Micheline galère (mais personne ne le sait) - Fabuleuses Au Foyer
Maman épuisée

Micheline galère (mais personne ne le sait)

Micheline galère
Marie David 29 mars 2023
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Globalement, dans la vie, Micheline galère.

Ça ne lui fait pas particulièrement plaisir de l’admettre, elle préférerait tout réussir et être une maman parfaite, mais voilà : c’est la vie, et la vie c’est une galère pour tout le monde. D’aucuns disent même que c’est une vallée de larmes, les plus vulgaires parlent carrément de tartine de merde.

Micheline galère, et vous et moi le savons, moi parce que je sais tout et vous parce que je vous le dis.

Mais les autres ne le savent pas, ils regardent Micheline arriver en souriant à l’école avec de jolies tresses dans les cheveux de ses enfants (surtout les filles), ils voient ses cheveux propres et doux se balancer dans le vent et sa démarche assurée sur des talons élégants et ils trouvent qu’elle est énervante avec sa perfection affichée. Les autres ne voient pas le travail titanesque qu’il y a derrière cette belle image, les hurlements des filles dès que la brosse approche leur crâne, les 15 lessives par jour (et les 75 heures de repassage qui vont avec) pour que tout le monde ait des vêtements impec, le petit-déj sauté pour avoir le temps de se doucher… Ils ne voient pas parce qu’ils ne demandent pas, tout simplement.

C’était le cas de Lucienne, qui a appris tout ça récemment.

Lucienne c’est une chic fille. Ses enfants sont dans la même école que les petits Muche : elle en a un en CP, l’autre en maternelle et le dernier au sein. Elle aime bien rigoler avec Micheline sur le parvis de l’école. Elle est admirative, et aussi un peu jalouse, de cette super Maman toujours tirée à 4 épingles. Bref ce jour-là Micheline était arrivée à l’heure (c’est toujours le cas la semaine de la reprise, nettement moins les suivantes) et elle avait croisé Lucienne qui portait sa jolie doudoune verte à l’envers, un ravissant foulard agrémenté de tâches de morve et de charmants cernes violets qui lui faisaient de belles poches sous les yeux. Lucienne avait eu honte d’elle en voyant le manteau impeccable de sa copine et elle avait lâché « oh lala ma biche tu es encore sublime ! Je t’envie tellement d’arriver à être toujours classe, avec tes petits bichons nickels ! » Micheline avait remercié, ravie du compliment et elle était rentrée chez elle en souriant, contente d’elle-même.

Soudain en fin de matinée, l’évidence la foudroie. Elle s’exclame :

« Mais enfin Micheline ! Quel genre de garce es-tu ? »

Parce que tout à coup, la scène lui est revenue dans sa totalité. Ce matin elle n’avait vu que le sourire de Lucienne mais maintenant elle se souvient des détails de sa tenue, de la moustache de chocolat de son fils et des cheveux en bataille de sa fille. Et surtout elle revoit les yeux de Lucienne, son regard un peu envieux, un peu admiratif, beaucoup épuisé. Alors comme elle n’est pas une garce (finalement), elle prend son téléphone, et elle donne rendez-vous à Lucienne pour papoter. Ça lui fait un peu peur, cette conversation, d’abord parce que Lucienne dit « ma biche » à tout bout de champ et que c’est contagieux, donc Micheline est à peu près sûre de passer la semaine suivante à appeler tout le monde sa biche, même Jean-Claude.

Et puis aussi parce qu’elle ne sait pas trop quoi dire à Lucienne,

comment aborder ces « confessions d’une mère parfaite »…

Elle hésite à commencer par chanter « Je ne suis pas un héros » de Balavoine, mais ça serait peut-être trop…

Après les salutations d’usage, l’installation dans le café et les gouzi-gouzi au petit Mimisicul dans sa poussette, le tout parsemé de pas mal de biche, bichettes et bichons, Micheline se lance.

« Merci pour ton compliment de ce matin ma biche (raaaah) ça m’a fait super plaisir, d’autant plus qu’il y a quelques années, quand Frédégonde est entrée à l’école, ça me semblait un rêve inaccessible d’arriver à l’heure bien sapée avec des enfants propres. Je ne suis jamais arrivée en pyjama, hein, mais en chaussons, si, deux fois.

