Le cancer est un tsunami - Fabuleuses Au Foyer
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Le cancer est un tsunami

cancer du sein
Une Fabuleuse Maman 11 octobre 2022
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Peut-être que je vais parler de toi et de ce cancer qu’on vient de t’annoncer.

Le choc a eu lieu et l’onde de choc se propage dans toutes les directions, à la vitesse d’un cheval au galop. Elle emporte tout sur son passage : ta santé, ton physique, ton mental, ton mode de vie, ton avenir, tes espoirs, ta vie.

On réagit tous différemment, mais ce qui est sûr, c’est que ta vie ne sera plus jamais la même.

Il faut gérer l’image que te renvoie le miroir. 

Les gens qui t’aiment te disent que ce n’est pas vrai, que ce n’est pas grave, que tu es toujours toi, mais autant affronter la vérité : ce n’est pas vrai.

Ce n’est pas qu’ils ne te mentent, enfin, pas sciemment. C’est peut-être qu’ils te regardent avec un peu plus de bienveillance que tu ne le fais et que, ce qu’ils voyaient en toi “avant”, ce n’était pas forcément le sex-symbol mais la personne dans son intégralité. Si bien que ce qu’ils voient maintenant, c’est toujours toi. Et puis ils ne te voient pas toute nue.

Gérer ton image, c’est un gros morceau en particulier pour un cancer du sein.

Qu’on les aime ou pas, nos seins font partie de ce qui nous définit. C’est même probablement ce qui définit le plus une femme. Mauvaise nouvelle, tu vas morfler. 

J’essaie de regarder le bon côté des choses en toutes circonstances, mais côté sein, autant ne pas se voiler la face, ça saigne.

Et puis il y a les traitements.

Les rayons, qui brûlent la peau (mais je ne peux pas trop en parler, je n’ai pas expérimenté). La chimio. Soit tu grossis, soit tu maigris. Avec le cancer du sein, je rencontre plus de femmes qui ont grossi, parfois 15, 20, 25 kilos. La faute aux stéroïdes, qui ouvrent l’appétit et qui font gonfler, la faute aux produits de chimio qui font grossir, la faute à l’angoisse ou au désœuvrement qui te font manger, la faute aux mauvaises habitudes alimentaires que tu prends de plein fouet, puissance 5. La faute à la vie, au cancer, peu importe. 

Enfin, il y a les cheveux, les cils, les sourcils.

Tu as beau avoir fait tout ce que tu pouvais pour ne pas passer pour une malade, tu vas avoir l’air malade. Parce que, tu sais quoi ? Les autres, à qui tu espères ne pas ressembler, ne font pas exprès d’avoir l’air malade. Elles luttent pour leur vie et aussi pour l’image que leur renvoie le miroir. Comme toi.

Ça a l’air vain et superficiel, écrit comme ça : “tu luttes pour ta vie et pour l’image que te renvoie ton miroir”.

On me l’a reproché : concentre-toi sur ta guérison, le reste n’a pas d’importance. 

Pardon, mais si. 

Si, le reste a beaucoup d’importance, parce que, si c’est pour ressembler à un ectoplasme tout le reste de ma vie, je ne suis pas certaine d’avoir très envie de guérir. 

Si, le reste a beaucoup d’importance, parce que mon image, celle que me renvoie le miroir, pas celle d’Instagram cachée sous cinquante filtres, c’est aussi ce qui me définit.

Parce que le jour où tu te regardes dans le miroir et que tu te reconnais à peine, mon pote, tu pleures ta race. Tu pleures jusqu’à la dernière goutte de la dernière larme en te demandant : « Où est-ce que je suis passée ? ». Et tu te dis que tu étais mieux malade, qu’aujourd’hui. Guérie, mais dévastée. Tu te sens un peu comme ces forêts bombardées : les arbres sont toujours là mais ils sont criblés d’éclats d’obus, inutiles. Ou comme ces vastes étendues désertes, lieux de combats dans lesquelles l’homme a laissé des mines partout, et que plus personne n’arpente.

Il y a plusieurs façons de faire avec les coups du sort, mais il y a une chose qu’on ne peut malheureusement pas faire : les changer.

Je ne peux pas changer le fait que j’ai un cancer.

Ni que le traitement m’a physiquement ravagée. Ce que je peux choisir, c’est mon attitude, la façon dont je choisis de me comporter.

Tout ça a l’air simple et évident, mais ça ne l’est pas, évidemment. Il y a quelques chanceuses qui voient spontanément le bon côté des choses. La plupart d’entre nous passent de longs moments au fond du trou à se demander à quoi ça sert tout ça. Est-ce qu’on est vraiment indispensable à notre entourage ? Est-ce que tous ces efforts à faire en valent la peine ? Puisqu’on est sur une pente descendante, pourquoi ne pas se laisser glisser ? Est-ce que notre absence fera une différence, et pour qui ? 

Quelque chose dans notre vie s’est brisé. 

Quelque chose dans notre vie s’est passé et plus rien ne sera comme avant. Non, je ne serai plus jamais celle que j’étais, ce n’est pas la peine de courir après un fantôme, c’est comme courir après ses 20 ans. 

Ça ne veut pas dire que rien ne sera bien, ni beau, ni fantastique. C’est juste un chemin différent que ma vie a pris, un virage, un tournant, une bifurcation, appelle-ça comme tu veux. De ces changements radicaux qui modifient ta vie en profondeur, comme un mariage, des enfants : ta vie de célibataire et ta vie de femme ou d’homme marié/en couple, c’est foncièrement différent, mais pas forcément mieux ou moins bien. Pour le cancer, c’est pareil. Enfin, je suppose.

Ce qui est vraiment naze avec un cancer, c’est cette espèce de décompte qu’on ne peut pas s’empêcher d’évoquer.

La mort a fait irruption dans ta vie et tu ne l’en délogeras plus. Les médias t’annoncent triomphalement que l’espérance de vie à 5 ans atteint aujourd’hui 88% (pour mon cas, 94%). C’est génial. Tout le monde te dit que tu vas “guérir”. Sauf que dans ces chiffres, ce que je vois aussi, c’est : 5 ans. Ce n’est pas 5 ans que j’ai l’intention de survivre au cancer. Ni même dix ans (84%), ni même 15 (75%) !

J’ai juste l’intention de ne pas mourir.

La réalité est assez pourrie, donc.

On peut se cacher la tête dans le sable et refuser de la regarder. On peut baisser les bras et se dire que, de toute façon, on n’y arrivera pas. On peut enfin décider que maintenant qu’on a touché le fond, on va remonter. De toute façon, quoique tu fasses, tu te heurteras aux murs de la réalité.

Je ne veux pas me résigner. La réalité est ce qu’elle est. Ce qui est en mon pouvoir, c’est de recommencer à vivre, même à partir du fond du fond d’un lac de boue. Repartir de zéro, ça veut dire que tout va s’améliorer. Tes cheveux vont repousser. Tu vas retrouver du souffle, tu vas retrouver de l’endurance, tu vas retrouver de l’énergie et de la joie de vivre. Si, si.

Tout ce qui était plus ou moins donné, avant, tu vas devoir aller le chercher et tu vas le gagner.

Et tu vas célébrer ta victoire. Sur le cancer. Sur le destin. 

Ce texte nous a été transmis par Céline de Roany, une fabuleuse maman. Céline est docteure en Droit International et autrice de polars publiés aux Presses de la cité. Elle vit en Australie avec son mari et leurs trois enfants.



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