Dans tous les cas, tu pleures - Fabuleuses Au Foyer
Travail & foyer

Dans tous les cas, tu pleures

Hélène Bonhomme 9 septembre 2020
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Cet été, je me suis offert quelques jours seule, sans lessive à faire tourner, sans enfant à charge, sans boîte mail qui déborde — quelques jours pour me reposer, retrouver mes esprits et clarifier mes souhaits pour cette nouvelle année scolaire. En prenant de la hauteur, mon objectif était de prendre des mesures drastiques au sujet de mes horaires de travail, de mes mercredis, de la garde de mon bébé… afin d’être certaine de ne pas m’embarquer, une fois de plus, dans une année beaucoup, beaucoup trop chargée. En quittant la maison, j’étais déterminée à résoudre une bonne fois pour toutes la fameuse équation vie pro-vie perso :

  • Est-ce que je serai suffisamment présente pour les enfants ?
  • Oui mais si je passe trop de temps avec eux, est-ce que je parviendrai à les supporter ?
  • Si je me mets à fond dans mon boulot, est-ce que je survivrai à la fatigue ?
  • Oui mais si je fais une croix sur mes projets pro, je vais péter les plombs seule à la maison !

Le résultat de ces quelques jours de réflexion ? Une grosse crise de larmes et un dilemme toujours pas résolu.

“Calme”, “serein”, “détendu”, “joyeuse”… Les participants au stage de méditation dans lequel je venais de me parachuter moi-même étaient assis dans l’herbe molletonnée, entourés de cèdres majestueux. Les oiseaux chantaient allègrement et tout autour de nous respirait la paix. Tour à tour, les gens décrivaient à voix haute leur météo intérieure : ils étaient tous calmes, sereins, détendus ou joyeux. Quant à moi, j’avais envie de hurler : “orage tumultueux avec éclairs qui défoncent tout sur leur passage”. Mais j’étais incapable de prononcer un seul mot. Ma gorge était serrée comme un pot de cornichons impossible à ouvrir, et mes yeux débordaient de larmes. Certes, j’ai tendance à pleurer pour pas grand chose mais ces larmes-là, c’étaient de vraies grosses larmes d’évacuation — tu sais, ces larmes bien plus acides et bien plus oppressantes que celles que tu verses devant n’importe quel épisode de Friends. Cette fois, le barrage venait de se fissurer et un flot intarissable d’émotions réprimées depuis des mois allait s’échapper, sans que je ne sois en mesure d’en contrôler ni le contenu, ni le débit.

Ces quelques jours hors du temps, je me les étais offerts pour être enfin seule, sans personne à charge. Pour y voir un peu plus clair sur ce rôle de mère qui à la fois me nourrit et me bouffe. Et à en croire le trop-plein qui serrait ma gorge et faisait déborder mes yeux rouges, il était grand temps que je m’extraie de mon quotidien, histoire de faire le point.

Là, au milieu de nulle part et entourée de mamies toutes “calmes et sereines”, je venais donc d’entamer un long processus de purge émotionnelle. À chaque sanglot, c’était comme si je digérais morceau par morceau les points forts de l’année qui venait de s’écouler : un accouchement, un déménagement, un nouveau spectacle, un nouveau magazine, une entreprise à faire tourner en dépit de la pandémie, tout cela sans pouvoir mettre les enfants à l’école, le tout avec un conjoint sur-sollicité par son propre travail et malgré une dette de sommeil qui ne faisait que se creuser. Bref, à quelques détails près, la vie normale de chacune d’entre nous, mamans débordées qui rêvent de tout déchirer sur tous les fronts, mais finissent par se contenter de faire ce qu’elles peuvent avec ce qu’elles ont. 

À la fin du confinement, la jungle de mes responsabilités avait repris ses droits tellement vite que je n’avais pas encore pris temps de me poser pour avaler tout ce stress, tirer des conclusions de cette année de folie et faire des choix concernant la suite. Et j’étais déterminée : cette année, hors de question de me jeter à corps perdu dans une bataille perdue d’avance. Finis les rythmes impossibles à tenir, finies les belles intentions qui se terminent en crises de nerfs avant 8 heures du matin. Être autant impliquée dans mon travail tout en étant aussi présente pour ma famille, c’était devenu trop pour moi.

Le temps était donc venu de faire des choix.

“Est-ce que je dois réduire la voilure côté boulot ? Ma fille, je la fais garder combien d’heures par semaine ? Qui fera les trajets jusqu’à la nouvelle école des garçons ? Et surtout : comment faire en sorte d’avoir un peu d’air tous les jours, plutôt que de signer pour une année surchargée et vivre en apnée jusqu’à l’été prochain ? Moi dont le métier est justement de dire au mamans “Stop, prends soin de toi”, comment faire en sorte de vivre ce que je prêche, et de planifier réellement du temps pour moi ?”

