L’été de ta naissance - Fabuleuses Au Foyer
Dans ma tête

L’été de ta naissance

bébé en porte bébé
Une Fabuleuse Maman 24 octobre 2023
Partager
l'article sur


Ma petite chérie,

Tu es arrivée comme une surprise et depuis que tu es avec nous, j’ai l’impression que tu n’es là que pour me surprendre. Malgré ton tempérament calme et posé, ce que j’avais pensé acquis en m’occupant de ton frère ne l’est pas pour toi. Dès la naissance, rien ne s’est passé comme prévu. Il y a eu ta perte de poids qui inquiétait les soignants et nous a valu de revenir à l’hôpital au lendemain de ton arrivée à la maison. Une peur qui s’avérait inutile mais qui continue, trois mois plus tard, de me tarauder.

Et puis, un mois plus tard, cet échographe qui repassait plusieurs fois sur ta hanche droite, la moue crispée.

« J’ai des doutes Madame. Il faudrait que vous consultiez un pédiatre en urgence. »

En pleine cambrousse, au milieu de l’été, bien sûr. J’ai fondu en larmes. Tous les arguments pour me rassurer sur le fait que ta malformation serait bien soignée restaient sans effet. C’est une malformation génétique. Qui peut assurer à une maman qui apprend qu’elle a transmis une tare à sa fille que « ce n’est rien ? ». Bien sûr, je ne suis pas coupable. Mais tout cela vient de moi, malgré tout, et j’en ai souffert sur le moment. Je sais qu’heureusement, tu ne souffres pas des hanches pour l’instant, mais moi, je souffre, et j’aurais besoin que mon cri soit entendu. Souffriras-tu, comme moi, des effets à long terme de ta dysplasie ? Grandiras-tu comme moi avec une scoliose ? Pourras-tu danser, te déhancher, ou resteras-tu désespérément raide ? Pourras-tu porter des talons ou devras-tu te contenter de semelles orthopédiques ?

Comme si cela ne suffisait pas à me compliquer la vie, un deuxième diagnostic est tombé : un torticolis.

« Oh, rien de gravissime, Madame. Quelques séances de kiné suffisent pour guérir. Il faut bien mobiliser le bébé, qu’il bouge, éviter le cosy, le porter en écharpe toute la journée… » une série d’instructions qui font monter mon stress à la vitesse d’une fusée atomique. C’est vrai, les torticolis se soignent facilement, sauf qu’avec des hanches immobiles, la marge de manœuvre est assez étroite. L’équation paraît impossible : pour soigner tes hanches, tu dois rester immobile, et pour venir à bout de ce fichu torticolis, tu dois bouger, te retourner au maximum, t’asseoir… Et mes nerfs en prennent un coup : dès que tu bouges, au lieu de me réjouir que tu grandisses et que ton torticolis se remette doucement, je crains pour tes hanches, et vice-versa. Je tente de sourire et de dissimuler des angoisses qu’aucun argument logique ne peut dissiper.

Et tu n’es pas mon seul enfant.

Je me retrouve donc à faire du portage avec un « grand » d’un an et demi qui tourbillonne autour de moi, cherchant mon attention, réclamant des câlins auxquels il a bien droit. Et je l’emmène au parc, et je monte avec lui sur le toboggan… et je m’épuise ! Peu à peu, j’apprends à lâcher du lest. Je te pose par terre sur une couverture au parc — en veillant à ce que ta posture soit compatible avec les instructions de ta kiné — pour m’occuper un peu de ton grand frère. Entre ta naissance et les rendez-vous médicaux qui s’en sont suivis, j’ai eu l’impression de le délaisser un peu, mon fils aîné, même si j’ai fait de mon mieux. J’ai dû pas mal le confier à droite à gauche cet été (car bien sûr, tout cela est arrivé pendant les vacances de l’assistante maternelle). À chaque fois que je revenais le chercher, on me disait que mon fils avait été adorable, tellement mignon et attachant. Je suis fière de lui, car je sais que cela lui a demandé beaucoup d’efforts, et j’aurais tellement aimé être pour lui une maman plus disponible, plus à l’écoute de ses besoins.

Oui, mais ce que je n’avais pas anticipé, c’est que vos besoins sont souvent opposés :

tandis qu’il dort, tu as faim et lorsque tu aurais besoin de repos, il bouillonne d’énergie. Je ne peux pas imiter les cris des animaux pour le faire rire tout en te calmant ni t’allaiter en jouant au ballon avec lui. Alors avec ta venue au monde, j’apprends à m’accepter, avec seulement deux bras, deux jambes en bout de course et un seul cerveau. J’explique souvent à ton frère que je l’aime, même lorsque je ne suis pas disponible pour lui, ce qui a le don de le faire grimacer. Mais au fond, je sais qu’il continue de m’aimer. Et lorsqu’il me pousse à bout, même si je dois parfois lui poser des limites, je me dis qu’il ose tout avec moi parce qu’il sait que je l’aime, quoi qu’il fasse.

Certains jours, je termine la journée sur les rotules et je dois lutter pour ne pas craquer en votre présence.

