On ne naît pas père, on le devient.
La naissance actualise ce devenir en herbe. Première rencontre. Premier regard. Premiers gestes. S’adapter à ce nouvel autre -mon tout petit – est un apprentissage qui renvoie chaque homme à ce qu’il est, son histoire, mais aussi à sa capacité de croire qu’il pourra être père. Un bon père.
Faire connaissance.
Il est de bon ton aujourd’hui d’encourager les hommes à prendre part activement auprès de leur compagne lors de la naissance de l’enfant, et nombreux sont ceux qui cherchent à se positionner dans ce moment là, de façon parfois maladroite, ou avec le sentiment de ne rien pouvoir apporter.
« Que faire ? Sinon être là. Lui signifier que je la soutenais aux moments des contractions » se souvient cet homme.
Tandis que le futur père si situe auprès de son aimée enfantant, vient le temps d’accueillir ce moment de transition où la maternité adviendra par le corps, et la paternité par le cœur. Cet avènement, pour chacun est différent. Voilà que le cordon se coupe, un autre cordon invisible se tisse entre l’enfant et ses parents : le couple devient famille.
Malgré les neufs mois passés à attendre et rêver ce moment, à construire une paternité en germe auprès du ventre qui s’arrondit, en prenant soin de la mère, en accueillant ses formes généreuses dans l’intimité amoureuse, le changement de statut est si rapide !
Certains hommes embrasserons à bras le corps cette paternité nouvelle. Tandis que d’autres auront besoin de temps.
Dans ces moments là, que faire ?
- Jouer au bon papa qui donne immédiatement le bain pour satisfaire une injonction de la société, une demande pressante de la mère ?
- Ou accueillir sa maladresse, ses interrogations, sa réserve et la signifier, au risque de passer pour un papa ringard ?
« C’est pas trop mon truc, reconnaît cet homme, je ne suis pas à l’aise avec le soin, je préfère quand ils grandissent un peu. »
Inutile de prendre un rôle qui ne nous va pas. Ce serait comme se forcer à enfiler un pantalon taille 38 quand on fait du 42. Ça étouffe. Autant chercher d’autres espaces, tranquillement, pour déployer sa paternité, partir à sa recherche, rencontrer son enfant et croire fermement en deux ressources :
- Le regard de la mère qui dira : « Tu es un bon père, j’aime ta façon d’être père, continue ! ».
- Le potentiel de transformation que réveillent en nous les enfants en naissant. Le nouveau né ouvre des horizons internes que nous ne connaissions pas avant. Oui, le père saura faire. Et c’est dans se « faire » qu’il pourra « être ». Lui-même. Pas à pas.
Rencontrer son enfant intérieur et renaître soi-même :
Devenir père, c’est également repenser à soi, parfois. À l’enfant qu’on a été. Au souvenir, effectif ou non, de son propre père.
Autant de réminiscences qui viendront conforter ou au contraire fragiliser. Devenir père à l’issue d’une histoire de filiation paternelle heureuse n’implique pas le même travail qu’à l’issue d’une histoire cabossée, mais ce peut-être justement l’occasion de se réconcilier avec elle. Naître à sa paternité peut être un accouchement douloureux, ponctué de questions profondes :
- Quel père, moi, ai-je envie de devenir ?
- Ai-je des modèles positifs de père, qui m’inspirent ?
- Comment vais-je me rendre présent auprès de l’enfant ?
- Quelles sont les valeurs, les qualités, que j’ai envie de lui transmettre ?
Alors … chacun son rythme. Et son éveil.
« Nous ne sommes jamais assez préparé à la surprise que peut apporter un petit être humain. »*
Et c’est tant mieux.
*Françoise Dolto.