Ce lundi 18 octobre, à l’occasion de la Journée Mondiale de la Ménopause, l’International Menopause Society (IMS) appelle l’ensemble des pays à prendre des mesures concrètes pour sensibiliser les femmes aux conséquences de la ménopause sur leur santé, ainsi que sur leur bien-être physique et psychologique.
En tant que thérapeute, j’accompagne de nombreuses femmes qui interrogent leur façon d’être femme ET d’être mère. L’articulation de ces différentes facettes est un équilibre subtil à trouver et la ménopause fait partie de ces étapes de vie qui réactivent ce questionnement identitaire :
« Si je ne peux pas devenir mère une fois de plus, qui suis-je ? »
En réalité, chacune le formule à sa manière, et parfois bien avant ce temps de cessation définitive du cycle menstruel. C’est ainsi que j’identifie un premier temps, que j’appelle « ménopause psychique », correspondant à celui où la femme exprime son désir de ne plus avoir d’enfant. Confrontée néanmoins à la réalité de sa fertilité biologique, elle interroge ses capacités procréatrices. La question de la contraception est souvent abordée, mais au fond, ce dont rêvent certaines femmes, c’est bien de ménopause.
- Un rêve, où il suffirait de mettre son utérus au repos après l’avoir chaleureusement remercié de ses bons et loyaux services.
- Un rêve, où faire l’amour sans penser au potentiel « bébé » à venir serait possible.
- Un rêve, où le corps pourrait se passer de contraception ou d’observations quotidiennes, vécues parfois comme un ras-le-bol profond.
- Un rêve, sans syndrome pré-menstruel, saignements débordants, tiraillements dans le bas ventre.
- Un rêve, où la sexualité serait au service, et uniquement, de la femme, de son plaisir, de sa complicité érotique avec l’homme aimé.
Dans cette perspective, la ménopause apparaît comme une délivrance de ce corps fertile faisant obstacle à son épanouissement de femme et d’amante.
D’autres femmes paniquent en voyant le temps passer.
Le déclin de la fertilité, s’accentuant au fur et à mesure des années, ravive un désir d’enfant puissant qu’elles interrogent avec leurs tripes sans forcément lui donner corps. Cet enfant de plus, présent dans leur cœur et dans leur tête, est un sujet de discorde possible au sein du couple : ce n’est pas leur ventre qui se gonfle de ce désir, mais la totalité de l’espace conjugal qui s’en trouve envahi. « Un petit dernier pour la route » pourrait-on dire. « Un petit dernier pour un idéal familial que je porte ou sans raison apparente. »
Un bébé pour la Vie, tout simplement.
Si la ménopause arrive généralement entre 45 et 55 ans (en moyenne à 51 ans), il m’est également important d’évoquer le chamboulement de toutes les femmes qui seront concernées de façon précoce par ce processus. Leur identité de femme et de mère, leur désir, leur corps, ne s’étaient pas préparés à une telle annonce. « Quand le médecin m’a confirmé que je serai bientôt ménopausée, à 37 ans, je me suis sentie privée, amputée, vieillie et cela était injuste » me partage une cliente, amorçant une réflexion autour de cette femme « fertile » qu’elle ne sera plus.
Le temps de la ménopause — souhaitée ou subie —engage la question du deuil. La femme renonce à une partie d’elle-même. Il y a le deuil de l’enfantement, certes, mais aussi celui de la jeunesse dans une société qui la survalorise. Les injonctions de beauté se transforment en prison si la femme ne prend pas un peu de hauteur pour comprendre ce que signifie pour elle « être belle », afin d’apporter une réponse authentique qui lui corresponde, lui donnant envie de vieillir de façon assumée.
Le temps de la ménopause est également un temps de perspective différente : les enfants grandissent, les parents vieillissent. C’est un temps de bilan, où certaines d’entre-vous se sentiront peut-être bousculées ou nostalgiques par cette prise de conscience.
Mais ces émotions ne sont pas systématiquement vécues de façon désagréable.
Une amie de 55 ans me disait combien chaque période de sa vie lui avait permis d’approfondir différentes facettes d’elle-même. À aucun moment, elle ne s’est sentie enfermée dans un âge ou une fonction. Les règles, la maternité, la jeunesse, sa vie professionnelle, lui ont proposé une forme d’ouverture et de réalisation personnelle, sans pour autant la définir totalement. Elle aborde sa deuxième tranche de vie avec malice et gourmandise, faisant partie de ces femmes que les hommes regardent encore. Son secret ne réside pas dans l’application d’un élixir magique, mais dans ce désir intense de vivre : ce même désir qui la rend profondément belle, désirante et désirable.
La ménopause est un passage, tout comme le fut quelques années auparavant celui de la puberté. Un passage attendu ou redouté, néanmoins normal et caractéristique de nos vies de femmes.
Le cycle devient silence, mais la vie reste en mouvement, féconde.
Si la ménopause s’accompagne de certains désagréments comme les bien connues “bouffées de chaleur”, toutes les femmes ne connaîtront pas les mêmes symptômes, et leur intensité sera variable de l’une à l’autre. La Journée Mondiale de la Ménopause invite ainsi chaque femme à prendre soin de cette vie qui pulse dans ses veines, à l’accompagner, psychiquement, physiologiquement.
Se préoccuper de soi dans ce temps particulier est l’occasion d’honorer et de célébrer le fait d’être femme, bien au-delà de la maternité ou des idées reçues à propos de cet âge. Pour la philosophe Camille Froidevaux-Mettrie, le temps de la ménopause « est bien plus une aventure qu’une rupture brutale », une aventure à vivre !