Mon corps, mon accouchement par césarienne et l’avis des autres - Fabuleuses Au Foyer
Dans ma tête

Mon corps, mon accouchement par césarienne et l’avis des autres

césarienne
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C’était il y a 18 ans. Je vivais ma première grossesse, mon premier accouchement et tout le monde semblait vouloir s’en mêler. Tout le monde avait un avis et le livrait gracieusement, sans jamais se demander si je voulais le connaître !  

Je suis certaine que ce matin, alors que tu me lis, tu pourrais dire la même chose.

Tout le monde a un avis à donner sur ton corps, ta grossesse, ton accouchement.

Tous ces mots, ces gestes, ces regards qui, comme des flèches enflammées, volent et peuvent finir leur course directement dans ton cœur, au milieu de ton propre combat. Toutes ces conversations lapidaires, ces histoires d’accouchement, ces conseils de grand-mères qui pointent comme un doigt levé dans ta direction. Sans compter ces statistiques, mythes, valeurs, bref tout ce qui te rappelle que la société a bien une idée de ce que devrait être le corps d’une femme, sa grossesse et son accouchement ! « Faut bien suivre le mouvement madame, on vous attend au tournant ! » 

Les autres viennent déposer leurs avis et leurs idées reçues sur nos têtes, comme des chewing-gums dans nos cheveux.

Tout ce qu’ils pensent bon à partager, ou même tout ce qu’ils disent sans y penser, toutes ces informations que tu n’as pas demandées et qui s’installent dans ton « chez-toi », forcent le passage de toute leur puissance de jugement

Mais ton chez-toi est déjà tellement en train de changer.

Tu vis la transformation massive de ton corps, les hormones se déchaînent pour servir au mieux la grossesse, tu avances à tâtons vers un avenir qui se profile mais que tu ne connais pas encore. Tout semble bouger en même temps, tu dois déjà gérer consciemment ou inconsciemment toutes les émotions qui s’invitent en toi. Apprivoiser la joie, les peurs et les espoirs qui accompagnent cette grossesse, ce corps qui est le tien et qui n’en fait qu’à sa tête. Tout cela en composant avec ta propre histoire qui te colle à la peau et jette son ombre sur le chemin que tu empreintes. Et puis, la main tendue de ton partenaire et son regard un peu perdu qui essaye de te montrer qu’il est là, même s’il ne vit pas tous ces changements corporels comme toi. 

N’est-ce pas assez à gérer ? Faut-il vraiment que l’avis des autres s’ajoute à la liste ? 

Si mes mots te semblent cyniques et sifflés entre mes lèvres pincées, c’est qu’ils le sont, en effet. 

Je suis fâchée de la pression que vivent les femmes, encore plus lorsqu’elle touche à leur corps. Je suis fâchée de cette habitude répandue de se mêler de leur grossesse, de leur accouchement, de leur manière d’être parent. La pression s’impose si tôt aux couples qu’on n’hésite pas à leur demander « et sinon, à quand le premier enfant ? » à tout va, bien avant qu’une grossesse ne soit annoncée.

Et cette pression ne s’arrête pas.

Chacun s’érige en expert le temps de neuf mois, le temps d’une enfance, le temps d’une vie. Et je suis fâchée que nous, femmes et mères, jouions le jeu et que nous nous laissions porter par la vague. Je suis fâchée de me laisser aller parfois à ces commentaires, par réflexe, pour faire la conversation. Il m’arrive de poser des questions intimes à de futurs ou de jeunes parents sans réaliser quelle intrusion dans leur vie privée je me permets. Tout comme la personne qui, sans demander, touche le ventre arrondi de la femme enceinte, chacun va de son avis et de son histoire devant une femme enceinte, et cela semble normal. On joue au touche-à-tout émotionnel, au je-mêle-de-ce-qui-ne-me-regarde-pas et on ne met pas de gants pour parler avec tact aux futurs parents. 

Heureusement, comme nous l’explique si bien Brené Brown, ce qui se casse en nous à cause des autres se répare grâce aux autres, aussi. 

Laisse-moi te raconter comment je l’ai compris.  

Il m’a fallu des années, oui, des années, pour que s’apaise en moi le mal-être qu’avait créé mon premier accouchement. Dans ma bulle sociale de l’époque, on louait les accouchements sans péridurale, dits « naturels ». Un certain éloge de la douleur et de la force était semé ici et là, dans les conversations. La souffrance étant passagère, la mise au monde devait être un moment magique, unique, à chérir une vie entière. On m’offrait le récit d’un accouchement où mon rôle serait d’être confiante, forte, patiente… toutes les qualités qui me garantiraient d’avoir ensuite la force d’être maman ! On me disait que la résolution naturelle de la grossesse et le fait de survivre aux plus grandes vagues contractions étaient ce qui aidait la mère à avoir toute confiance en elle et en son instinct maternel. Toutes ces attentes, toutes ces idées reçues s’offraient à moi comme le scénario parfait dont j’allais pouvoir être l’héroïne. Et moi ? Moi dans tout cela, je les croyais.

J’avais peur mais j’étais persuadée qu’il n’y avait qu’une seule manière de réussir mon accouchement.

