Le deuil de la maternité - Fabuleuses Au Foyer
Dans ma tête

Le deuil de la maternité

Hélène Dumont 27 octobre 2017
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Un matin en semaine. Hannah dort. Mon fils aîné attrape son sac à la volée pour partir au lycée. Il y a 17 ans, je l’attendais. J’étais heureuse : j’allais devenir mère pour la première fois. Puis les années ont filé. Trop vite… Par la porte entre-ouverte, j’aperçois le visage poupon et paisible de ma dernière-née.

Je sais qu’une page se tourne : je n’aurai plus d’enfant. Nous n’aurons plus d’enfant.

Une étape importante, pas toujours facile.

Je ne compte plus le nombre de femmes qui auront pu me confier avoir désiré un autre enfant, sans l’accueillir en définitive. Un renoncement qu’il leur aura fallu vivre différemment, chacune avec son tempérament, son histoire personnelle, ses représentations, l’équilibre de leur couple. Un renoncement plus ou moins bien vécu selon s’il découle d’un choix personnel, d’une injonction, ou de l’épreuve de la réalité : celle de l’âge ou de la maladie notamment.

Alors je me souviens …

… de ces grossesses qui m’avaient rendues malade comme un chien, de celles où j’avais pu m’épanouir. La grossesse, période de l’entre-deux qui nous fait passer de fille à mère, et qui laisse parfois un souvenir de bien-être si grand que son évocation même laisse nostalgique.

Je me souviens de ces derniers moments où, ronde et pleine de vie, je brossais les tapis pour accoucher enfin.

Je me souviens de la naissance, de son attente pressante, de la découverte de mes bébés, du bonheur de materner.

Il s’agit de prendre conscience que ce temps ne reviendra pas ; que cette expérience charnelle, sensorielle, physiologique et fusionnelle, qui pouvait faire émerger une perception différente, plus sensible, de soi et du monde, ne sera plus vécu.

Elle renvoie au temps qui passe, à la jeune femme que nous étions et que nous avons peut-être aimée, au corps qui change et qui vieillit …

Elle renvoie au couple balbutiant dans lequel nous voulions croire, qui devenait famille, faisant ses premiers pas dans un bonheur parfois naïf.

Faire le deuil de la grossesse, c’est faire le deuil de tout cela : d’une expérience féminine intime, forte, et d’un temps porteur de promesses.

Nous n’aurons plus d’enfant.

Mais le deuil de la maternité ne se limite pas qu’à celui de la grossesse : c’est aussi accepter de ne plus devenir mère « encore une fois », de ne plus accueillir d’enfant, quand bien même nos bras et notre cœur auraient pu donner encore beaucoup d’amour.

Certaines femmes portent en elles un « nombre idéal » un peu mystérieux, pas forcément rationnel, et qui les comble une fois atteint. Elles savent, à un moment donné de leur vie, que cette période de l’accueil de l’enfant touche à sa fin. Cela ne veut pas dire que ce deuil sera plus facile, moins ambivalent. Peut-être se sentiront-elles « vides », pour reprendre l’une de leurs expressions, mais elles auront l’impression, quoi qu’il en soit, d’avoir porté un projet et d’en avoir accompli une partie. Le deuil de la maternité apparaît comme étant dans l’ordre logique des choses.

Pour d’autres femmes, réaliser qu’elles ne seront plus mère « une fois de plus », surtout quand cela n’était pas envisagé ainsi, est un travail d’acceptation, de résignation, qui les interroge dans leur identité de façon parfois brutale pouvant aller jusque la remise en question identitaire. C’est un peu comme si la femme se sentait amputée de la capacité de donner la vie, tout en y étant confrontée chaque mois, à travers la cycle menstruel.

Seules, ou avec leur compagnon, elles devront revoir leurs projets. Selon les représentations de chacun/es quand à la famille -,nombreuse – et l’énergie psychique investie dans cette forme d’avenir, le deuil sera plus ou moins complexe. Le dialogue, la patience et la douceur sont indispensables dans ces moments-là. Le risque étant de minimiser la tristesse vécue, de ne pas la reconnaître et de la laisser s’ankyloser sous forme de mal-être dont l’origine sera difficile à nommer.

Vers d’autres caps…

Certes, il faudra lui dire « au-revoir », à cet enfant de plus qui ne viendra jamais ; le laisser partir, afin de nous tourner, apaisées, vers d’autres joies.

Le deuil de la maternité nous pousse à investir d’autres espaces, personnels, conjugaux, familiaux, relationnels, professionnels.

