L’art d’écouter - Fabuleuses Au Foyer
Maman épuisée

L’art d’écouter

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Sandra Aubert 27 novembre 2022
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Dans le cadre de mon travail en lieu d’accueil enfants-parents, je reçois les mamans (parfois les papas) et leurs petits de moins de 6 ans, dans un espace dédié à la rencontre, aux jeux et au partage. En ma qualité d’accueillante, ma principale mission est d’être disponible pour ces familles, attentive à leur bien-être. Avec mes collègues, nous veillons à ce que chacune trouve en nos murs chaleur et bienveillance.

Ce que les mamans recherchent et apprécient tout particulièrement à nos côtés, c’est l’écoute que nous leur offrons. Tel un cadeau, délicat et précieux.  

Rares sont, pour certaines, les espaces où elles trouvent une écoute attentive et authentique.

C’est ainsi que se tissent entre nous des liens invisibles et bienfaisants.

« Parler est un besoin, écouter est un art » disait Goethe.

Un art qui s’enseigne, s’apprend, se perfectionne avec le temps. Qui n’est jamais parfait. Un art, fait pour être partagé, pour sublimer la vie.

Notre mission d’écoute est loin d’être facile. Parfois, on y arrive, parfois on échoue.

Qu’on la pratique chaque jour ou tous les dix ans, dans la sphère privée ou professionnelle de notre vie, c’est une posture qui se travaille indéfiniment.

Combien de fois, croyant aider une amie, nous lui avons prodigué conseils et astuces ?

Pensant bien faire, lui tapant sur l’épaule, nous lui avons affirmé « si ça peut te rassurer, moi aussi ça m’arrive ».

Et nous reprenons la parole à celle qui avait (peut-être pour la première fois) osé s’exprimer, pour parler de nous.

Nous avons toutes vécu cet écueil un jour ou l’autre dans notre vie.

Peut-être l’avons-nous subi et en avons été blessées. Avec ce goût amer dans la bouche de ne s’être sentie ni écoutée, ni comprise.

Être vraiment à l’écoute de l’autre, c’est rechercher l’équilibre subtil, tel le funambule sur son fil, entre la parole et le silence. Sans tomber, sans blesser, sans rompre la magie de l’instant présent.

C’est accepter de se décentrer de soi, de rejoindre l’autre, là où il se trouve.

C’est accepter d’écouter ce qui est dit et ce qui ne l’est pas. C’est devenir familière avec les silences, les pauses, les regards et les gestes qui en disent parfois plus long que les mots.

C’est abandonner ses certitudes et ses croyances.

Renoncer à comparer, à chercher des réponses, à conseiller.

Écouter, c’est être aux côtés de l’autre, ici et maintenant. Le cœur grand ouvert, l’esprit disponible.

En répondant simplement : « Je suis là, je t’écoute ».

On peut dire qu’écouter est un acte de dépouillement, d’humilité, de grande modestie. Écouter l’autre, c’est accepter de devenir l’instrument qui lui permettra de se relier à lui-même, le miroir dont il a besoin pour se regarder en face et se retrouver.

Être vraiment à l’écoute, c’est accueillir l’autre tel qu’il est, sans jugement.

En renonçant à vouloir agir ou penser à sa place, en n’espérant rien de lui, pour lui.

C’est accepter qu’il se livre à nous, vulnérable, imparfait, différent de nous.

Ce qui est particulièrement difficile, c’est de renoncer à chercher pour l’autre des solutions, à le rassurer ou le réconforter. On croit souvent que c’est ce que l’autre attend de nous.

Mais c’est en se mettant réellement en retrait qu’on peut vraiment lui permettre d’aller au bout de son raisonnement, de ses questionnements, de lui-même. Et c’est seulement grâce à cela qu’il pourra cheminer, avancer par lui-même, à son rythme.

Notre rôle consiste alors à lui témoigner notre présence,

à l’assurer de notre place à ses côtés et à lui dire, autant que nécessaire : « Tu as le droit de ressentir cela, de vivre cela. Et quoique tu penses, quoique tu dises, quoique tu fasses, je suis là, à tes côtés. »

Si nous ne sommes pas prêtes à cela, alors ayons l’humilité de le reconnaître et osons dire à notre ami(e) : « Là, je ne suis pas prête à t’écouter. Est-ce qu’on peut en reparler plus tard ? J’ai envie d’être pleinement disponible pour toi. J’ai besoin de me préparer pour t’offrir ce cadeau. »

Reconnaissons aussi les moments où nous avons nous-mêmes besoin d’être écoutée et comprise.

Comme le rappelle souvent Hélène Bonhomme, nous sommes dans les deux camps : celui de celles qui donnent et celui de celles qui reçoivent.

Jonathan Lehmann, dans les Antisèches du bonheur, explique que, selon lui, le but de la vie « est d’apprendre chaque jour à mieux donner et recevoir de l’amour, que ce soit dans notre travail, nos loisirs, nos rapports aux autres. » Il partage ensuite les propos d’Erich Fromm, extraits du livre L’Art d’aimer : « Je ne peux aimer quoi que ce soit sans d’abord connaître ce que je veux aimer. Et je ne peux rien connaître si je ne sais écouter. L’écoute est donc à l’amour ce que le pinceau est à la toile : l’outil sans lequel le tableau ne peut exister. »

L’équipe des Fabuleuses te murmure que, si vraiment l’envie de proposer des solutions te démange, parce que tu sais ce que cette amie traverse dans sa maternité, voici une proposition : sur le moment, ne dis rien, mais plus tard, discrètement, tu peux lui déposer sous le sapin ce livre qu’Hélène Bonhomme a écrit. Elle le lira quand et si elle en a envie, pour y trouver en temps voulu le carburant dont elle a besoin.



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journal Hélène

Cet article a été écrit par :
Sandra Aubert

Après dix années dans le domaine du développement économique et de l'aide à la création d'entreprise, Sandra a créé "Que rayonne ton talent", un parcours d'accompagnement personnalisé pour les femmes qui veulent entreprendre.

Formée à l'écoute, elle est également fée de la boîte mail et membre de l'équipe de l'Aire Mômes, un lieu d'accueil enfants-parents en Alsace. Amoureuse des mots, elle est contributrice sur le blog des Fabuleuses et écrit des audios pour le Village.

Sandra est mariée et maman de 3 enfants. Elle sait par expérience combien la maternité peut être bouleversante !

https://www.querayonnetontalent.com

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