Vides, les étagères du frigo. Désespérément vides.
Pleine, la porte du frigo. Pleine de tous ces vieux pots que je n’ose plus ouvrir depuis des mois : de la sauce barbecue qui date de l’été dernier, 4 bouteilles de ketchup entamées, un bocal d’olives plus très vertes, un demi-oignon et sa copine la demi-échalote, oubliés dans du vieux papier alu… Faudrait trier tout ça. Et puis partir faire les courses. Avec une vraie liste, cette fois.
Depuis 3 semaines, matin et soir, Adelin réclame ses chaussettes pisderman.
3 semaines que je lui réponds :
« Désolée mon chéri, elles sont quelque part dans ce tas de linge sale, mais maman ne les a pas encore trouvées ni lavées. »
Mon mari est à l’autre bout de l’Europe. Hier soir, j’ai réussi à coucher les enfants une heure plus tôt que d’ordinaire : pas de puzzle, pas d’histoire, juste un bisou, une chanson et dodo. Par miracle, ça a marché. Et je suis allée me coucher à 19h26. 19h26 ! Dieu existe.
Ce matin, j’ai pensé au frigo vide de produits frais, mais plein de sauces périmées. J’ai pensé aux chaussettes puantes qui tapissent le fond de mon panier à linge. J’ai pensé à vos 500 mails que je n’ai même pas encore réussi à ouvrir depuis l’émission sur France 2.
J’ai déposé les enfants à l’école, et vous savez quoi ? Au lieu de tourner à gauche pour m’attaquer à mes tâches, j’ai pris la direction opposée. J’ai roulé jusqu’à mon café préféré. J’ai avalé un cookie de rêve, j’ai sorti mon Éric-Emmanuel Schmitt, je l’ai dévoré jusqu’au bout et là, je suis en train de faire ce que j’aime le plus au monde : écrire, pour faire du tri dans ma tête.
À midi, on mangera des pâtes au ketchup
(ben ouais, il en reste 4 pots dans la porte du frigo). Et les garçons diront :
« Encore des pâtes ? »
J’essaierai de trouver une réponse rigolote. Parce que non, il n’y aura pas de poireaux bio dans les assiettes, mais je sais une chose : maman ira bien. Assez bien pour faire des bisous dans le cou de ses petits chevaliers débordant d’énergie, plutôt que de leur hurler des insanités. Assez bien pour sourire au milieu d’une bataille de penne au ketchup. Pourquoi ? Parce que ce matin, maman n’aura pensé qu’à elle.
Les gens me demandent souvent comment je fais.
« Comment tu fais pour tenir un blog, écrire des livres, faire des conférences, apparaître dans les médias tout ça en étant au foyer et avec une telle sérénité ? »
Comment je fais ?
- Je suis loin d’être seule pour accomplir ces choses. J’ai un mari, une famille, des amis, une équipe extraordinaire sans qui rien de tout cela n’existerait.
- Je ne suis pas toujours aussi sereine que lorsque vous m’avez vue à la télé. Mais j’ai appris à écouter mon corps et mes émotions. Et quand ça ne va plus, quand je n’ai plus rien à donner, quand je sens que je vais craquer, je dis STOP.
- Avec le temps, j’ai appris à tout arrêter. Pour ne m’occuper plus que de moi, et moi seule.
« Oui mais les enfants ? Les lessives ? Le ménage ? La cuisine ? Le travail ? Les factures ? Moi je ne peux pas me permettre de tout arrêter ! Je voudrais bien prendre soin de moi, mais c’est tout simplement impossible ! Ma famille a besoin de moi ! »
Vraiment ?
Alors réfléchis à ceci. Que se passe-t-il quand tu t’occupes de tout, quand tu penses à tout pour tout le monde, quand tu t’agites, quand tu t’inquiètes, quand tu t’énerves, quand tu te couches tard, quand tu t’oublies pour ne penser qu’aux autres et à leurs besoin ?
Si tu es comme moi, voici ce qui se passe : tu t’épuises, tu tombes malade, tu ne supportes plus les gens que tu aimes, tu deviens désagréable, tu deviens encore plus dure avec toi-même… En somme, tu vas droit dans le mur.
S’épuiser pour les autres, ce n’est PAS leur rendre service. Bien au contraire. Sais-tu de quoi tes enfants ont besoin ? D’une maman qui va bien !
Dit en termes techniques, il s’agit de veiller à ce que Stephen Covey a nommé l’équilibre P/CP, P étant le produit, et CP étant la capacité de production. C’est facile à comprendre si tu connais l’histoire de :
La poule aux oeufs d’or…
C’est la fable d’un pauvre paysan qui découvre un jour que sa poule a pondu un oeuf en or, en or pur ! Il n’en croit pas ses yeux. Et il est encore plus émerveillé le lendemain, lorsqu’il trouve un deuxième oeuf en or. Tous les jours, il se lève et trouve un autre oeuf en or. Il devient extrêmement riche, et se félicite de sa bonne fortune. Mais, le temps passant, il devient avide et impatient. Incapable d’attendre jour après jour que la poule ponde un oeuf en or, le paysan décide de tuer la poule et d’en sortir tous les oeufs. Mais, lorsqu’il ouvre la poule, elle est vide. Il n’y a pas d’oeuf en or, – et plus moyen d’en obtenir.
Le paysan a détruit la poule qui les produisait.
Pardonne-moi de nous comparer à des mères pondeuses, mais cette loi naturelle s’applique à chacune de nous également : si vous vous centrez sur les oeufs et négligez la poule, vous vous retrouverez bientôt sans unité de production !
« Une vision trop restreinte de la production ruine la santé, use les machines, fait fondre les comptes en banque et détruit les relations. »*
Et une vision trop restreinte de la maternité ruine votre forme physique, use votre patience, fait fondre vos ressources émotionnelles, vous fait voir la vie en noir, détruit votre couple et complique votre relation avec vos enfants.
En d’autres termes : quand tu n’as rien de meilleur à donner que la télé, fais tourner un dessin animé… et offre-toi une sieste.
On ne rachète pas une voiture neuve tous les ans.
C’est pour ça qu’on entretient son véhicule (tiens, ça me rappelle que ça fait 3 semaines que je dois prendre rdv pour le contrôle technique). Si vous avez une fuite dans la salle de bains, vous gérez ça en priorité, parce que vous comptez bien prendre d’autres douches et parce que vous ne voulez pas que les dégâts se propagent dans toute dans la maison.
Chère fabuleuse, n’attends pas que le feu soit rouge.
Dès qu’il vire à l’orange, une seule règle : STOP. Quand maman va, tout va… Quand maman ne va pas, il faut régler ça au plus vite ! L’erreur majeure des mamans consiste à croire que s’épuiser c’est rendre service aux autres… C’est tout l’inverse.
*Stephen R. Covey, Les 7 habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu’ils entreprennent