La voilà de nouveau, la montagne ! Derrière nous, la rentrée avec tout ce qu’elle demande en investissement financier, émotionnel et énergétique…et devant nous : encore au moins 9 mois d’école !
En résumé : l’ascension du mont Everest !
Soyons clair, la montagne, ce n’est pas trop mon truc. Parce que j’ai vraiment le vertige. Alors, quand je me trouve au pied d’une montagne, j’essaie de retenir mes larmes et je veux me barrer au plus vite. Et quand je regarde vers les sommets, ce n’est ni la joie, ni la curiosité qui me transportent, je n’anticipe pas la beauté du paysage.
Je me sens apeurée et fatiguée d’avance.
L’année scolaire, c’est un peu ce mont Everest que nous gravissons plus ou moins courageusement toujours et de nouveau. Mais comment tenir le coup ? Comment en tirer le plus possible ? Comment ne pas se décourager à l’avance ?
En suivant l’analogie de la montagne, je me suis demandée comment les randonneurs s’attaquaient à leur montagne.
Après quelques recherches, j’ai donc trouvé pas mal d’infos :
- Ils se préparent comme il faut, ils planifient non seulement les étapes mais aussi leurs pauses.
- Ils connaissent leurs forces et s’adaptent aux circonstances extérieures.
- Ils investissent non seulement dans un matériel de qualité mais se préparent aussi physiquement et psychologiquement.
- Ils savent aussi que l’on peut avoir le mal des montagnes, que l’on peut peiner particulièrement, jusqu’à ne plus avoir le courage et vouloir abandonner.
Et là, je ris, presque parce que l’année scolaire me donne aussi parfois l’envie de tout planter là et de rester sous ma couette ou de prendre la voiture et rouler jusqu’au bout du monde (sur une île déserte ou dans un chalet au milieu de la forêt). Je vous en prie, appelez la belle au bois dormant, c’est mon idole : une princesse qui ne fait que dormir ! Mais bon, on n’est pas dans un conte de fées et si mon mari avait l’idée de me réveiller à 6 heures du matin avec un doux baiser, je risquerais l’infarctus et lui le coup de massue.
Alors, cette année scolaire, notre mont Everest personnel, notre challenge de vie, ce quotidien qui nous lessive…
Comment on s’y prend pour tenir le coup ?
Laissez-moi vous parler des familles d’accueil que j’ai suivies en tant que psy pendant des années. Certaines de leur situation m’ont appris beaucoup sur l’année scolaire, ses hauts, ses bas, ses sous-sols et ses ciels étoilés et sur la capacité des parents à faire face. Commençons par le sujet qui revenait régulièrement : les devoirs !
Certains des enfants pouvaient péter une durite rien qu’à la vue de leur cahier de mathématiques. La fiche remplie de calculs à résoudre devenait un monstre terrifiant en passe de vous avaler tout cru. Certains enfants disparaissaient des après-midis entières pour éviter à tout prix d’y faire face (et mes mamans d’accueil passaient leur vie à chercher le petit Marcel).
Une liste de 15 calculs simples à faire qui garantissait un pétage de plombs. La tâche leur semblait trop difficile, trop longue ou elle leur demandait trop d’efforts. Ça pouvait aussi être prendre une douche, manger des légumes ou encore ranger leur chambre… Peu importe, tout à coup, la montagne leur paraissait trop grande, il y avait trop de chances qu’ils échouent. J’ai bien souvent entendu des parents m’expliquer comment ils avaient appris à «réduire » l’aspect de ces montagnes. Une maman cachait les calculs de maths sous une feuille pour que son fils ne voit qu’un seul calcul à la fois.
« Regarde, celui-là, essaye de le résoudre ! »
Et ce petit garçon trouvait la force, pour un calcul, puis pour le suivant, et celui d’après encore, jusqu’à ce que la monstrueuse liste soit enfin terminée.
J’ai vu d’autres parents apprendre à prioriser drastiquement.
Mon collègue leur disait toujours :
« Choisissez vos batailles, ne perdez pas toute votre énergie dans des domaines qui vous sont moins importants, rassemblez vos forces pour ce qui en vaut la peine à vos yeux ».
