Leurs échecs ne sont pas nos succès - Fabuleuses Au Foyer
Dans ma tête

Leurs échecs ne sont pas nos succès

Rebecca Dernelle-Fischer 4 octobre 2021
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Ce n’est pas parce qu’elle se plante que tu t’en sors mieux.

Un de mes premiers textes pour les Fabuleuses au foyer parlait de la comparaison. Il s’intitulait « Elle va encore tout faire mieux que moi ». J’y parlais d’une amie qui m’avait annoncé qu’elle allait devenir mère. Je ramais comme je pouvais dans ma réalité de maman et je m’étais dit :

« Bon ben voilà, c’est sûr, là où j’échoue, elle va réussir tout naturellement ».

Quelques années plus tard, je souris. Je suis un peu plus détendue. Mes aînées sont adolescentes et toute une partie des tempêtes de la petite enfance ont déménagé dans d’autres foyers. Et toutes mes amies ont ramé avec leurs bébés. L’une après l’autre, elles ont traversé les tourments qu’on avait aussi vécus. Oui, elles se sont aussi parfois royalement plantées, oui, elles ont eu des moments de grands doutes et n’ont pas vécu la parentalité de rêve que je pensais qu’elles, au moins, arriveraient à atteindre.

Est-ce que je me suis un peu réjouie de voir qu’on est tous dans la même misère ?

Oui,un peu. Ohlala, c’est pas bien, je sais, mais parfois, j’avoue, j’ai savouré de voir les bonnes résolutions de mes amies s’évanouir comme neige au soleil ! Le réflexe serait de se dire :

« Finalement, je ne suis pas si mal que ça comme maman ».

Comme un élève qui rentre à la maison et justifie son échec à l’interro par les mauvaises notes de ses copains. Et c’est là que la comparaison pipe les dés. Les échecs des autres ne sont pas nos succès. (Pas plus d’ailleurs que leurs succès ne sont nos échecs.)

Ce n’est pas parce qu’ils se plantent aussi que je m’en sors mieux.

Il y aura toujours des mamans qu’on admire, qu’on regarde en soupirant d’envie. Tu es d’ailleurs probablement une maman comme ça pour quelqu’un d’autre. Un ami m’a dit un jour : « J’aurais aimé avoir une maman comme toi ». J’avais répondu : « Mais mon pauvre, tu n’as aucune idée, tu ne vois qu’une petite partie de notre réalité ». Il m’avait rétorqué : « Mais j’en sais assez pour te le dire ».

Chère Fabuleuse,

Je suis certaine qu’autour de toi, certaines personnes te regardent avec ce regard aussi et pensent que tu t’en sors super bien, malgré tout.

Il y aura aussi toujours des mamans qui, dans certains domaines, se plantent ou s’en sortent moins bien que toi. C’est la vie. Et on les juge.

Oui, on les juge parfois sévèrement.

Il suffit de regarder les lynchages sur les réseaux sociaux. La team « mère parfaite » qui ne rate aucune opportunité de critiquer les méfaits du sucre, du cododo, ou encore du non cododo… mais pas seulement cette team-là.

Il y a aussi les autres mamans qui s’en mêlent. À chacune son cheval de bataille. Dernièrement, je lisais :

« J’en ai marre des ces mamans à bout avec leur verre de vin à la main, je suis pour remettre de la positivité dans la parentalité ».

Oh purée ! Le ton est donné ! Tu sais, jeter des cailloux sur les autres, ce n’est pas de la critique constructive. Et ce n’est pas parce qu’on lance des cailloux ou des pavés sur les autres que nos maisons sont mieux construites. Au contraire ! Quelle perte d’énergie, de temps.

Alors, honnêtement, je me parle à moi aussi.

Un jour, installée confortablement au parc, j’observais une maman fumer une cigarette dans un coin, ses enfants dans le bac à sable. Je me suis tenue un discours du tonnerre dans ma tête :

« Mais comment peut-on faire ça ? Quelle honte… blablabla… »

Jusqu’à ce que je me souvienne que j’avais moi-même croqué le matin même dans une tartine couverte d’une couche bien trop épaisse d’une pâte tartiner à l’huile de palme bien trop sucrée et aussi très mauvaise pour la santé et l’environnement. Humanité partagée : mon addiction, son addiction ; ma pâte à tartiner, ses cigarettes.

Cette maman n’est pas plus mauvaise et je ne suis pas « meilleure ».

Mais on juge, on compare, c’est dans notre nature. Et on juge tout particulièrement dans les domaines qui nous sont très proches, qui ont un impact important dans notre quotidien.

Brené Brown écrit dans son livre Dépasser la honte :

« C’est un cercle vicieux. Le jugement des autres rend honteux et craintif et on juge donc autrui afin de se sentir mieux. »

En être conscient, réaliser qu’on juge tous pour essayer de sortir de sa propre honte permet d’avancer, de retourner le problème.

Comme un pull que l’on remet à l’endroit.

Dessus, il est écrit :

« Pourquoi réagis-tu comme ça, il est où le caillou dans ta chaussure à toi pour que tu te sentes poussée à juger cette autre maman ? ».

La question, c’est se connaître soi. C’est réaliser la chose suivante : « Si je juge cette maman, c’est que le sujet me touche particulièrement. Que se passe-t-il en moi ? ».

Brené Brown continue sa phrase ainsi :

« Pour ce faire, il est nécessaire d’être en contact avec ses propres émotions et d’être à l’aise avec elles ».

Parce qu’on ne peut pas faire semblant de ne pas juger, tout notre corps transpire notre jugement. L’empathie réelle avec les autres ne peut s’exprimer que quand on connaît nos propres détonateurs internes, nos blessures, nos combats, nos peurs, nos hontes. Qu’est-ce qui fait qu’on a des munitions en réserve pour tirer sur les autres ? D’où viennent-elles ?

Ce n’est pas parce qu’elle se plante que je m’en sors mieux.

Ce n’est pas parce que je peux dire que « moi au moins je ne fais pas ceci ou cela » que je me sens rassurée dans ma parentalité. Ta maison n’est pas plus solide si celle de ton voisin est bancale. On construit tous sur le terrain qu’on a, avec les outils que l’on a.

Il y aura toujours mieux, il y aura toujours moins bien, mais jamais les maisons des autres ne t’aideront à aimer la tienne.

C’est en possédant nos vies et nos parentalités, dans leurs bons et leurs moins bons aspects, que nous apprendrons à moins juger, à nous sentir mieux ancrés dans notre réalité à nous, à nous aimer dans notre humanité, nos réussites et nos erreurs : notre fabulosité !



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Cet article a été écrit par :
Rebecca Dernelle-Fischer

Psychologue d’origine belge, Rebecca Dernelle-Fischer est installée en Allemagne avec son mari et ses trois filles. Après avoir accompagné de nombreuses personnes handicapées, Rebecca est aujourd’hui la maman adoptive de Pia, une petite fille porteuse de trisomie 21.
https://dernelle-fischer.de/

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