Polars, romans noirs, thrillers, enquêtes tordues, coups pendables et enquêteurs en déroute : quoi de plus distrayant qu’un bon roman qui vous colle les chocottes et transpire le malaise, quand on est bien installée sur sa serviette ? Dans cette sélection, point d’enquêtrice loufoque, pas d’inspecteur maladroit… Du dark, du qui-fait-peur, écrit par des dames, en plus ! Amatrices du genre, bienvenue…
Esprit d’hiver, de Laura Kasischke, Le Livre de poche, 312 pages, 7,90 €
Un matin de Noël, Holly se trouve bloquée dans sa maison par le blizzard alors que son mari est en route pour l’aéroport. La voilà en tête à tête avec sa fille adolescente, adoptée treize ans auparavant. Insidieusement, le malaise se répand, le sentiment d’isolement grandit et le comportement de Tatiana, bizarre, devient franchement inquiétant. Quelque chose les aurait-il suivis depuis la Russie, tapi dans l’ombre depuis treize ans ?
Ce roman laisse une empreinte indélébile. Des années après l’avoir lu, j’en ai encore des frissons le long de l’échine, c’est te dire. Si tu veux bien flipper, n’hésite pas à t’y plonger. La plume de Laura Kasischke est fine, nuancée, parfaitement équilibrée et cela renforce encore le sentiment d’étrangeté qui se développe au fil des pages. Brrrrr.
On était des loups, de Sandrine Collette, Le Livre de poche, 168 pages, 7,70 €
Un père, son fils, la mort de la mère et la montagne immense, gigantisme américain. Voilà, ça suffit pour planter le décor du roman de la magistrale Sandrine Collette. Elle a ce don infini de capter la bascule entre la dureté et le lâcher-prise chez ses personnages. Le père, si rude, est en ce sens un monument de sensibilité. J’ai pleuré des torrents en le suivant dans son monologue, au rythme du pas de son cheval, encombré de cet enfant qui n’avait de sens que lorsque la mère était là pour les aimer tous les deux. Il semble totalement dépourvu d’empathie, emprisonné dans un carcan de douleur et de rejet de ce fils qui « ne sert à rien ». Son cheminement est d’autant plus touchant. Quel livre !
Châtiment, de Céline Denjean, Michel Lafon, 400 pages, 20,95 €
Si tu as envie de te ronger les ongles jusqu’au trognon et que les personnages pervers ne te font pas peur, ce livre est pour toi ! Intrigue au tombé parfait, finitions minutieuses, zéro gras, que du nerf, bref le dernier Denjean garantit une expérience d’une intensité à réveiller les blasés du genre qui ne sont plus jamais surpris. Essayez ça.
L’histoire démarre sur un « Oups » : Marie-France Bellegarde était censée être la dernière victime du tueur en série surnommé le Thanatopracteur, sauf que… ce n’est matériellement pas possible. Qui a donc imité le tueur de manière si précise que tout le monde s’y est laissé prendre ? Plongée dans l’univers opaque des super-cathos, de quoi décoiffer l’aristo-bourge qui sommeille en soi.
Et les vivants autour, de Barbara Abel, Pocket, 504 pages, 9,20 €
Jeanne est dans le coma depuis quatre ans. Un accident l’a laissée dans un état végétatif et son entourage vit au rythme des bips et des machines, s’organisant avec l’absence et la culpabilité. Tout semble stable et chacun s’habitue à ce que le provisoire s’éternise, mais un nouveau choc va tout remettre en jeu. Sans effet de manche, sans retournements alambiqués, Barbara Abel saisit la complexité des réalités humaines, ce qui est inextricable ou bien limpide, la manière dont chacun s’arrange avec le réel. C’est une lecture à la fois difficile et fluide, on ne voit pas passer les pages, et les thématiques bioéthiques évoquées méritent qu’on les soulève.
Les Monstres, de Maud Mayeras, Pocket, 320 pages, 8,30 €
Si tu étais adepte des Chair de poule (et que tu en as gardé le goût), ce roman est fait pour toi. Ambiance sombre et humide, forêt profonde et manipulation, séquestration et développement de pousses tordues, tout est là pour te faire dresser les cheveux sur la tête. Une mère et ses enfants vivent dans un « terrier », à l’abri de la lumière et du monde. Patiemment, leur père, Aleph, les ravitaille, les éduque et les entraîne pour le jour où il faudra sortir dans le monde, pour l’anéantir. Mais un jour, il ne revient pas et la porte s’ouvre. L’écriture de Maud Mayeras est aussi poétique que noire, il y a quelque chose de déchirant à être témoin de la manière dont on peut dévoyer des êtres innocents. À lire sous le soleil, avec une glace et un fond de musique country pour ne pas être entraînée trop loin avec les personnages.
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