Les amis de mes enfants - Fabuleuses Au Foyer
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Les amis de mes enfants

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Agathe Portail 28 juillet 2024
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C’est bien connu, l’été est la saison propice au développement des amitiés, même celles qui se nourrissent à distance.

Chère Fabuleuse, te souviens-tu du rituel du dernier jour au collège, où tu consacrais une récréation entière à collecter les adresses postales de manière à envoyer à chacun une ‘tite carte ? Moment magique, où tu osais ENFIN adresser la parole au beau Florian, l’air de rien, en lui disant « bah et puisque tu es là, tu n’as qu’à me la donner aussi, ton adresse, on verra bien si je t’écris ». Voilà pour les amitiés d’école qui se poursuivaient en vacances.

Quand je vois mon fils envoyer des lignes entières de smileys sur Teams, je me dis qu’on assiste-là à une forme de survivance de l’esprit carte postale, sans verbe, sans adjectifs, sans mot… mais c’est du lien quand même et quand il arrivera en quatrième, l’été aura été nourri de ces contacts légers, pas très consistants à nos yeux de parents, mais qui détermineront une proximité un peu plus grande qu’avec les autres camarades avec qui rien n’aura été dit (ou plutôt « smilé »).

Et puis il y a les amis de vacances.

Ceux que ton enfant se fait au Club Mickey, ceux qu’il ne voit qu’en vacances (au hasard : les enfants de tes amis à toi), ceux qui sont vaguement des cousins, ceux qu’il ne reverra jamais. Et toi, tu assistes au développement de ces drôles de liens entre ton tout petit (qu’il ait 2 ou 22 ans), en te disant qu’il ou elle a quand même de chouettes compétences sociales. 

À deux ans, tu l’observes s’affirmer dans le bac à sable face à cette chipie de Marie-Loana qui cherche à lui piquer son seau.

Intérieurement, tu l’encourages : « Allez, te laisse pas faire mon loup, donne-lui un petit coup de râteau sur l’orteil si nécessaire, ça ne fait pas de traces ! » Puis tu lances en direction de la maman de Marie-Loana un sourire mielleux, comme si tu t’attendrissais de les voir jouer ensemble. Sache qu’elle n’est pas dupe, parce qu’elle-même encourage intérieurement sa fille à se faire respecter, nom d’un chien : « Arrache-lui son seau d’un coup sec ! S’il pleure, je ferai semblant de chercher une abeille. Je te couvre ma chérie ! »  

C’est la rentrée des classes  ! Sa première… et tu n’es pas au top de ta forme.

Gredin te regarde, un peu apeuré, et après avoir salué la maîtresse, tu entres avec lui dans la classe. Dans le coin des Kapla, tu repères un petit groupe d’enfants dont les parents sont déjà partis. Tu te diriges vers eux, la petite main moite de Gredin dans la tienne. « Bonjour, je vous présente Gredin, ça vous dirait de jouer avec lui ? ». Réponse des deux ou trois plus assurés du groupe : « Oh, bof. ». Ton cœur de maman saigne et Gredin a la lèvre qui tremble. Tout à coup, une petite voix s’élève et un enfant se détache : « Moi, je veux bien. Je m’appelle Jean-Zébulon. On va plutôt dans le coin des voitures ?  » Gredin sourit et te lâche la main sans même un regard. Soulagement intense et gratitude infinie pour Jean-Zébulon, qui a su accueillir ton bonhomme et t’a permis de quitter la classe de petite section, le cœur léger. 

À six ans, ton petit Gredin a développé des affinités qui t’échappent complètement.

Il a un succès fou parmi les grands de CE2 qui l’invitent à leur anniversaire, il fait des dessins pour Zoé, sa meilleure amie (c’est l’ASMAT de petite section), et tu le retrouves régulièrement dehors à tailler le bout de gras dans le jardin de la copropriété avec Madame Zulma qui fait peur à tout le monde, sauf à lui. Il n’a aucune barrière, s’entend bien avec tout le monde. On le trouve charmant, facile, liant, et toi tu te demandes un peu de qui il tient toutes ces qualités. On dirait un soleil.

Gredin a huit ans, tu désespères. Mais pourquoi ton enfant n’accroche-t-il pas avec les enfants de ta BFF ?

OK, ils sont un peu… Mais au moins, ils disent « merci » et « bonjour » et tu n’as pas besoin de te couper les cheveux en quatre pour organiser des rencontres. Il suffit que tu décroches ton téléphone et que tu annonces : « Salut, ma cocotte, il y a de la place dans la baraque de Saint-Trouspette ? On peut venir passer deux-trois jours chez tes parents ? » Ça serait si simple qu’ils deviennent meilleurs amis, mais ce beau projet ne prend pas vraiment le bon chemin, sous prétexte que Jessica a toujours de la morve au nez et Jean-Zébulon passe la journée la tête dans son dictionnaire des noms propres. Si seulement sa passion pouvait rejaillir un peu sur ton gredin qui ne lit rien, mais non, il trouve Jean-Zébulon sopo. Pourtant il est charmant, ce gosse et tu envies un peu ta BFF d’avoir réussi à le faire accrocher à la lecture en toutes petites lettres. Mais bon, dans la baraque de Saint-Trouspette, il y a une pistoche, alors ils vont faire un effort, tes gosses !