Oui, très bien, mais pour ça, il faut se connaître soi, se poser des questions, se recentrer sur ses valeurs. J’ai vu des parents d’accueil donner tout pour que leur enfant s’en sorte bien au niveau scolaire (et j’ai vu les cernes et les cheveux blancs qui venaient avec), j’en ai vu d’autres se jeter à corps perdu pour que leur enfant ait un réseau social bien établi, d’autres encore lui donner peu à peu le goût de la nature…
Dans ce combat, tout y passait : forces, finances et nerfs.
Le fait d’accompagner ces parents mois après mois m’a appris la chose suivante :
« Non, l’année scolaire n’est pas une jolie petite balade en montagne mais bien une conquête personnelle du mont Everest. »
Certains, motivés au possible, sacrifiaient leurs besoins personnels, ils donnaient plus d’énergie qu’ils n’en avaient à disposition et me regardaient alors un jour les yeux plein de larmes en disant : « Je craque, je n’en peux plus ». Je leur demandais : « Tu es dans le rouge là, qu’est-ce qui te permettrait de te retrouver dans ta zone verte, de récupérer des forces ? ». Parfois, avec bienveillance, je remettais leurs priorités en question : « 2 heures de devoirs par jour, durant lesquelles tu as envie d’étrangler ta fille… Es-tu sûre que c’est bon pour votre relation ? Est-ce bien nécessaire ? »
Mais voilà ce que je préférais leur dire par dessus tout :
« Parle-moi d’un moment que tu as aimé passer avec ton/tes enfant(s). »
Peu importe si ces moments étaient planifié ou pas, long ou pas…
Ces moments sont le moteur de notre vie de parent et si j’avais pu donner une loupe à mes parents d’accueil pour qu’ils découvrent tous ces petits et grands moments privilégiés, je l’aurais fait ! Alors, inlassablement, au cours de l’année scolaire, je leur demandais, encore et toujours :
« Parle-moi des choses que tu as faites avec tes enfants et qui étaient agréables, qui t’ont donné une image positive de tes enfants »
« Cherche, parles-en, et recommence, toujours et encore, recrée ces instants, provoque- les, ils sont votre colle forte familiale, votre petit bonheur quotidien, votre carburant personnel ».
Chère Fabuleuse, j’aimerais tant te dire la même chose !
J’aimerais tant que tu puisses m’entendre te le dire, que tu puisses voir mes yeux quand je te parle, que tu sentes un instant que la main que je pose sur ton bras n’est pas là ni pour te juger, ni pour te donner un sentiment de culpabilité mais bien pour t’encourager à faire de même avec tes enfants.
On crie à tue-tête : « J’ai besoin de temps pour moi, j’ai besoin d’être seule ! » Et si on apprenait à aimer les moments passés avec nos enfants ? Si on recherchait de manière vraiment ciblée les moments partagés qui nous ressourcent ?
Peut-être faudra-t-il supprimer l’une ou l’autre activité extra-scolaire de nos programmes. Je t’encourage à balancer ta culpabilité de ne pas leur faire suivre un cours de japonais, des séances de yoga et un cours d’animation informatique et de la remplacer par la redécouverte de la joie de vivre des moments avec tes enfants.
Tu sais, la réussite scolaire, c’est bien mais au fond, c’est tellement peu.
Nos enfants ont besoin d’attention, de temps, d’un amour qui se conjugue en action. Pas en actions à double sens du style « Je fais ça pour ton bien », mais bien en actes simples : s’asseoir près de son enfant pour lire à ses côtés en lui massant le cuir chevelu (5 minutes c’est déjà de l’or), lui refiler un truc à faire dans la cuisine quand on y est aussi (et oui, certains enfants ne demandent que ça), choisir ensemble les fleurs pour le jardin, se mettre à même le sol au milieu des Lego pour construire une maison avec piscine et toboggan (le truc préféré de ma grande fille quand elle était petite), faire des frites en pâte à modeler (ça, c’est Emma qui aimait), masser les pieds de la petite dernière en regardant Peppa pig, chanter sur leur chanson préférée alors qu’on est au volant, perdre au mémory des licornes trois fois de suite, écouter leurs rêves les plus bizarres (en essayant de ne pas trop bailler tout le temps)…
Peut-être vas-tu me dire : « Quoi ? Mais j’ai pas le temps, pas la force, pas la patience, pas envie de faire tout ça… ». Ou encore : « Oui, mais dès que je m’occupe d’eux ils sont pires encore, ils en demandent toujours plus, ils ne sont jamais contents… ».