Je ne craignais pas la douleur, non, j’avais juste peur de ne pas être à la hauteur. Or, justement, je n’ai pas été à la hauteur de ce scénario. Mon bébé n’est pas sorti par voie basse. Aucun de mes bébés d’ailleurs. J’ai failli, selon l’avis que je m’étais forgé auprès des autres. J’ai failli.

Mon corps, ma grossesse, mon accouchement et surtout, ancré en moi, l’avis des autres !

Combien m’ont alors demandé comment s’était passé l’accouchement ? Je répondais à leurs questions, soutenant leurs regards empreints de pitié. Je les comprenais, j’étais pitoyable, je retournais moi-même le couteau dans la plaie. Chaque fois que j’expliquais comment tout s’était passé, je réveillais en moi la déception, le sentiment d’échec, l’impression d’être passée à côté de mon accouchement de rêve. 

Non, je n’ai pas « réussi » à accoucher sans péridurale, ni même avec.

J’ai fini sur le billard, en salle d’opération, à trembler de tout mon corps, après 17 heures de contractions. Ce bébé, c’est quelqu’un d’autre qui l’a fait sortir, me l’a posé dans les bras durant quelques secondes et l’a ensuite amené à mon mari, le temps qu’on me recouse. Quand le docteur m’a dit : « Votre bébé est coincé, on va devoir faire une césarienne », c’était comme si tout s’effondrait pour moi. J’ai répété « non » plusieurs fois. C’était comme si ma peur avait gagné sur la confiance. Comme si j’avais perdu, laissé tout le monde en plan. Et c’est devenu comme une blessure, comme une cicatrice dont je savais que je ne me débarrasserais pas et qui serait toujours là pour me rappeler les conditions de mon premier accouchement, les méandres de ce que je pensais être mon échec. 

Il m’a fallu du temps et un espace sécurisant, pour apaiser cette peine.

De l’écoute et de la bienveillance pour attendrir les murs de défense que j’ai construits. Des années pour savourer vraiment l’anniversaire de mon aînée, ne plus passer la journée dans un état d’angoisse généralisé qui me rappelait : « tout s’effondre »

Il m’a fallu la bonté des autres, en particulier de ma thérapeute, ses mots, sa présence pour réparer peu à peu la blessure que je portais. Il m’a fallu la patience de mon mari, son côté confiant, ses sourires, ses compliments pour me sentir comme une « assez bonne maman« . Il m’a fallu apprendre à regarder mes filles les yeux grands ouverts et remercier le ciel de leur présence, de leur manière d’être, du miracle que c’est de voir un enfant grandir, peu importe le chemin qu’il a pris pour nous rejoindre, par voie basse, par césarienne ou par le biais de l’adoption, pour chérir ma vie imparfaite. 

Et oui, il m’a fallu apprendre à aimer mon histoire, accepter mon vécu, honorer mes cicatrices,

laisser le deuil du « plan de naissance parfait » se faire et commencer à savourer le goût de ce qui était bien là. Je suis maman, j’ai porté ces enfants, mis ces enfants au monde, je les ai consolées, nourries, encouragées, aimées… je suis maman, et pas maman de deuxième zone parce que l’accouchement s’est passé autrement que ce qu’on m’avait présenté comme l’idéal : je suis une maman fabuleuse ! 

Aujourd’hui, j’ai fait la paix avec mes accouchements.

Grâce aux autres, aussi, comme disait Brené Brown. Je regarde ma grande fille et mon cœur fond de joie et de reconnaissance qu’elle ait fait de moi une maman. Aujourd’hui, l’histoire de sa venue n’est plus cinglante, n’est plus douloureuse, ne me crie plus au visage : « C’est de ta faute, tu as raté ton accouchement ! ». La voix que j’écoute me dit « Quelle joie ! Quelle joie que tu aies eu la chance de mettre cette enfant au monde ! Quelle joie d’en être la maman » ! 

Pour moi, la paix a gagné le combat.

Mais je râle et je suis en colère de savoir que tant d’autres mamans souffrent encore des avis des autres, des idées reçues, des jugements… Quand aurons-nous enfin le réflexe de nous taire, de ne pas toucher le ventre arrondi de cette maman en devenir, de ne pas poser toutes les questions indiscrètes ou de laisser échapper tous les commentaires qui nous passent par la tête ?

Ces mamans n’ont pas besoin de nos avis, elles ont besoin de notre confiance en elles.

Confiance dans le fait que, quel que soit le scénario qui vient, elles ont en elles la force de le vivre, de rebondir et peut-être même de s’attendrir elles-mêmes du chemin parcouru (qu’il ait été tortueux ou non). Que nos regards, nos paroles et nos gestes leur insufflent le courage et la force dont elles auront besoin pour s’aimer et se trouver fabuleuses, dans leur corps, leur grossesse, leur accouchement et leur vie ! 



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Cet article a été écrit par :
Rebecca Dernelle-Fischer

Psychologue d’origine belge, Rebecca Dernelle-Fischer est installée en Allemagne avec son mari et ses trois filles. Après avoir accompagné de nombreuses personnes handicapées, Rebecca est aujourd’hui la maman adoptive de Pia, une petite fille porteuse de trisomie 21.
https://dernelle-fischer.de/

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