« Alors ? Prête pour cette rentrée ? »
Chaque année la question revient, inévitablement ! Chaque mois de septembre s’annonce comme un immense renouveau, une page blanche, bien lisse et tellement propre qu’elle fait naître des angoisses, dont celle du premier trait (de la première attitude).
Comment ça se prépare, en vrai, une maîtresse de petite section ? Comment ça envisage d’accueillir des petits pour leur grand démarrage (masqué qui plus est !) dans la vie scolaire ? Quelles questions ça se pose, une instit’ de petits ? Chacune et chacun est unique, et je ne parlerai pas pour les autres… mais dans ma tête à moi ?
J- quelques jours
Comme d’habitude, la panique monte. Les idées en 4 par 3 que j’ai fantasmé tout l’été sont reléguées au profit de considérations pratico-pratiques, sur les milliers de « chozafères », de petits ajustements, de remise à plat, etc… J’ai quitté en juin un groupe autonome, une joyeuse mayonnaise de classe, qui me tolère, moi la « taulière » en ces murs. Je connais chacune de leurs mimiques, leurs états d’âme et les bêtises qu’ils envisagent, leur parfum de glace favori et le nom du doudou de leur doudou !
Et là, je saute dans l’inconnu : entre eux et moi tout est à construire et à créer, à commencer par ce lien de confiance qui est – avec l’humour et l’humilité – la clé de tout. Ma première et sacrée mission : leur faire aimer l’école. Ils risquent d’y passer un moment… Une peccadille, que dis-je ?! Un jeu d’enfant ! La pression ? Quelle pression ?!
J- quelques heures, je suis tétanisée
Je ne suis plus à la bourre, non, mais j’ai ce sentiment de tenter de concurrencer le lancement d’une fusée avec une bombe à eau… Surtout que, détail non négligeable, j’ai en plus de ma propre rentrée à préparer, celle de trois loupiots qui comptent sur leur mère pour retenir les dates du planning et le nombre de protège-cahiers verts à rabats multiples qu’il faudra dénicher (ainsi que le certificat d’aptitude à la pratique de la pelote basque, et qu’est-ce qu’on mange ce soir ? Oh purée, j’ai encore oublié d’appeler l’orthodontiste ! Bon, faut passer chez le coiffeur aussi.) Bref !
Plus le temps se raccourcit, plus la liste s’allonge, plus le nombre d’étiquettes à prévoir se multiplie, et plus je me demande pourquoi je suis allée me fourrer dans ces guêpiers de la vie ! Est-ce que je saurai encore parler aux enfants, vais-je réussir à les captiver, rien qu’un peu ? Et pour finir, vont-il bien m’aimer ?
Je n’ai pas le droit de me louper sur ce coup là, la première impression, les premières minutes ensemble, comme pour un rendez-vous galant… J’ai pensé les moindres détails de ma tenue, pour que ça les rassure, besoin d’un grand gilet enveloppant, de couleurs joyeuses, de tissus doux et des animaux cachés sur moi, en boucles d’oreilles ou en broche.
J’ai très (trop) peu dormi, j’ai toujours eu peur de ne pas être à la hauteur de ce premier rendez-vous de la vie !
Chaque année…
Et chaque année, quel kif de les découvrir, de s’attacher à eux, tout de suite, de mesurer l’honneur qui m’est fait qu’on me les confie. En fait, j’ai le trac, comme une entrée en scène ! Parce que mon métier, je le vois volontiers comme un métier d’artiste, exigeant et sans filet. J’apprends à négocier avec la pression et la perfection. Je ne serai jamais la maîtresse parfaite, ni la maman parfaite d’ailleurs, et heureusement ! À la rentrée, d’un côté comme de l’autre, il faut un “fail”, un gros ! Cette année, comme les autres, il y en a eu un, et j’ai survécu !
« Alors, cette rentrée ? »
Cette année, à J + quelques heures, je sais que je n’étais évidemment pas prête (je ne le serai JAMAIS), pas plus que je ne le suis chaque année à recevoir ce 38 tonnes d’émotions et de promesse d’une belle aventure d’une année entière avec eux, pour qui je serai pour toujours la première maîtresse et, j’y compte bien, celle qui leur aura donné le goût d’apprendre !
Ce texte nous a été transmis par une fabuleuse maman, Émilie.