Il y a un moment de ma journée que je savoure tout particulièrement, notamment quand mon mari est absent et que je m’occupe seule de mes trois garçons (tous les mercredis et samedis) : le petit tour aux toilettes.
Sitôt entrée et la porte barricadée, je m’assois sur le trône avec un soupir de soulagement : trois minutes (voire plus si affinités) pour moi toute seule.
Je prépare ce moment avec délectation, et suis capable de le retarder pour pouvoir vraiment en profiter : prendre le temps d’aller aux toilettes quand on est seule avec trois garçons déchaînés, c’est essentiel.
Deux règles sont à respecter :
1. Choisir avec soin le bon moment (non, il n’est pas soumis à ma biologie interne) :
- Soit quand les enfants sont calmes : ils lisent, ils jouent dans le jardin. J’ai la paix assurée, mais autant profiter de ce moment pour me poser dans le canapé et boire mon café, non ?
- Soit quand ils sont totalement surexcités : la fin du repas tourne à la foire, la nourriture vole, les hurlements me percent les tympans. Ou bien ils sont en train de faire un parcours du combattant sur les canapés du salon en poussant des cris d’indiens. Bref, il est urgent et même vital de m’extraire de ce brouhaha. C’est le moment que je choisis en général.
2. Le choix du matériel (non, le papier toilette ne suffit pas !)
Il est très important qu’aller aux toilettes soit un véritable moment de repos et de relaxation. Pour cela, il me faut, au choix :
- Un bon bouquin dont la fin du chapitre me tient en haleine depuis la veille.
- Un magazine à feuilleter (sujet souhaité : le Megxit ou tout autre suffisamment futile).
- Un téléphone portable (pour consulter le dernier Mail du matin d’Hélène Bonhomme, répondre aux messages de mes copines…)
- Un ouvrage à poursuivre (tricot, broderie, tout est possible !)
- Un poster collé sur la porte des toilettes, et que j’aime bien observer car il me fait voyager.
Il se peut aussi que j’aie simplement envie de laisser mon esprit vagabonder. Je tente de m’extraire des bruits qui me parviennent de la maison. Je pense à des choses agréables, aux vacances, aux odeurs du printemps, au gâteau au chocolat que je cuisinerai toute à l’heure.
Vous l’aurez compris, aller aux toilettes est un véritable rituel
C’est un moment de grâce dans ma journée survoltée, où le temps se suspend et n’appartient qu’à moi. J’en ressors apaisée, détendue, prête à aller constater calmement le désastre qui m’attend dans la cuisine ou le salon (bon évidemment, j’exagère un peu l’effet sédatif de cette petite pause).
Parfois, bien sûr, les choses ne se passent pas comme prévu. Je suis dans les toilettes, dans ma bulle, jusqu’à ce que :
- Mon petit dernier tombe et se cogne. Il hurle.
- Mon second et mon aîné commencent à se battre. Je les entends rouler par terre en se traitant de « gros caca boudin », ou de « sac à crottes ».
- Les trois tambourinent à la porte en criant. Je suis comme enfermée dans une caisse de résonance.
- Au contraire, je n’entends plus un bruit. C’est suspect.
- Ils ne savent pas où je suis (je me suis bien gardée de leur dire pour être plus tranquille), et ils me cherchent partout, désespérés. Je ne voudrais pas non plus les traumatiser.
- Certaines fois aussi, ils tentent de petites originalités : dernièrement, ils ont vidé le tiroir à couverts et les ont passés un à un sous la porte (j’ai bien ri).
Dans chacun de ces cas de figure, une question s’impose :
« Ce qui est entrain de se passer à l’extérieur de ces toilettes vaut-il la peine que j’en sorte prématurément ? »
Parfois la réponse est oui, parfois la réponse est non. Soit je m’isole encore plus dans ma bulle, tâchant d’ignorer ce qui ne me semble pas tenir de l’urgence vitale, soit je suis obligée d’abréger, à regrets. Bref.
Aller aux toilettes, en tant que maman, c’est la vie.
Mieux encore que de prendre sa douche. C’est un moment que PERSONNE ne peut m’empêcher de prendre pour moi, puisqu’il est universellement obligatoire pour tous, et ce plusieurs fois par jour.
Aller aux toilettes, c’est une philosophie. Ma philosophie. Ma philosophie des toilettes.