Il crée un espace de désir dans lequel se logera une énergie incroyable pour se tourner vers d’autres projets, chacune à son rythme, tout en restant mère auprès de l’enfant qui grandit. Et pourquoi pas en lui donnant envie, à travers notre joie d’être femme et tournée vers l’extérieur, de découvrir le monde au-delà des limites de notre cœur possessif et des tribulations de notre foyer …



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Cet article a été écrit par :
Hélène Dumont

Après avoir suivi un parcours de Lettres et Civilisations, Hélène est devenue professeur des écoles puis conseillère conjugale et familiale. Très attachée aux problématiques de l’articulation du maternel et du féminin, elle travaille aujourd’hui en cabinet libéral au rythme de sa vie de famille : un chouette époux et 6 enfants ! Elle est l'auteure du livre Terre éclose : la sexualité au féminin.
https://www.helene-dumont-ccf.com/

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0 réponse sur “Le deuil de la maternité”

  1. Sousou Mumynet dit :

    Très bel article qui met des mots sur ce que nous ressentons toutes à un moment de sa vie.

  2. Agnes Jallet dit :

    Tres bel article ! La souffrance est essentielle a accepter, mais réjouissez vous d’avoir la chance d’ être MAMAN !
    Il ne faut pas toujours pensez que l’on en voudrait plus mais apprécier déjà ce qui nous a été offert par la vie !

  3. Tibushka dit :

    Après avoir enchaîné plusieurs grossesses, finalement on s’aperçoit que le plus dur n’est pas de mettre les enfants au monde, mais de les élever pendant 18 ans (et +) et que ce n’est que le début. Le deuil de la maternité est vite remplacé par la tâche d’en faire des êtres équilibrés, sains etc. dans ce monde sans pitié. Bravo pour votre blog

  4. mickmarie dit :

    oui, faire le deuil de la maternité est une réalité. Non pas le deuil de ce qui a été seulement, mais surtout de ce qui ne sera plus: ce sentiment excitant et « flippant » d’être habitée, ces mouvements imperceptibles , puis de plus en plus précis dans le sein maternel, la naissance d’un nouvel enfant: ce miracle!tout neuf….si fragile et si extraordinaire. Ce temps d’ouverture et de vulnérabilité intense de la maman ouverte à des ressentis et des réactions instinctives uniques et si propre au début de la vie de maman( on redevient maman à chaque fois!). Se dire que ce temps là ne reviendra plus, que l’on ne le vivra plus de l’intérieur ça travaille les « tripes »…Même si on sait qu’on a eu l’immense chance d’être mère dans son corps et / ou dans son cœur et que c’est un cadeau qu’on garde en soit pour la vie. Il y a une étape de passée, une phase de sa vie ( pas toujours simple, mais merveilleuse) à laquelle on dit au revoir.
    Ce n’est pas une volonté de choquer ou être insensible pour les autres qui n’ont peut être pas eu cette chance que de nommer cela un » deuil ».Il y a des saisons dans la vie, et après chacune d’elle,accepter et lâcher prise pour continuer la route, c’est l’occasion de petits( ou grands) deuil.C’est la Vie: la graine qui ne meurt pas, ne germe pas.

    1. Hélène Dumont dit :

      Bonjour, je découvre votre message, oui, il y a des saisons dans la vie, c’est tout à fait ça, la vie est parsemé de multiples petits deuils et de multiples renaissance ! Bonne continuation!

  5. Anne des Déserts dit :

    Le titre est erroné à mon sens et induit en erreur : il ne s’agit pas ici de faire le deuil de la maternité (puisque la femme qui s’exprime est déjà mère) mais de faire le deuil d’un nouvel enfant… Faire le deuil de la maternité c’est c’est
    ne jamais connaître les galères de la grossesse, ne jamais passer de
    fille à mère, ne jamais tenir un petit bout dans ses bras, petite vie
    qui nous est confiée et devant laquelle on se sentirait intimidée, c’est ressentir que sa féminité ne donne pas
    la vie telle qu’on la souhaite viscéralement depuis toujours. Faire le deuil de la maternité, c’est faire le deuil d’être mère tout court, quel que soit le nombre d’enfants, et non faire le deuil d’un enfant supplémentaire, d’une maternité renouvelée…

    Par respect pour celle qui ont la douleur de ne jamais pouvoir être mère, merci de ne pas confondre…

    1. Merci Anne pour votre remarque. Nous ne souhaitions évidemment blesser personne.

  6. Hélène Reche dit :

    Bonjour, merci pour votre article. Sans vouloir blesser qui que ce soit je vis en ce moment un vrai deuil d’être à nouveau maman. Dans mon cas c’est très difficile car nous avions envisagé d’avoir 2 enfants mon conjoint et moi. Nous avons une petite fille en pleine forme mais nous avançons en âge (43 ans) et je me suis aperçue récemment que monsieur n’a en réalité pas du tout envie de ce 2e. Depuis hier je suis très abattue (surtout que pour moi ce sera difficile d’élever un enfant unique) et je pleure beaucoup. Le pire dans l’histoire c’est que monsieur ne m’a pas dit la vérité et du coup j’ai dû réaliser tout cela toute seule et lui tirer les vers du nez. Bref, j’ai le coeur en miettes. Est ce que ça ira mieux un jour ?

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