Vas-y mollo ! Patience !
Sache que le vide crée un manque et qu’au début, on a l’impression que c’est un gouffre sans fond : on se retrouve avec un enfant qui a tellement envie de ce temps de qualité avec toi qu’il devient boulimique, insatiable, et qui te bouffe carrément quand enfin tu lui donnes de ton temps. C’est normal, et ça passe. Quand il remarque que tu prends régulièrement du temps, ce manque va se calmer, et cette panique s’apaiser.
Au début, ça aide d’être très clair :
« Je vais jouer avec toi pendant 15 minutes, je ne ferai que ça mais quand le temps est fini, je dois faire autre chose ». Après, on s’apprivoise, et en faisant cela on s’enrichit. On se transforme en “détective”, on cherche l’activité qui nous fait du bien et qui nous permet de passer du temps agréable avec nos enfants.
On avance petit à petit, à la conquête du mont Everest en étant bienveillante envers nous-même et envers nos équipiers.
Alors, cette année scolaire, ce mont Everest à gravir… est-ce qu’on ne pourrait pas justement essayer de mettre l’un ou l’autre truc de randonneur expérimenté en pratique ?
On se fait un plan avec des petites étapes gérables.
Et on n’oublie pas de planifier des pauses, c’est le BA ba du grimpeur : « Il planifie l’effort et il planifie le repos ». Le grimpeur sait qu’il a besoin d’endurance, de force, alors il cherche comment entretenir ses forces. Il sait ce dont il a besoin et ce qui lui rend la randonnée difficile. Il n’ignore pas qu’il doit prendre soin de son corps pour arriver au bout, mais aussi de son âme.
Tel un randonneur, on trie nos priorités, on déleste notre sac à dos.
Ma thérapeute m’a dit un jour : « Rebecca, j’ai l’impression d’avoir un mulet devant moi qui croule sous les paquets. Pourrais-tu te défaire de certains d’entre eux, plus particulièrement de ceux que les autres mettent sur toi, ou encore de ceux qui ne sont pas importants en réalité ? ».
Et si tu faisais de même ? Être bienveillant envers soi c’est aussi pouvoir se dire : « Ce n’est pas ta responsabilité, tu peux lâcher prise, tu peux poser ce qui est si lourd. » On vide notre sac à dos des choses qui rendent notre marche difficile (et je crois que tu sais ce qui t’encombre, lâche-le, essaye de le poser, que ce soit le « Qu’en dira-t-on » ou le besoin de tout réussir, une touche de perfectionnisme ou l’incapacité à dire non…
Apprends à poser les bagages des autres et à dire : « Attends, ça, ce n’est pas dans mon sac que ça devrait être ! ».
On se montre bienveillant envers soi et on n’oublie pas que le mal de la montagne fait partie du jeu et que nous aussi on a le droit de vouloir tout quitter…
On ne se fait pas de reproches mais on laisse passer cette phase naturelle du processus.
Et c’est tout le bien que je te souhaite, chère Fabuleuse : la force et la douceur pour ton ascension personnelle, la bienveillance et la volonté d’avancer pas à pas, le courage et les ressources te permettant de gravir les sentiers tortueux. Je te souhaite, au milieu d’une semaine difficile, de pouvoir lever les yeux et sourire un peu.
Je te souhaite d’aimer être en route avec tes enfants, avec ton partenaire, mais surtout je te souhaite de tomber amoureuse de ta manière d’être (de tes bottes crottées, de tes mollets fatigués, de ton rire de phoque enrhumé, de tes idées saugrenues,…), de savourer un peu cette vie, cette vue, cette montagne…
Et je te souhaite d’oser la fierté dans cette ascension de ton mont Everest à toi.