Quand maman va, tout va : chez les Fabuleuses, c’est devenu un mantra. Une maman qui va bien, c’est toute une famille qui va bien. Et les papas, alors ? Pourquoi est-ce que toute la responsabilité du travail sur soi reposerait sur les mères ?
Nous fêtons aujourd’hui la publication de notre article numéro 1500.
Pour résumer le pari fou que je renouvelle chaque matin depuis 9 ans, j’ai choisi ces trois mots : « Les mamans d’abord ».
Trois mots qui cachent une question : et les papas, dans tout ça ? Avant d’y répondre, j’aimerais apporter 3 précisions :
1. Se donner la priorité, c’est loin d’être spontané pour une mère.
Je suis la première à patauger au quotidien dans le marécage qui se situe quelque part entre « J’peux pas, j’ai balade toute seule dans la forêt » et « Maman est là, mon petit chat ».
2. Une maman qui va bien, c’est une famille qui va bien.
Ma boîte mail a vu passer plus de 50 000 témoignages dont je retiens ceci : quand une mère s’autorise à recharger ses batteries avant tout, un nombre incalculable de problèmes prennent presque automatiquement le chemin de leur résolution. Et les psychologues avec lesquels je travaille me le confirment : la guérison intérieure d’une mère rejaillit en premier sur son couple et ses enfants.
3. Se donner la priorité, ça fait flipper.
Il y a quelques semaines, à la sortie d’une conférence, une Fabuleuse avait fait patiemment la queue pour me retrouver, en larmes, à la table des dédicaces : « Je suis abonnée à tes e-mails depuis des années, mais je n’en ai ouvert aucun. J’avais peur de ce qui sortirait si j’ouvrais la boîte de Pandore. J’avais peur de pleurer bêtement comme je le fais maintenant. »
Tant que tu cours, ta petite boule d’angoisse est muselée. Mais dès que tu t’offres du temps rien qu’à toi, la voilà qui remonte à la surface. C’est la raison pour laquelle la plupart d’entre nous sont accros à l’action. Beaucoup de mamans râlent parce qu’elles ont trop à faire, mais elles ont peur de ralentir : ça leur donne le vertige. Ça les obligerait à regarder en face tous les dysfonctionnements qu’inconsciemment, elles sont en train de faire rejaillir sur leurs proches.
Et les papas ? N’ont-ils aucune responsabilité dans tout cela ?
En accusant les dysfonctionnements maternels d’être la source de tous les maux du monde, je serais une piètre servante de la cause des mamans. Mais si je dis « les mamans d’abord », ce n’est ni par volonté de revendication sociale ni par volonté de culpabilisation individuelle. C’est par pur pragmatisme.
Dans le Village, j’ai accompagné plusieurs milliers de Fabuleuses vers la sortie de l’épuisement. Ma petite expérience n’a fait que le confirmer : jeter la pierre aux autres (son partenaire, les hommes en général, le patriarcat, le chat de la voisine, le gouvernement, la société, la météo) n’a jamais, jamais permis à aucune mère de lutter efficacement contre le fléau du burn-out. Au contraire : le blâme ne fait que renforcer les comportements dénoncés (et je suis consciente qu’au sein des 1500 articles publiés ici, une partie de mon lectorat a été fort déçu de ne pas trouver suffisamment de critiques à propos de la gent masculine).
Lorsque je dis à quelqu’un qu’il est responsable de mon malheur, j’affirme que cette personne a plus de pouvoir que moi : je courbe l’échine et j’accepte volontairement la domination. Se placer en victime, c’est précisément donner aux autres le trousseau de clés d’une prison qu’ils seraient bien incapables d’ouvrir, à cause d’un principe que nous rechignons tous à prendre en compte, même s’il est bien réel et absolument inévitable : celui de la responsabilité individuelle. Nous sommes tous reliés les uns aux autres, comme les éléments d’un mobile suspendu au-dessus d’un lit de bébé :
le seul et unique moyen de faire bouger les autres, c’est de commencer par bouger soi-même.
Voilà ce que m’a écrit L., à la fin de son aventure dans le Village :
« Mon mari avait un gros problème avec l’alcool : quand il commençait, il ne savait pas s’arrêter et devenait méchant, voire violent verbalement ou physiquement. J’avais peur dès qu’on était invités, j’avais honte de son comportement… Mais quand j’essayais de lui en parler “à froid”, il me renvoyait dans mes seize mètres.
L’été dernier, j’ai vu un changement dans son comportement. Je lui ai fait part de mon étonnement. Il m’a répondu que puisque je faisais un vrai travail sur moi avec les Fabuleuses, il était normal pour lui aussi de faire, car je le méritais et notre couple, notre famille le méritaient. Depuis, il est très vigilant sur sa consommation d’alcool et nous n’avons jamais été aussi amoureux. »
J’avoue être remplie de fierté, à chaque fois qu’un conjoint m’écrit pour me dire que les ajustements intérieurs de sa Fabuleuse lui ont permis de se remettre en question. De manière toute personnelle, je suis fière également d’avoir été la première de mon foyer à avoir osé frapper à la porte d’une thérapeute. Des années après, ce premier rond dans l’eau continue de déverser ses conséquences heureuses sur moi, mon mari, nos enfants, nos entreprises et au-delà.
« Le changement est une porte qui ne s’ouvre que de l’intérieur. » Tom Peters
À ce titre, je serais évidemment ravie qu’en réponse au présent texte, un père prenne la plume pour en écrire un autre intitulé : « Les papas d’abord ».
Et pour finir la trilogie, on en profiterait pour publier « Les parents d’abord », tant je suis convaincue que la santé du couple passe par l’égoïsme du couple, et que quand il s’agit de cultiver l’amour conjugal, les enfants devraient être envoyés dans leur chambre bien avant qu’on les considère comme des parasites.
Notre valeur numéro 1 chez les Fabuleuses, c’est l’authenticité.
L’authenticité, ce n’est pas raconter la totalité de sa vie sans aucun filtre. Ce n’est pas non plus déverser ses émotions sur la place publique sans aucune retenue.
L’authenticité, voilà ce que c’est : cesser de nous cacher derrière les autres et leurs problèmes. Balayer d’abord devant notre porte. Avoir le courage de porter notre attention sur la poutre dans notre œil, plutôt que sur la paille dans l’œil du voisin.
« Moi d’abord », donc, parce que les choses finiront par bouger uniquement lorsque moi, toi, chacune, chacun, fera le premier pas. « Moi d’abord », parce qu’accepter de passer en premier, c’est accepter de prendre son destin en main.
Au fil de cette fabuleuse aventure en 1500 chapitres, voilà ce à quoi j’ai consacré mes efforts, grâce au précieux appui de la plume de mes chroniqueuses : aider les mamans à entrevoir ce qui pourrait devenir possible pour elles, pour leur famille, pour leur entourage et pour le monde, si elles avaient le courage de passer en premier. Si elles osaient avoir un regard authentique sur leur part de responsabilité dans leur état d’épuisement. Si elles apprenaient à devenir avant tout des mamans pour elles-mêmes.
Neuf années après, nous sommes toujours là, et c’est en partie grâce à toi, chère Fabuleuse, grâce à chaque ligne que tu lis, à chaque encouragement que tu nous envoies et à chaque texte que tu partages autour de toi. De tout cœur, merci de nous aider à faire passer les mamans d’abord !