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Vie de famille

Les toilettes publiques des mamans

Hélène Bonhomme 2 août 2019
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« Pardon Madame, est-ce que vous auriez des toilettes ? C’est pour mon fils, il n’en peut plus. »

Avec un peu de chance, la gentille dame me donne accès à l’arrière-boutique et mon chérubin s’installe allègrement sur le trône — habituellement réservé aux employés du magasin.

Dès que nous quittons la maison pour une petite course, mon activité principale se résume à une perpétuelle chasse aux toilettes, pour permettre à mes enfants de se soulager — car évidemment, ils n’ont jamais besoin de faire caca AVANT de partir.

Les petites mains empoignent joyeusement la cuvette immonde des WC publics : allez, on respire bien fort et on pense à des licornes multicolores.

Mais il y a une autre épreuve dans nos vies de mères.

Une épreuve encore plus laborieuse. Une épreuve tellement exigeante en force musculaire et en détermination mentale, qu’elle devrait être admise parmi les disciplines olympiques.

Ça peut t’arriver partout :

au resto, au centre commercial, dans un train, sur une aire d’autoroute… Je veux parler de ce moment où TOI, la maman, tu as un besoin pressant qui se manifeste au beau milieu d’un lieu public.

Ce moment où tu visualises ta propre vessie comme un ballon de baudruche lors d’une bataille d’eau en plein été : prête à exploser si tu ne trouves pas des WC — là, maintenant, tout de suite.

Oui mais voilà : ta progéniture est dans le coin.

Et tu ne peux la refourguer à personne.

Un dilemme hautement stratégique s’offre alors à toi.

Choix 1 : tu les laisses t’attendre à l’extérieur de ta cabine de toilettes.

Au risque :

  • qu’ils s’aspergent mutuellement avec l’eau des robinets
  • qu’ils vident la réserve d’essuie-mains sur le sol
  • qu’ils aillent espionner sous les portes des autres dames
  • que pendant ton absence, ils se fassent enlever par un détraqué. (J’avoue, ça me stresse à chaque fois. Alors à chaque fois, j’opte pour le choix suivant)

Choix 2 : tu les embarques avec toi à l’intérieur de ta cabine de toilettes.

Au risque :

  • qu’ils étudient avec attention ce qui se cache sous ta culotte (ben ouais, ils sont pile à la bonne hauteur et puisqu’on est serrés à 3 dans 2 mètres carrés, leurs yeux ne sont pas à plus de 20 centimètres de la chose)
  • que l’un ait la bonne idée d’hurler à tue tête : “ALORS MAMAN, TU FAIS PIPI OU CACA ?”
  • que l’autre ait la bonne idée de répondre à tue tête : “JE CROIS QU’ELLE FAIT PIPI. OH NON ATTENDS, ELLE FAIT LES DEUX.”
  • ou, le pire du pire : qu’ils jouent avec le loquet et qu’ils ouvrent grand la porte au moment précis où toi tu étais justement en train de pousser.

L’angoisse : au bout de 30 secondes, tu es à peine en train de commencer à ouvrir les vannes et ils se barrent, ils te laissent là, petite culotte baissée, juste derrière une porte grande ouverte, à la merci des regards gênés qui émanent de la file d’attente.

J’ai donc développé une technique imparable :

celle de maintenir la porte fermée, tout en faisant mes besoins.

Quand je vous dis que nos visites aux toilettes publiques devrait être reconnues comme discipline olympique, je suis très sérieuse.

Parce que faire pipi sans que les cuisses ne touchent la cuvette, comme nous l’ont appris nos mamans, ça fait déjà un sacré challenge pour les ischio-jambiers.

Mais quand en plus de ça, tu es penchée vers l’avant, un bras tendu en arrière pour tenir ton sac à main en équilibre sur la chasse d’eau (parce qu’évidemment il n’y a pas de crochet), l’autre bras tendu en avant, faisant office de barrière pour empêcher tes gosses d’ouvrir le loquet, tout en leur chuchotant le plus discrètement possible de ne “PAS OUVRIR CETTE PORTE” et de ne “PAS TIRER SUR LE PQ” — ben franchement, t’es une championne.

Chère Fabuleuse, ne le prends pas mal, mais chaque fois que je m’enferme avec mes enfants dans des toilettes publiques, je pense à toi.

Je me dis que tu es peut-être là,

juste derrière une mince cloison de bois, les cuisses en galère et les nerfs au martyre. Va savoir pourquoi mon imagination déborde dans des moments aussi incongrus qu’un arrêt pipi sur une aire d’autoroute, mais à chaque fois, je nous imagine comme des soeurs de cuvette, partageant les joies incommensurables de la maternité. Et aussi débile que ça puisse paraître, ça m’aide à me sentir un peu moins seule.

Je pense aux toilettes publiques des mamans,

je pense à toutes ces aventures de notre vraie vie, à tous ces plans foireux dans lesquels on s’est empêtrées en faisant des enfants, je pense à toutes celles qui parviennent à en rire — et je me dis qu’on est quand même sacrément fabuleuses. Nan ?

Allez j’te laisse, j’dois faire pipi.



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Cet article a été écrit par :
Hélène Bonhomme

Fondatrice du site Fabuleuses au foyer, maman de 4 enfants dont des jumeaux, Hélène Bonhomme multiplie les initiatives dédiées au bien-être des mamans : deux livres, deux spectacles, quatre formations, la communauté du Village, une chronique sur LePoint.fr et un mail qui chaque matin, encourage plusieurs dizaines de milliers de femmes. Diplômée de philosophie, elle est mariée à David et vit à Bordeaux.

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