Dans ce centre de méditation où j’étais venue m’isoler, mes neurones fonctionnaient à toute allure, pour tenter de résoudre l’équation. Horaires, logistique, partage des tâches : tout est dans l’anticipation, non ? Mais là, au milieu de cette étendue de verdure où j’étais venue chercher de la clarté, je ne faisais que m’enfoncer dans les marécages de mon insuffisance. Je voulais analyser, comprendre, décider, mais tout ce que je faisais, c’était pleurer :

  • pleurer de soulagement, parce que c’était si bon de me retrouver là, sans enfant à gérer ;
  • et en même temps pleurer de culpabilité, parce que j’étais tellement à bout de nerfs que j’en étais venue à fuir ces enfants que pourtant j’aime plus que tout ;
  • pleurer de colère, aussi, parce que j’étais incapable de décider.

Est-ce que je fais garder la petite, ou est-ce que je la garde avec moi ? Est-ce que je prends mon mercredi ou pas ? Est-ce que je me lance dans ce projet dont je rêve depuis des années, ou est-ce que c’est totalement insensé ?

En pleine crise de larmes, je l’ai trouvée, la réponse à toutes ces questions :

Dans tous les cas, tu pleures.

  • Tu pleures si tu laisses ton bébé chez la nounou / Tu pleures si tu te le coltines toute la journée
  • Tu pleures si tu n’accompagnes pas ton grand à son entraînement de judo / Tu pleures si tu te tapes le service taxi tous les mercredis de l’année
  • Tu pleures si tu mets entre parenthèses tes projets professionnels / Tu pleures si tu ne ralentis pas ton rythme de travail

C’est peut-être ça, être maman : dans tous les cas, tu pleures.

Tu pleures parce que ce sont tes enfants… tu pleures parce que c’est ta vie.

Alors dans ce pré verdoyant où avait éclaté l’orage de mon tiraillement, cette Fabuleuse qui pleurait à l’intérieur de moi, je l’ai prise dans mes bras et je lui ai dit :

1. Arrête de vouloir labéliser tes décisions : il n’y a pas d’un côté la bonne décision, ni de l’autre côté la mauvaise. Quel que soit ton choix, tu devras faire face aux limites induites par ce choix. Ce qui est attendu de toi, ce n’est pas de jouer la bonne élève qui saura trouver la réponse juste — il n’y a pas de bonne réponse. Ce qui est attendu de toi, c’est de prendre une décision courageuse, en sachant justement qu’elle sera imparfaite et que ton rôle sera de continuer à t’aimer quand même.

2. Dans tous les cas tu pleures. Et le fait d’accueillir cette vérité avec douceur, c’est le meilleur moyen de faire de ces émotions tes amies. Oui, tu vas pleurer, mais cela ne doit pas te paralyser. Quand tu pleureras, dis-toi que c’est ton humanité qui s’exprime et demande-toi ce qu’elle est en train de te dire. Porte les lunettes de la bienveillance envers toi : alors tu seras capable d’identifier le besoin caché derrière ces émotions, et de prendre soin de ce besoin, de prendre véritablement soin de toi.

3. Tu sais, aucune décision n’est éternelle. Tu ne joues pas ta vie, ni celle de tes enfants. Tu pourras toujours revenir en arrière, ajuster, changer, réorganiser. Tu es pleine de ressources et de créativité : fais-toi confiance et pose un pied devant l’autre.

Et le plus étrange, c’est que depuis la rentrée, je n’ai même pas tant pleuré que ça. Peut-être parce que mon trop-plein était sorti lors de ma crise émotionnelle de l’été. Peut-être parce je m’étais réconciliée avec le fait que peu importe mes décisions, cette année scolaire allait encore être largement imparfaite. Peut-être parce que je me suis souvenue qu’apprendre à être à l’aise avec cette vulnérabilité, c’était peut-être le plus beau cadeau que je puisse offrir à mes enfants.

Peut-être parce que j’ai osé écouter mes besoins et prendre des décisions en fonction — et au fond, le résultat des courses n’a pas d’importance ici : ce qui compte, chère Fabuleuse, c’est ton choix, celui que toi tu as envie de faire à l’instant T. Alors fais ton stock de mouchoirs et lance-toi :

tu es Fabuleuse, et ça change tout.



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Cet article a été écrit par :
Hélène Bonhomme

Fondatrice du site Fabuleuses au foyer, maman de 4 enfants dont des jumeaux, Hélène Bonhomme multiplie les initiatives dédiées au bien-être des mamans : deux livres, deux spectacles, quatre formations, la communauté du Village, une chronique sur LePoint.fr et un mail qui chaque matin, encourage plusieurs dizaines de milliers de femmes. Diplômée de philosophie, elle est mariée à David et vit à Bordeaux.

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