Mélissa désamorce les bombes du quotidien - Fabuleuses Au Foyer
Maman épuisée

Mélissa désamorce les bombes du quotidien

illustration Fleur-Lise Palué
Marie Chetrit 25 janvier 2024
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Ce lundi soir, Mélissa arrive d’un pas plus léger au centre de loisirs.

Elle a élaboré une petite stratégie pour que le bain de Léa se passe sans grande scène dramatique. Comme un bain, quoi, c’est-à-dire un moment agréable où on barbote dans l’eau chaude et parfumée avec quelques Playmobils qui font leur vie sur le bord de la baignoire. Pas comme la traversée d’un fleuve glacial et tempétueux bourré de crocodiles, la nuit en février, pour fuir des bombardements. Parce que parfois, Léa en rajoute tellement que Mélissa se poserait presque la question : est-ce que vraiment, elle lui impose une épreuve inhumaine ? (Si tu te poses la même question que Mélissa, je te spoile direct : non.)

Dès qu’elle est rentrée avec les enfants dans la chaleur douillette de leur appartement, Mélissa se dirige vers la salle de bain et fait couler l’eau.

Elle passe la tête dans la chambre des enfants, et annonce : « Léa, je parie que tu n’es pas capable d’être dans le bain dans 3 minutes ! » Léa a encore son manteau sur le dos et se retourne, interloquée. Mélissa se mordille la lèvre et poursuit : «  Oh non, impossible, tu n’y arriveras jamais, ce n’est pas possible ! » Léa est piquée au vif. Elle se défait de son manteau, sautille sur un pied pour enlever ses chaussures, et répond «  Ah, mais si, je suis sûre que je peux le faire, tu vas voir ! » Mélissa secoue la tête d’un air incrédule et taquin. Alors Léa se déshabille rapidement, et court à la salle de bain en t-shirt et collants. Elle se trémousse pour ôter ses sous-vêtements et enjambe la baignoire. « Alors, tu vois que j’étais capable, hein, t’as vu maman ? » Léa a l’air victorieuse, et Mélissa lui fait part de son admiration pour cette prouesse incroyable, le sourire aux lèvres.

Par quel miracle Léa est-elle allée au bain sans tragédie ?

Parce que Mélissa lui a proposé un petit défi : selon le caractère de l’enfant et son âge, cet outil éducatif peut être d’une grande efficacité. Le défi consiste à challenger l’enfant en lui disant qu’on n’est pas sûr qu’il puisse accomplir une action, dont on sait malgré tout qu’il en a les capacités. Bien sûr, on ne demandera pas à Léa de monter le pack de Cristalline par l’escalier un jour de panne d’ascenseur, vu ses bras d’allumette. Mais aller au bain entre dans son champ de compétences. Assez souvent, le défi incite l’enfant à montrer à son parent que si, si ! Il en est capable. Ça marche en général très bien avec les jeunes enfants, pour qui épater ses parents est — encore — important : profitons-en, ça ne dure pas forcément. Comme disait sa mamie Jacqueline, « ça durera moins longtemps que les impôts ». Quelle philosophe, cette Jacqueline !

Pendant que Léa finit de barboter en chantonnant une histoire, Mattéo est gracieusement avachi sur le canapé.

Il est occupé à trier ses cartes Pokémon, car il les échange contre des billes pépites à la récréation, le nouveau must have depuis quinze jours. Il a l’air un peu agacé, car il ne retrouve pas sa meilleure carte : la Dracaufeu Vmax Shiny Épée et Bouclier. Il souffle, fouille, râle, et d’un seul coup, commence à crier : « Léa c’est toi qui m’as pris ma Vmax je parie ! » L’intéressée arrive, enroulée dans sa toge en drap de bain, et clame avec indignation « Naaan, j’ai rien fait, n’importe quoi ! » « Si je sais bien que c’est toi, t’es qu’une menteuse ! » 

Mattéo a l’air hyper énervé, et Mélissa tente de temporiser.

« Mattéo, cherche dans tes affaires. Tu as sans doute caché ta carte pour que personne ne te la prenne ? » 

La carte semble s’être volatilisée et la colère de Mattéo monte. « Tu ne me crois jamais de toute façon ! C’est toujours elle, la chouchoute ! » Il lance un regard mauvais à sa sœur, et lui jette un coussin dans la figure en hurlant « J’en ai marre de toi, sale voleuse ! » Manque de bol, Léa a reçu le coin du coussin dans l’œil. C’en est trop pour Mélissa qui déclare fermement, mais avec calme : « Mattéo, ça suffit. Va t’isoler 5 minutes dans ta chambre. Maintenant. » Elle escorte Mattéo dans la chambre, ferme calmement la porte sans autre commentaire et retourne consoler Léa, à qui elle lit une petite histoire en la câlinant. 

Mais que fait Mattéo, seul dans sa chambre ? Rien de spécial, c’est justement le but.

Point de méditation sur la justice et la moralité, de réflexion sur la domination masculine ou de rédaction sur la sensibilité du globe ophtalmique aux projectiles. Mattéo sait très bien qu’on ne jette pas un coussin dans la tête de quelqu’un — la maîtresse, un copain de classe, sa sœur ou n’importe qui. Il reçoit donc une légère sanction en étant isolé brièvement. Pas de cris, pas de menaces spectaculaires de sa mère, juste une conséquence claire à son comportement. Ce bref moment lui permet de se calmer et de désamorcer l’escalade. On parle de « retrait de renforcement positif » en jargon psy : pendant ce moment de time-out, le comportement de Mattéo ne reçoit plus de renforçateurs — les dénégations de sa sœur, la présence de sa mère qui arbitre leurs conflits. Du coup, continuer à se comporter ainsi perd de son intérêt. Il se calme peu à peu. Évidemment, la sanction n’a d’intérêt que parce que Mattéo, en parallèle, est encouragé et félicité quand il se comporte gentiment avec sa sœur : le ratio entre les actes de renforcement positif et les actes de sanction devrait être de 5 pour 1, toujours selon le psy du bouquin de Yasmine*, page 147.

Mattéo ouvre doucement la porte et s’avance jusqu’au salon. Il tortille quelque chose dans ses doigts.

« Maman… la carte, je l’ai retrouvée ! Elle était dans la petite poche de mon cartable. »

Mélissa lui sourit. Mattéo, rassuré, s’avance et les rejoint sur le canapé pour un câlin collectif. Il regarde sa sœur d’un air penaud et lui demande : « Ça va ton œil ? » Léa opine, plongée dans les images de l’histoire. La paix semble revenue.

Mélissa retourne devant la plaque de cuisson. La petite poêlée de légumes est prête. Elle pense qu’elle se sent vraiment plus sereine depuis quelques semaines. Moins démunie quand ses enfants ont des comportements déplaisants, moins à bout de nerfs, plus confiante. Yasmine a eu une chouette idée de lui prêter ce livre. « Tiens, se dit-elle, je vais le passer à Chloé et Antoine quand je l’aurai fini. Je crois que ça va beaucoup les intéresser ! »

Eduquer sans s’épuiser ! écrit par Alan Kazdin et préfacé par Marie Chetrit.*

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Cet article a été écrit par :
Marie Chetrit

Scientifique de formation et de profession mais littéraire de cœur, Marie Chetrit partage sur son blog de petits textes sur les moments rigolos ou exaspérants de sa vie familiale. Elle et son fabuleux époux ont chacun un grand d’une première union et deux petits diablotins ensemble.
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