mari par une promesse gravée dans le marbre.

Après leur rencontre, il lui a dit l’importance que revêtait pour lui sa vie professionnelle et en retour, elle lui a promis son soutien dans ce désir de réalisation. En plongeant dans leur vie amoureuse, maritale, puis de parents, elle est restée fidèle à cette conversation d’alors, s’occupant entièrement de la logistique de la maison et des besoins de leurs enfants. Mais le temps a passé, les enfants grandissent, et Déborah sent des envies de retravailler la titiller de plus en plus. Deborah n’a plus envie d’être dans l’adaptation et le retrait permanent, mais elle n’ose pas en parler à son conjoint de peur d’être accusée de « trahison ». Elle se tait, et va jusqu’à faire taire cette petite voix qui lui chuchote « et si tu retrouvais un boulot ? ». Deborah aura un chemin d’acceptation à faire : accueillir ce mouvement en elle, reconnaître son envie de vouloir travailler comme légitime, puis l’affirmer en elle avant de pouvoir en discuter avec son mari en toute tranquillité. Finalement c’est en commençant par se prêter une oreille attentive à elle-même que Deborah pourra d’abord renouer avec sa créativité et ensuite, se faire entendre de son mari. 

Pour Pauline aussi, la question « Y a-t-il des choses que tu n’écoutes pas en toi ? » fait tilt.

Enfant, Pauline a été gravement malade, monopolisant l’attention de ses parents pendant plusieurs années. Se sachant choyée, voyant ses frères et sœurs poussés à se débrouiller seuls, elle a pris l’habitude de ne jamais se plaindre. Elle se faisait même toute petite en rentrant de l’hôpital pour que ses frères et sœurs puissent bénéficier de l’attention de leurs parents.  

Elle a pris l’habitude de taire ses douleurs, ses inconforts, ses besoins.

Maintenant qu’elle est adulte, elle est une jeune femme joyeuse, qui élève ses enfants avec chaleur et va travailler pleine d’énergie. Au moment où elle toque à la porte de mon cabinet, elle se sent comme un « soufflé au fromage qui serait complètement retombé ». Elle ne se trouve à sa place nulle part, et nourrit une rancune sourde contre son entourage : « mes enfants n’écoutent pas quand je leur dis de ne pas me déranger parce que je travaille, mon mari ne prend pas en compte mes envies et pour les vacances c’est son idée qui prime et jamais la mienne, personne ne m’entend ». 

Pauline me demande : « Pourquoi ne suis-je si peu entendue dans ma famille ? ». Il me semble que cette question en cache une autre : « pourquoi les besoins des autres passent-ils à ce point avant les miens ? »

Pauline va devoir se réconcilier avec son histoire :

revenir au passé, découvrir cette souffrance qu’elle a tue pendant des années, laisser couler les larmes longtemps réprimées, s’offrir un regard tendre. Avec le temps, Pauline apprendra à faire de la place à ses besoins. Elle comprendra que c’est son expérience en tant qu’enfant qui a donné naissance à ce mouvement d’inhibition de ses sensations « pour ne pas déranger ». En prenant conscience qu’existe toujours en elle une petite fille qui attend des autres qu’ils pansent ses plaies, en apprenant à le faire elle-même, Pauline sent que ses relations deviennent plus équilibrées. Elle se sent plus posée, plus écoutée quand elle parle. Elle a construit un sas entre ses sensations douloureuses et les autres. Ce sas est plein d’elle, il est à la fois espace à penser et zone de protection. Il l’aide à se sentir à la juste distance avec les autres. Elle me dit : « je me sens moins en colère contre les autres, le “plaisir des autres” n’est plus mon seul critère pour faire mes choix, et l’oreille que je tends à mes besoins me fait grand bien. Je lutte moins pour me faire entendre, et j’attends moins des autres. Mais le vrai bénéfice c’est que j’ai rompu le cercle vicieux du sacrifice et ne suis plus en colère contre moi-même ».

Pauline a procédé à un « nettoyage » de ce qui venait encombrer sa relation aux autres, notamment en écoutant toute la vie intérieure qu’elle faisait taire avant. 

Et si « se faire entendre » commençait par « se faire entendre de soi-même » ?

Philippine, Deborah et Pauline, chacune à leur façon, sont parties à la recherche des besoins et des peurs qui, en chacune d’elles, n’étaient pas entendus. 

Si toi non plus, tu ne te sens pas entendue, je t’encourage à te poser ces questions : à quoi ai-je renoncé ? Pour quel bénéfice ? Qu’est-ce que cela me coûte ? Si je branchais un sonotone sur mon cœur, quel cri entendrais-je ? 



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Cet article a été écrit par :
Valérie de Minvielle

Psychologue clinicienne, Valérie de Minvielle fonde après 20 ans d'expérience professionnelle "Ma Juste Place", une méthode d’accompagnement personnalisé pour les femmes qui veulent se sentir à leur juste place dans leur vie de couple, en tant que mère, et dans leur vie professionnelle et sociale. Elle est également l'auteur de "Trouver ma juste place - dans le quotidien de 7 femmes inspirantes" paru en janvier 2020 et de "Imparfaite mais heureuse", paru aux éditions Mame en 2023.

https://www.majusteplace.com/

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