Gredin a dix ans, il est devenu dark et éco-anxieux, tu es un peu démunie…

Depuis qu’il a découvert Spotify, il écoute en boucle des gargouillis bizarres et semble ne plus avoir d’amis du tout. Et puis un jour, c’est l’épiphanie ! Le petit-fils de tes voisins sonne, parce qu’il a appris qu’il y avait un garçon de son âge dans la maison d’à côté. Il s’appelle Jason, il est fan de tennis, foot, rugby, ping-pong, bref tout ce qui se joue avec un truc rond, et en plus il a une idée de cabane à la minute. Gredin souffle un peu quand tu lui demandes de suivre Jason sur le terrain municipal, histoire qu’il s’aère, et le soir, tu ne le reconnais plus. Il a les joues roses, l’œil vif, et il te demande où tu as rangé les vieux rideaux parce que Jason a une super idée de hamac à tester. Hourra, l’enfance revient, Jason réussit là où tu t’es cassé le nez et tu as envie de le serrer dans tes bras pendant au moins trente minutes. Merci l’amitié qui répare et qui épanouit !

Ton fils a douze ans, c’est le début de l’émancipation !

Alors qu’il t’assure qu’il n’a « rien à dire » aux ados de la résidence dans laquelle vous passez vos vacances, tu le retrouves le soir-même à squatter les transats autour de la piscine commune, au mépris de toute règle de politesse vis-à-vis des vieux qui, eux, doivent s’asseoir par terre. Ils n’ont peut-être rien à se dire, ces ados, mais ils articulent mollement des embryons de conversation pendant des heures. Leurs sujets ? Aucune idée. Les profs, les activités extrascolaires, Tibo in shape versus Squeezie, les règles iniques que leurs parents imposent chez eux… Ça suffit au bonheur morose de ton fiston. Quand la petite jeune de l’appartement B134 te croise dans l’ascenseur, elle te sourit et te demande si ça te dérange qu’ils sortent prendre une glace, avec Gredin. Bien sûr que ça ne te dérange pas, tu lui glisses même 20 euros dans la poche et tu t’émeus en voyant sa silhouette s’éloigner dans le soir. C’est beau, les copains de l’été. 

Quinze ans, l’âge passionné !

Marie-Loana a pris quarante-deux centimètres, Jason est entré à la PSG Academy où il excelle, et les enfants de ta BFF se sont mis à l’urbex extrême, comme quoi petit-parfait ne devient pas forcément grand-soporifique. Ils t’inquiètent un peu, mais ils t’épatent aussi. Ton Gredin les snobe toujours, parce qu’il est en phase mono maniaque : il fait de l’escalade outdoor, et ne parle plus que de ça, vacances ou pas. Ils ont les dents blanches, le menton volontaire, on dirait l’équipe de France de hockey sur glace, bref, ses nouveaux amis te plaisent beaucoup. Le seul hic : ils parlent un langage mystérieux et s’écharpent sur le bien fondé de sauter sur un pan gullich en fin de séance ou non, dièdre contre dévers. Tu ne comprends rien, mais Gredin s’enflamme avec eux, c’est le principal, et tu préfères ça plutôt qu’il fasse des burns en scooter. Sont très bien ces petits jeunes.

Vingt ans, et pour la première fois, Gredin ne passe pas un seul jour de vacances avec toi.

Il a décroché un permis vacances travail au Canada et, d’après ce que tu as compris, il s’installe en colocation à Montréal avec Marie-Loana, qui étudie maintenant la finance, et Jean-Zébulon, qui expose à la World Press Photo (comme quoi l’urbex, ça mène ailleurs qu’en prison, tu étais vraiment pleine de préjugés). Tu te noies dans un océan de larmes amères tu es un peu chagrin, mais tu trouves que c’est tellement beau l’amitié, que tu es prête à te réjouir pour lui de ce nouveau pas sur son chemin d’adulte en construction. En plus, Jason les rejoint parce qu’il a été recruté par le CF Montréal ! Finalement, ils ont bien tourné, tous, sauf les copains de l’accrobranche, pardon, de l’escalade outdoor, qui ont dévissé un par un et sont devenus piliers de bistrot. On ne peut jamais prévoir.

Chère Fabuleuse, que les amis de tes enfants te plaisent ou pas, qu’ils soient là pour deux jours ou pour la vie, ne t’inquiète pas trop.

Lorsque j’avais quatorze ans, ma copine de collège avait déjà redoublé deux fois et la cuisse légère, pas sûr que ma mère était très rassurée sur mes fréquentations. D’après ce que j’ai entendu, elle est mariée, devenue infirmière en EHPAD et ses petits vieux ne jurent que par elle. Comme quoi, ne classons pas trop vite les amis de nos gredins. Tu te souviendras probablement avec beaucoup d’émotion de chaque enfant qui a croisé la route du tien et qui a participé à sa construction, l’a fait grandir, lui a révélé ses talents et l’a rassuré quand il le fallait. C’est beau, les amitiés d’enfance !



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Cet article a été écrit par :
Agathe Portail

Maman de 4 enfants (très) rapprochés et girondine d’adoption, Agathe Portail écrit des romans adultes édités chez Actes Sud, Calmann Levy et J'ai lu, mais aussi des romans historico-fantastiques édités par Emmanuel Jeunesse.

https://www.fnac.com/ia9173370/Agathe-Portail

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