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Vie de famille

Mon mec ne veut pas consulter

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Rebecca Dernelle-Fischer 12 novembre 2020
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« Mon mec ne veut pas consulter / ne veut pas aller chez le médecin / ne veut pas se faire soigner… »

Ces phrases inondent les forums santé en ligne.

J’ai vérifié en anglais et en allemand, c’est la même chose, cette question revient souvent. Mais alors, pourquoi suis-je un peu gênée d’utiliser ce titre tape à l’œil ?

Parce pour être honnête, chez nous, ce n’est pas mon mari qui ne veut pas aller chez le médecin mais bien moi. Bref, tuons un peu les préjugés dans l’œuf et résumons ainsi :

« Oui mais il/elle ne veut pas aller consulter, que faire ? ».

Alors que j’ai clôturais mes derniers articles sur l’importance de prendre sa santé mentale en main, une amie thérapeute m’a écrit : « Tu sais, mes patientes me demandent souvent que faire quand leur partenaire ne veut pas consulter ».

Je me suis dit qu’il serait peut-être bon d’aborder la question avec vous. 

Que faire quand la personne avec qui je vis, la personne que j’aime, semble aller mal et qu’il ou elle refuse ou repousse toute consultation chez un docteur ? Vous entendez aussi les sous-entendus émotionnels qui s’invitent dans le débat ? On peut y entendre :

« J’ai peur pour mon partenaire, je me fais du souci, je suis peut-être même un peu fâchée, frustrée, ça devrait être un acte d’amour pour lui-même et pour sa famille, ce n’est pas si difficile que ça, ou encore un gros “je n’ai pas de contrôle” et je n’aime pas ça…»

Quelle dynamique, quel nœud d’émotions, quels enjeux…

Quel jeu. Un peu comme un grand : « Je vois quelque chose que tu ne vois pas et c’est QUE TU DEVRAIS ALLER TE FAIRE SOIGNER ».

Mais je ne suis pas sa mère/son père et mon partenaire est adulte. Je ne suis pas non plus sa secrétaire et j’ai déjà assez d’autres choses en tête que pour devoir en plus organiser ses rendez-vous médicaux.

  • Que faire alors de cette dynamique qui s’installe sans invitation dans le quotidien et s’étire parfois sur des décennies ?
  • Est-ce que, au fond, je n’ai pas le droit d’exiger qu’il/elle aille se faire soigner et qu’on souffle tous enfin un peu parce qu’il/elle se prend en charge ?

Moi, je n’aime pas aller chez le médecin

En fait, c’est presque phobique. Je le sais, et mon mari le sait aussi. Parfois, quand je me plains de maux physiques, il me dit :

« Et si tu allais chez ton médecin ? »

Il n’insiste pas, il me le redira si je me plains de nouveau… fidèlement, gentiment. Au début de notre vie en couple, je lui demandais de téléphoner à ma place au docteur pour prendre rendez-vous. Parce que moi, je repoussais tout le temps, je n’appelais pas, je n’allais donc pas chez le docteur. Et il le faisait, il le ferait encore si je lui demandais. 

C’était l’aide dont j’avais besoin, c’est con, je sais… mais c’est comme si quelqu’un me faisait la courte échelle pour m’aider à atteindre la première marche quand elle me semble trop haute.

Pourquoi je te dis ça ?

Parce que les différents articles que j’ai lus sur le sujet confirment que les gens qui ne consultent pas ont de nombreuses raisons pour cela et beaucoup d’entre elles sont émotionnelles. Oui, bien entendu, parfois c’est juste une question de temps  — ils repoussent, oublient, n’ont pas envie de devoir passer leur journée de congé à aller consulter dentiste, urologue, gynéco, psy ou autre — mais plus souvent encore il y a la peur, les peurs.

  • La peur de la douleur (dois-je mentionner la fraise du dentiste);
  • La peur des mauvaises nouvelles (ce que je ne sais pas encore n’existe peut-être pas);
  • La peur des reproches (et si le docteur fait une longue liste de toutes les choses que je ne fais pas bien ?);

Entre ta/ton partenaire et son rendez-vous médical tant attendu, il y a parfois de nombreux obstacles d’envergure plus ou moins grande ! Personnellement, j’ai pris conscience qu’ils sont bien là et je suis heureuse que mon mari l’ait aussi compris et qu’il m’aide encore, de temps en temps, à déblayer les plus grosses pierres du chemin.

Il le fait sans se moquer, sans rouspéter, sans m’infantiliser, en respectant mes petits côtés “angoissés” sans les entretenir pour autant. Sur ce coup-là, on a appris à faire du travail d’équipe et tout le monde y gagne !

Quelque part, c’est ce que j’aimerais te partager :

dans la question des consultations médicales, il y a moyen de trouver son chemin. On n’est pas obligé de rester dans les reproches de type « tu ne vas jamais chez le docteur », ni même de prendre toujours tout en main avec des « Voilà, tu as RDV chez le docteur demain après-midi à 15h30 ». On peut entrer en dialogue (de préférence à un moment adéquat, pas quand l’autre conduit, ni quand on est tous les deux fatigués le soir avant de dormir).

Une conversation en « je » et pas en « tu », des paroles ouvertes, qui permettent de négocier les courbes avec plus de douceur :

« J’ai l’impression que ça t’aiderait d’aller chez le docteur »

« Est-ce que tu y as déjà pensé ? »

« Est-ce que je peux t’aider à faire ce pas ? ».

