Je ne sais pas vous, mais moi j’entends une voix dans ma tête. Pas des voix variées, de personnes décédées ou d’entités invisibles que percevraient mes capacités extra-sensorielles (quoique…). Non non, une voix féminine, qui ressemble à la mienne, mais avec un ton beaucoup plus dur.
Cette petite voix commente dès le réveil ce que je fais ou ne fais pas, dis ou ne dis pas, entends, pense, vois…
Elle guette un signe, à l’affût de la moindre occasion de s’exprimer. Et elle le fait toujours en disant « je », histoire de bien brouiller les pistes entre elle et moi.
Mes journées sont donc ponctuées de :
– « Je n’ai pas assez dormi… »
– « Quel temps pourri ! J’ai pas envie. »
– « C’est si compliqué que ça de me bouger un peu le matin ?! »
– « J’ai encore oublié de sortir le linge de la machine, ça va puer l’humidité… Quelle nulle ! »
– « Qu’est-ce que je mange comme sucre ! Quel manque de volonté ! »
– « Et voilà, 1 kg en plus. Vu comme je bouffe, fallait s’y attendre. »
– « Il faut vraiment que… (au choix : je reprenne le sport, j’arrête de manger n’importe quoi, je boive plus d’eau, je pense à sourire, j’écrive, je range, etc.) »
– « Je suis une mauvaise mère parce que… (au choix : il regarde beaucoup trop les écrans, il ne mange pas assez de légumes, on ne profite pas assez de temps ensemble, ses vêtements sont trop petits, etc.) »
Pour essayer de bien identifier cette voix, sur les conseils de mon coach,
je lui ai donné un petit nom : « Germaine ».
Il m’est venu tout de suite à l’esprit, comme une évidence. Et le plus drôle, c’est que quelques jours seulement après l’avoir baptisée ainsi, j’ai appris qu’une « germaine » est un mot québécois qui désigne une femme autoritaire et contrôlante. Gère-mène. Ça semble si évident, maintenant.
Petit à petit, je comprends que Germaine est là « pour mon bien ». Elle est là depuis longtemps, d’ailleurs, je ne saurais dire quand.
Je sais simplement qu’elle se renforce quand je suis faible.
C’est arrivé plusieurs fois, après des épreuves très différentes (rejet, arnaque, post-partum…). Chaque fois, le phénomène est le même : je prends confiance en moi, j’oublie Germaine, et dès qu’une épreuve arrive, je l’entends à nouveau, plus ferme, plus forte. Elle repère, impitoyablement, chaque faille pour me pousser à les combler, à m’endurcir assez pour ne plus retomber. Elle échafaude des stratégies, projette des scenarii catastrophes, pour me préparer à toutes les mauvaises surprises de la vie.
Sa critique est permanente, son imagination débordante.
Parfois, j’ai envie de la câliner comme un enfant maladroit, qui vous blesse en essayant de bien faire ; de la remercier pour tout ce qu’elle fait, de l’énergie qu’elle déploie pour notre bien. Parfois, j’ai envie de la museler, la faire taire pour de bon, pour qu’elle me laisse enfin libre et insouciante. Mais ce tout ou rien ne me mène nulle part.
Et puis, un jour, je comprends. Je lis des choses sur la peur, l’anxiété, la vulnérabilité. Lors d’une session des Fabuleuses, je médite, je descends à la cave de ma maison intérieure et je comprends.
Je comprends comment est née Germaine, il y a très longtemps, et pourquoi.
Je comprends ce qui la renforcée et quand.
Je comprends qu’elle interprète le présent par rapport à des situations passées, qu’elle veut protéger les petites versions de moi, comme si je n’avais pas grandi, figée dans la glace de mon passé.
Je comprends à quoi elle sert:
me protéger à tout prix de la douleur causée par une trop grande tristesse.
Je comprends à quoi m’ont servi toutes les séances chez ma psy : à dérouler ma ligne de vie et à voir tout ce chemin parcouru.
Je comprends donc pourquoi je peux remercier Germaine
et comment je peux lui dire de lâcher prise. Parce que Germaine se trompe.
Germaine ne m’a pas vue grandir. Elle n’a pas la bonne vision de moi. Elle me croit encore trop petite et trop fragile pour prendre soin de moi.
Mais quand je fais silence, je la sens, cette force, cette présence, à l’intérieur et à l’extérieur. Je l’entends même, parfois. Cette voix est douce, profonde, chaude. Elle parle peu, mais ce qu’elle dit me suffit « Je t’aime, depuis toujours et pour toujours ». Elle me remplit d’une douce lumière, d’un calme salutaire, d’une sérénité heureuse.
Qu’on se le dise : j’ai beau avoir compris Germaine, j’ai beau savoir comment lui laisser moins de place, cela ne me prémunit pas contre sa réapparition inopportune.
En ce moment, je traverse une grande obscurité qui a réactivé les velléités de cette chère Germaine. Mais dans mes ténèbres, j’ai trouvé mon étoile. Et même si sa lumière ne me réchauffe pas encore, même si j’ai un genou à terre et que je ne peux pas encore marcher dans sa direction pour le moment, je sais qu’elle est là, qu’elle veille sur moi, qu’elle m’attend et qu’elle sera toujours là pour me guider.
Merci Germaine, mais maintenant, on va écouter Céleste.
Ce texte nous a été transmis par une Fabuleuse maman, Isabelle Roche.