Cela fait quatre ans que j’élève mes deux enfants seule. Pourtant cette phrase continue à résonner dans ma tête :
« Est-ce que je fais ce qu’il faut » ?
Elle surgit sans prévenir dans de multiples occasions, mais cette nuit, si elle m’empêche de dormir, c’est au sujet de la relation que mes enfants entretiennent avec leur père. Il faut savoir que mon ex-Fabuleux est retourné vivre dans son pays d’origine, après notre séparation, en Amérique du sud. De mon côté, la relation était très abîmée, j’avais tenu à bout de bras notre couple pendant de longs mois et j’étais fatiguée de ces efforts constants. J’avais besoin de paix, de souffler. À titre personnel, le départ de mon ex-mari était presque un soulagement pour moi. Bien sûr, j’avais peur de la solitude dans laquelle j’allais élever mes enfants.
Chacun sait qu’élever à deux est déjà quelque chose de difficile, alors assumer seule…
Mais j’avais confiance en l’amour que je porte à mes enfants pour me donner la force d’assurer leur éducation, jour après jour. Cependant, j’étais extrêmement triste pour eux, qui subissaient déjà la séparation et qui devaient en plus composer avec l’éloignement de leur père. Comment allaient-ils vivre cette absence ?
Que deviendraient-ils, sans père à leurs côtés ?
Les premiers temps, le père de mes enfants appelait régulièrement, il les voyait en visio une ou deux fois par mois. Cependant, le temps passait, les conversations devenaient de moins en moins chaleureuses, le lien entre mes enfants et leur père s’étiolait doucement. Au moment du départ de mon ex-mari, ma fille avait cinq ans et mon fils, seulement un an. Ils étaient trop jeunes pour comprendre clairement la situation et en grandissant, ils ont commencé à ne plus apprécier ces contacts avec leur père.
Leur complicité ne pouvait pas se nourrir exclusivement de ces rares appels, et mon ex-mari vivait mal ces longs silences et ce manque d’enthousiasme de la part de ses enfants. Il lui arrivait de se mettre en colère à cause de la frustration, ce qui jetait un froid lors des conversations et n’arrangeait pas la situation du côté des enfants. La perspective de passer un moment au téléphone ou en visio avec leur père les mettait dans un état de stress tel qu’ils en arrivaient à pleurer dès que j’annonçais « Papa va vous appeler ». Aujourd’hui, ils refusent tout simplement de prendre le téléphone.
« Est-ce que je fais ce qu’il faut ? »
Je ne force pas mes enfants à parler à leur père, ils disent qu’il est devenu un étranger, pour eux. Et leur père voudrait que je les contraigne à lui parler.
« Est-ce que je fais ce qu’il faut ? » C’est leur père et il a le droit de pouvoir parler à ses enfants. J’ai beau expliquer qu’ils ont besoin de temps, de compréhension, de douceur, il remet en question ma façon de les éduquer et me reproche cette situation.
« Est-ce que je fais ce qu’il faut ? » Je me retrouve à prendre des décisions pour mes enfants, pour protéger leur bien-être à court terme, sans avoir la certitude qu’ils ne me reprocheront pas plus tard de ne pas avoir maintenu le fil de leur relation avec leur père. Et c’est valable pour tant d’autres choses.
J’ai lu des articles de pédagogie sur les enfants de parents divorcés mais aucun n’évoque clairement la problématique que je rencontre.
Je rêve de tomber un jour sur une baguette magique qui m’aide à trouver des réponses,
à identifier la meilleure attitude pour le bien de mes enfants. Le plus dur dans ma vie de maman solo n’est pas forcément de me lever, de préparer le petit-déjeuner, d’habiller mes enfants, de les emmener à droite et à gauche, de gérer les devoirs, la douche, le dîner et de recommencer le lendemain. C’est de ne pas avoir la certitude que je prends les bonnes décisions et de porter seule le poids des options que je choisis.
Alors en attendant qu’une forme d’apaisement arrive avec le temps, j’ai proposé à mon ex-mari d’écrire. Ça lui permet de maintenir le lien avec ses enfants sans les forcer à lui faire face. Ça contourne le problème de la conversation laborieuse. Et ils les liront quand ils seront prêts. Je ne veux pas qu’ils puissent un jour penser que leur père et moi, on s’est résignés à ce qu’il n’y ait plus de relation entre eux. C’est une solution imparfaite, mais je n’ai pas trouvé mieux.
Être mère est un cadeau que la vie m’a fait, c’est même la meilleure chose qui me soit arrivée.
Ce n’est pas tous les jours facile, mais l’espoir me tient debout et je pourrais même crier à haute voix « Je suis sûre que des temps meilleurs viendront ! »
Chère Fabuleuse solo, peut-être que la relation avec le père de tes enfants est bonne et que vous continuez à porter à deux leur éducation, que vous décidez à deux de ce que vous pensez être le meilleur pour eux. Je te le souhaite tellement. Si ce n’est pas le cas, pour une raison ou une autre, si tu te retrouves vraiment seule à la barre de ta vie de famille, sache que tu n’es pas seule à douter, que personne ne ferait mieux que toi dans ta situation, que ni moi ni les experts qu’on entend sur les plateaux télé n’allons te donner de solution. Mes copines en couple me disent parfois :
« On a beau être deux à les éduquer, on n’a pas plus de certitude de faire les bons choix. »
Alors puisque ni elles, ni toi, ni moi ne sommes sûres de grand-chose, il nous reste une option : nous préparer une tisane et ressortir l’album photo des vacances pour contempler les mines réjouies de nos petits. Accepter l’incertitude et nous nourrir de ces moments de bonheur. Trouver des solutions imparfaites, contourner les difficultés et garder espoir.
Ce texte nous a été transmis par une fabuleuse maman, Raquel.