Se parler, se dire et ouvrir le terrain des possibles en se rappelant que :

  • La personne en face de moi est adulte et que je ne prends pas les décisions à sa place. Si je veux que quelque chose change, je dois commencer par ma manière de réagir à la situation. On ne peut pas changer les autres, ils doivent faire ça eux-mêmes mais je peux travailler sur moi-même (je peux par exemple vivre des changements que j’aimerais voir émerger chez mon partenaire : manger plus sainement, prendre soin de mon corps et de mon psyché…).
  • Je ne suis pas médecin et même si je soupçonne tel ou tel autre diagnostic, c’est toujours juste une théorie de ma part. La place de l’expert est tenue par quelqu’un d’autre. Parfois, on est trop proche pour voir clair sur l’état de santé de notre partenaire. Peut-être que je me trompe, peut être aussi que mes conseils sont contre-productifs, je ne suis ni son infirmière ni son médecin.
  • Plus je vais insister sur le sujet, plus je vais en parler, plus la marche que mon partenaire devra franchir pour aller consulter sera haute, plus je vais faire des reproches, plus il essaiera d’éviter ce sujet. Surtout si la peur d’aller voir un docteur est présente, son envie de fuir le sujet ne fera que grandir.
  • Parfois on doit consciemment arrêter de protéger l’autre des conséquences de son refus d’aller consulter. D’un côté, on râle que la personne ne réalise pas qu’il est temps de chercher de l’aide, mais de l’autre on l’emballe bien dans nos bras pour adoucir les dommages collatéraux de sa maladie, de son trouble.

On veut bien faire mais souvent, on empire la situation…

…on se met entre la personne et le mur vers lequel elle roule à toute vitesse, on essaye d’atténuer le crash. En faisant cela, malheureusement, on ne fait que ralentir la prise de conscience, la recherche d’aide et aussi la guérison.

Ton partenaire est adulte :

Oui, il peut refuser de se faire soigner, oui, il se peut même qu’il y ait au fond des raisons compréhensibles qui alimentent ses peurs, oui mais parfois, les conséquences touchent toute la famille. Et il y a un moment où toi tu peux dire :

« Stop, non, je ne vais pas continuer comme ça ».

Il arrive aussi que son refus de se faire soigner revienne en boomerang dans la tronche de tout le monde et non pas seulement la sienne (et non, je ne parle pas de faire soigner sa verrue au genou, je parle de situations telles qu’un burn out parental où les enfants pourraient être en danger de maltraitance, d’addiction à des substances psycho-actives, de dépression profondes, de troubles obsessionnels compulsifs,…).

Dans ce cas, ton partenaire va devoir se confronter à ta réalité, à tes mots :

« Non, là, ça va trop loin. Nous souffrons tous avec toi et ça dépasse nos limites. Si tu ne vas pas consulter pour toi-même, alors fais-le pour nous, fais-le pour ta famille, fais-le pour montrer à tes enfants combien c’est important, combien ils te sont importants. »

Et ça, c’est dur, pour lui, pour elle et aussi pour toi.  

Écrire un articles avec le titre « mon mec ne veut pas consulter », au premier regard, ça semble facile. Je me renseigne, je lis ce que les collègues psychologues racontent, je résume, vous en transmets l’essence, je partage un peu de ma vie, je donne des conseils… mais purée, t’imagines pas comme c’est inconfortable pour moi cette fois-ci.

Parce que je sais que je t’écris juste des mots, une liste de conseils plus ou moins bons mais qu’au fond, je n’ai aucune idée de ce que tu vis, de ce que tu traverses, de ce qui t’arrive — vous arrive — au quotidien. Je ne sais pas si les vagues sont hautes et qu’elles menacent de tout engloutir ou si la mer est calme et les petits remous restent gérables.  

Chère Fabuleuse,

Sache je ne veux pas te donner de leçon sur la façon de vivre ta vie au mieux et comment tu y fais face. Sache que je comprends l’immense sentiment d’impuissance qui peut déchirer l’âme quand la personne qu’on aime va mal et qu’il ou elle ne cherche pas d’aide. Quand tu l’observes sombrer, sans qu’il ou elle ne cherche à changer ou prendre son traitement et que toi tu te ronges les sangs dans l’espoir que ça ira mieux un jour.

Alors si c’est le cas pour toi, si tu lis mon article en pensant « encore quelqu’un qui est là pour me dire comment faire mieux mais qui n’en sait rien » :

Ne reste pas seule, s’il te plaît.

N’oublie pas : on ne peut opérer un changement qu’en commençant par soi-même. N’hésite pas à chercher de l’aide et à te faire soutenir au mieux. On a parfois besoin du regard des autres pour mieux voir, on a besoin de leurs deux oreilles pour y déposer nos vies, et on a besoin du battement de leur cœur pour se rappeler qu’on en vaut tellement la peine.

Et qu’on a le droit de pouvoir vivre mieux, bien, heureux.



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CHÈRE FABULEUSE
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Cet article a été écrit par :
Rebecca Dernelle-Fischer

Psychologue d’origine belge, Rebecca Dernelle-Fischer est installée en Allemagne avec son mari et ses trois filles. Après avoir accompagné de nombreuses personnes handicapées, Rebecca est aujourd’hui la maman adoptive de Pia, une petite fille porteuse de trisomie 21.
https://dernelle-fischer.de/

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