Lucienne tombe des nues, quoi, son idole serait faillible ?

— T’es sympa de dire ça pour me rassurer Bichette (elle le fait exprès ?), mais j’ai du mal à y croire.

Je ne sais pas si c’est le chauffage trop fort du café ou l’excès de bichage mais Micheline s’énerve un peu.

— Mais enfin je ne suis pas un héros ! »

 Elle s’interrompt de justesse avant d’affirmer que ses faux pas lui collent à la peau, mais c’était moins une. Ensuite elle entreprend d’expliquer à Lucienne le principe de l’illusion de l’iceberg,

de la face cachée des mamans qu’on se contente de croiser à l’école et qu’on juge sans savoir.

— Au fond tu ne m’as jamais demandé si j’allais bien, tu t’es contentée de l’imaginer parce que je n’ai pas de plis sur mes fringues ou de vomis sur le pull. Et c’est vrai qu’en ce moment je vais bien, mais ça n’a pas toujours été le cas. J’ai dû accepter de me faire aider, j’ai passé des nuits à pleurer et à me détester, des soirs à hurler sur mes enfants, j’ai passé des mois sans dormir quand Gudule était petite, à m’en taper la tête contre les murs. Ça ne se voyait pas, mais cela ne veut pas dire que ça ne n’existait pas. Et tu vois Gilberte Swann, la rousse ? Elle n’est jamais coiffée, ses enfants non plus et elle est déjà venue à l’école en pyj plusieurs fois. Mais elle n’est pas au bout du rouleau, elle va très bien. C’est juste qu’elle s’en fout ! J’aime être bien habillée, et j’aime que mes enfants le soient aussi, quitte à être en retard. Mais c’est le bordel quand je pars de la maison. Moi j’emmène les enfants et Jean-Claude range pendant ce temps avant de partir au boulot. C’est notre équilibre à nous. Je le fais pour moi, pas pour épater la galerie, même au bout du rouleau je mets des talons parce qu’avec je me sens plus forte, et je repasse mes vêtements tous les matins parce que j’aime ça, même si ça me prive de café chaud… Et toi poulette (oui, on tente un changement), comment tu vas ? Tu t’en sors avec le dernier ? Tu as besoin d’aide pour quelque chose ? Je n’ai plus de bébé, je dors la nuit maintenant et en ce moment personne n’est malade, je suis dispo si tu veux. »

Lucienne ouvre les yeux tout ronds, surprise par la franchise de Micheline.

C’est vrai qu’elle ne lui a jamais demandé comment elle allait, ni à elle ni aux autres mamans de l’école. Parce qu’elle pensait bêtement que le job, c’était de faire semblant, de donner une image de soi sans défauts et elle se désespérait de ne pas y arriver. Montrer, ou pire, dire qu’on galère ce serait comme dire qu’on est une mauvaise mère. Alors qu’elle se donne du mal, Lucienne : ses enfants ne sont jamais en retard nulle part, ils mangent 5 fruits et légumes par jour, ils ont des goûters maison, ils écoutent de la musique classique et se couchent tous les soirs dans une chambre impeccablement rangée. On ne peut pas vraiment en dire autant de ceux de Micheline.

Et pourtant, Micheline non plus n’est pas une mauvaise mère.

Elle sait qu’elle n’est pas parfaite, elle fait juste de son mieux, selon ce qui lui semble le plus important. En admettant ouvertement qu’elle galère parfois, et même souvent, Micheline a ouvert la porte pour Lucienne, pour qu’elle puisse se confier et demander de l’aide si elle en a besoin, et c’est important.

Lucienne continuera d’envier Micheline et ses tenues parfaites, mais elle sait maintenant que ce n’est la preuve de rien, et ça lui fait du bien de savoir que Micheline aussi est vulnérable. Elle se sent moins seule. 

Parce que c’est ça la vie : tout le monde galère ma Biche !



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Cet article a été écrit par :
Marie David

Après des études d’histoire Marie est devenue femme au foyer, elle habite en Corse avec son Fabuleux et leurs 4 enfants. Un jour, quand les planètes seront alignées, elle reprendra un poste d’enseignante. En attendant elle profite de son quotidien pour inventer des aventures à Micheline Muche.

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