Je t’écris ces mots pour que tu saches que, bien, bien avant que tu sois là, tu existais déjà dans mes pensées et dans mes plus beaux rêves.
Je me souviens très bien que toute petite encore, quand je jouais à la poupée, c’était toi que je câlinais, à qui je donnais à manger, que je trimbalais partout dans mes bras.
Cet amour démesuré que je portais en moi n’attendait que ton arrivée pour pouvoir s’exprimer.
Autant que je m’en souvienne, j’ai toujours rêvé d’être maman, mais j’ai dû attendre ma 28ème année pour rencontrer celui qui allait devenir l’homme de ma vie et en même temps ton papa.
C’est seulement à l’âge de 33 ans que je me suis enfin sentie prête à t’accueillir et comme ton papa aussi était prêt, on t’a mise en route.
Te porter en moi a été une des plus belles aventures de ma vie !
C’était un peu étrange au début, mais rapidement j’ai commencé à avoir un sentiment de plénitude que je n’avais jamais connu avant. Le monde tournait autour de moi et de mon ventre qui s’arrondissait à vue d’œil.
À ta naissance j’ai vécu le plus beau jour de ma vie, même si pour que tu arrives j’ai dû gravir le plus haut sommet de douleur ressenti dans toute mon existence.
Étonnement, cette souffrance innommable était chose oubliée quand on t’a posée, toute chaude et gluante, sur ma poitrine. Je te vois encore lever et tourner ta tête en me regardant et en regardant ton papa plusieurs fois avec une profondeur et une intensité indescriptible. C’était comme si tu nous disais : « Ah… Enfin… C’est vous ? »
Ce jour-là, le jour où tu es sortie de mon ventre, ma vie a changé pour toujours.
J’ai pris « perpète » avec mon plus beau sourire !
Devenir mère n’est pas chose facile et j’étais très, très, très loin d’imaginer le changement que ton arrivée au monde allait provoquer en moi.
Je suis passée du premier au deuxième plan d’un seul coup et l’insouciance et la légèreté qui m’avaient toujours accompagnées jusque-là m’ont quittées pour de bon. Dorénavant ma compagne de route était la culpabilité parce que quand on est mère, quoi qu’il arrive à notre enfant, c’est toujours de notre faute et on se pose des questions à n’en plus finir !
Je te donne quelques exemples…
Pendant les premiers mois de ta vie, tu ne prenais pas de poids et pour moi, c’était de ma faute parce que je n’étais pas foutue de fabriquer moi même assez de lait pour te nourrir.
Quand tu as commencé à souffrir de constipation c’était à cause de moi parce que j’étais trop préoccupée à tout contrôler pour que tout autour de toi soit très propre et aseptisé.
Tu es née avec un petit poids et tu as toujours été plutôt mince par nature, mais quand on allait chez moi au Brésil, ma grand-mère me disait à chaque fois : « Tu me la laisses, je vais lui donner à manger ! » et une fois de plus j’étais partie pour un tour d’énorme culpabilité.
Vers l’âge d’un an et demi tu as commencé à te taper ta tête contre les barreaux de ton lit ou contre le sol à la moindre contrariété et ma petite voix intérieure me disait que je n’étais pas capable de t’aider à gérer tes émotions comme il faut. Pour moi qui suis psychologue de formation c’était trop, trop dur…
Aussi, quand du haut de tes trois ans tu me poussais à bout comme personne d’autre n’a jamais su le faire, c’était aussi de ma faute parce que j’étais incapable de prendre assez de distance et que je me laissais envahir par un trop plein d’émotions que j’étais censée maitriser à mon âge !
Quelques fois, quand tu méritais vraiment une punition, la seule qui marchait vraiment était de confisquer ta poupée chérie avec qui tu dormais la nuit. Je peux aujourd’hui te dire que j’enfermais Manon à clé dans mon armoire et que quand tu me demandais si tu pouvais au moins lui faire un bisou avant d’aller te coucher, mon cœur de maman rétrécissait tellement que je me sentais la plus méchante de toutes les mamans du monde…
Même dans les moments où tout allait très bien, je me demandais s’il n’y avait pas quelque chose qui clochait…
C’est à peine croyable, non ?
À l’école tu as toujours bien travaillé et je peux compter sur les doigts d’une main les fois ou j’ai eu besoin de t’aider à faire tes devoirs !
Pendant toute ta scolarité les appréciations les plus fréquentes de tes enseignants ont été: « Sérieuse » et “Travail sérieux ». À cause de ça je me demandais si tu n’étais pas trop sérieuse parce que je te mettais trop la pression et que je devrais être plus cool avec toi.
Plus cool, plus cool…
J’écris ces mots et ils résonnent dans ma tête. Peut-être que je t’ai transmis mon perfectionnisme, mes maniaqueries et ma mauvaise habitude de vouloir tout contrôler…
J’aurais tellement aimé avoir été plus détendue, plus à l’écoute et moins envahissante. Heureusement que la culpabilité et les regrets ne représentent qu’une petite partie des mes souvenirs. Quand je pense à toi et à nous, les images et sentiments qui remplissent ma pensée et mon cœur sont fruits de moments de complicité, de partage, de découverte et d’émerveillement qui tout au long de ton existence m’ont nourrie et épanouie !
Aujourd’hui tu as 18 ans et je me sens toute chamboulée et émue…
Mon bébé est devenu une très jolie femme bien dans sa peau, heureuse de vivre, intelligente et je suis très, très, très fière d’être ta maman !
Je me suis même dit que peut-être je n’ai pas été une si mauvaise mère et que je ne regrette pas du tout d’avoir pris « perpète » !
Eu te amo tanto Louisa… d’un amour que tu pourras seulement comprendre le jour où tu prendras “perpète” aussi à ton tour !
Ce texte nous a été transmis par une fabuleuse maman, Elisa.