Les gens s’étonnent souvent lorsque je leur dis que je vous couche à 19 h. C’est tôt ! Oui, c’est vrai. Mais j’ai souvent besoin de m’accorder ce temps, le soir, lorsque les journées ne m’ont pas laissé une seconde pour souffler. J’ai besoin de ce temps pour mes pleurs du soir. Tu sais, il n’y a pas que les bébés qui ont besoin d’évacuer leurs émotions à la fin de la journée. Moi aussi, après vous avoir câlinés, consolés, après avoir changé 10 couches, lu 50 fois le livre des camions, imité 100 fois le bruit d’une moto, d’une poule ou d’un âne, après avoir détaché vos vêtements, mis une lessive en route, plié celle d’hier, lavé la vaisselle, rangé le salon qui ressemble à un champ de bataille, vidé la poubelle de couches sales, je pleure beaucoup.

Je pleure de fatigue, je pleure d’amour.

Je pleure parce que je ne pensais pas qu’un jour, je serai capable de donner autant d’énergie à d’autres, je pleure parce que je réalise que malgré mes pétages de câbles, je vous aime tant ! Je pleure parce que je voudrais vous transmettre cet amour et que certains jours, au lieu de cela, je cours.

Alors le soir, dès que vos pleurs cessent, place aux miens. Je sens les larmes couler doucement sur mes joues. Je tente de recueillir les pépites de la journée : un éclat de rire de ton grand frère à l’une de mes imitations pourries, ton chant lorsque tu me regardes, repue, après une tétée ou bien ce moment où il a commencé à jouer de la musique sur son xylophone. J’ai battu la mesure, papa a chanté et toi aussi, c’est venu tout seul ! Oh, ce n’était pas le concert du siècle, mais en cet instant nous étions si heureux d’être là, tous ensemble, chacun apportant sa touche à cette musique improvisée, sortie tout droit de notre joie de vivre en famille. Alors, le soir, en laissant couler mes larmes, je me dis que si la fatigue arrive si vite dans mon quotidien, la joie de vivre peut, elle aussi, prendre toute sa place. Je me dis aussi que vos larmes, si elles demandent ma présence, ne sont pas forcément catastrophiques, elles traduisent aussi une bonne fatigue après une bonne journée.

Il est bon qu’elles existent, il est bon que nous soyons là, tous ensemble, dans cette maison en bazar, remplie de vie. 

En attendant, ma chérie, tes petites hanches sont immobilisées et en te voyant te débattre sous ton pseudo-plâtre pour essayer de bouger, je me revois 32 ans en arrière, gênée dans mes mouvements, maintenue raide pendant six mois pour éviter de passer ma vie avec des hanches complètement déboitées… Le traitement est efficace mais je ne supporte pas d’entendre ceux qui prétendent qu’il est anodin d’empêcher une petite fille de bouger. Et les allers-retours entre toi et l’enfant que j’étais ne cessent pas. Sans doute, tu m’invites à m’en approcher, de cette petite fille, à lui dire qu’elle n’a pas besoin d’être souple ni de danser comme une déesse pour être belle. Lui dire qu’elle n’a pas à avoir honte, qu’elle n’est pas responsable de ce qu’elle a reçu, mais de ce qu’elle en fait. Lui dire qu’elle peut maintenant oser traverser la salle du trône de son royaume intérieur en dansant de son pas maladroit et avancer, fière et droite, portant son diadème et son sceptre. Lui dire qu’elle est la fabuleuse reine de sa demeure et que son mari, son prince et sa petite princesse n’ont pas besoin qu’elle soit parfaite pour l’aimer. 

Merci à toi, ma petite princesse, pour ce beau chemin à flanc de montagne que nous parcourons toi et moi. Un sentier étroit, escarpé mais qui nous promet de si beaux horizons.

Une aventure qui m’a déjà tant fait grandir le temps d’un été : l’été de ta naissance.

Ce texte nous a été transmis par une fabuleuse maman, Anne-Sophie. 



Partager
l'article sur


CHÈRE FABULEUSE
Le mail du matin
Les aléas de ta vie de maman te font parfois oublier la Fabuleuse qui est en toi ? Inscris-toi ici pour recevoir chaque matin ton petit remontant spécial maman ! Une piqûre de rappel pour ne pas oublier de prendre soin de toi, respirer un grand coup et te souvenir de ton cœur qui bat. C’est entièrement gratuit et tu peux te désabonner à tout moment.


Cet article a été écrit par :
Une Fabuleuse Maman

Nos lectrices nous envoient parfois des textes formidables que nous avons plaisir à publier ici.

> Plus d'articles du même auteur
Les articles
similaires
maman et bébé
Comment la maternité a bouleversé mes priorités
Ma fille, quand tu es née, j'étais complètement perdue. Heureuse, mais perdue. Je ne reconnaissais pas cette femme dans le[...]
Ma fabuleuse valise de maternité
“Valise de maternité”. Nous avons forcément toutes déjà tapé ces trois mots sur notre moteur de recherche. À quelques semaines[...]
Sommes-nous jamais prêts ?
Ce soir. Ce soir, mon amie donne la vie. À son tour. Pour la première fois. Elle est encore bien[...]
Conception et réalisation : Progressif Media