Laisser de l’espace au père de ma fille : pas si facile - Fabuleuses Au Foyer
Maman épuisée

Laisser de l’espace au père de ma fille : pas si facile

place du conjoint
Une Fabuleuse Maman 19 février 2023
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La répartition des tâches entre mon Fabuleux et moi n’avait aucune importance à mes yeux.

Tout a changé quand nous sommes passés de deux à… trois ! Après des mois de pouponnage intensif et de fatigue accumulée, on pouvait me voir, touillant mon café les yeux dans le vague, rêver à une vie dans laquelle je serais… un homme.

Oui, à cette époque, je pouvais dresser d’interminables listes pleines de rancœur de…

…tout ce que je m’autoriserais, si j’étais un homme :

faire la sourde oreille la nuit, ne laver que MA cuillère pour remuer mon café quand l’évier débordait de vaisselle sale, oublier doudou, tétine et manteau par – 10 degrés… Décidément, mon homme ne faisait RIEN, le bienheureux. Rien ?

Avant de te raconter ce que la naissance de notre fille nous a fait traverser, je vais t’expliquer pourquoi j’aimais et pourquoi j’aime toujours celui qui partage ma vie. Tu vas comprendre.

Mon Fabuleux est mon exact opposé.

Je suis un brin psychorigide ; il est un poil laxiste. J’aime anticiper, me projeter dans l’avenir, envisager toutes les possibilités et prévoir des parades aux différents aléas de la vie ; sa devise est « carpe diem ». Je suis plutôt cultivée et j’évolue dans un monde d’intellectuels coincés ; il aime me rappeler nos origines populaires, jouer à la « couinche » et boire une bière, affalé dans le transat en oubliant la guerre en Ukraine. Je suis rapide et efficace ; il est calme (si j’étais sûre qu’il ne me lise pas, j’irais jusqu’à dire « lent ») et posé. Je suis sociable, dynamique et enjouée ; il est un peu misanthrope, timide et d’humeur presque toujours égale. Je pourrais continuer cette description pleine d’oppositions pendant des heures. Cependant, l’essentiel est dit :

je l’aime parce qu’il n’est pas moi.

Je l’aime parce qu’il me calme et m’apaise ; je l’aime parce que, parfois, je n’arrive plus à vivre avec moi-même et qu’il m’offre un havre de paix. Néanmoins, c’est cette longue opposition qui a rendu ma maternité et sa paternité si difficiles à apprivoiser.

Lorsque notre fille est née, j’ai fait une hémorragie de la délivrance qui a bien failli me coûter la vie. Les mois passant, je me suis rétablie et, peu à peu, mon besoin de tout contrôler, d’être parfaite, d’assurer, a repris le dessus.

J’étais une « super maman ». Je n’étais que ça, mais je le faisais à fond !

Notre fille n’a jamais eu le temps de pleurer la nuit, car j’accourais au-dessus de son berceau au moindre couinement. Les couches n’ont jamais débordé, car elles étaient changées instantanément. Notre enfant n’a jamais réclamé un biberon ; il était prêt avant qu’elle en ait envie. Je devançais tout désir et tout besoin. Aucun produit n’a jamais manqué dans le sac à langer. Le jour même où elle a manifesté une préférence pour l’un de ses doudous, j’ai commandé 4 peluches identiques « pour le cas où… ». Je lui lisais des histoires, je développais sa motricité, je la couvrais d’affection. Petit à petit, je commençais à développer une certaine rancœur en observant l’inaction de mon Fabuleux.

Alors que je me démenais pour offrir à notre fille une maman hors pair…

…lui ne semblait pas du tout passionné par sa nouvelle identité de père. 

Un jour, lors d’une visite de suivi, le pédiatre m’a dit, mi-figue, mi-raisin : « Celle-là (ma fille), on voit qu’elle n’a jamais été trop perturbée. On doit se plier en quatre pour la satisfaire. » C’était vrai. « Mais pourquoi ce ton piquant ? » m’étais-je demandé à l’époque. Je ne comprenais pas l’avertissement sous-jacent qui m’était adressé. Quand j’ai sombré, je n’ai pas compris non plus.

Et mon Fabuleux, pendant tout ce temps, que faisait-il ?

Rien, comme je le pensais en touillant mon café froid ? Je l’ai découvert et surtout compris il y a quelque temps seulement (notre fille va avoir 3 ans). Figurez-vous qu’il prenait son temps. Il m’a expliqué bien plus tard, une fois que nous avions chacun trouvé notre juste place, que cette période avait été vraiment difficile pour lui et qu’il avait eu besoin de temps. Si vous nous connaissiez, vous sauriez que le temps, c’est le nerf de la guerre chez nous : je n’en ai jamais assez et il a toujours besoin d’en prendre plus. Il avait eu besoin de temps pour « comprendre sa condition de père et accepter notre nouvelle vie ».

Une vie dans laquelle il avait d’abord eu l’impression (à juste titre sans doute) de ne pas exister.

Alors que je lui en voulais de ne rien prendre en charge, lui, de son côté, se demandait ce qu’il pouvait bien faire pour trouver sa place. Devait-il me prendre de vitesse et anticiper plus que moi pour espérer nous satisfaire un peu, le bébé et moi ? « Tu faisais les choses avant même que j’aie eu l’idée de les faire, je n’étais jamais assez rapide », m’a-t-il dit un jour. Lui rêvait d’une paternité où il aurait pu « aviser » en fonction des besoins et de la situation. Il aurait voulu pouvoir partir sans couche de rechange et ne se serait pas inquiété de devoir en acheter sur la route.       

Il a eu besoin de temps

pour gagner en maturité, de temps pour comprendre quel père il voulait être, puis de temps pour comprendre comment me le faire comprendre. Il a commencé à prendre de petites initiatives, s’exposant d’ailleurs parfois à mon courroux (étais-je donc la seule dans cette famille à savoir m’y prendre correctement ?). Puis, voyant que j’étais en train de me brûler à vouloir tout gérer au cordeau, il m’a demandé de lever le pied et m’a fait comprendre que l’imprévu avait aussi parfois du bon.  

Alors que le burn out était en train de m’aspirer sournoisement, mon Fabuleux m’a imposé un terrible moment de lâcher-prise.

Il me l’a imposé ? Aujourd’hui je dirais plutôt qu’il me l’a offert. Que s’est-il passé exactement ? Il a oublié manteau, sucette ET doudou au PIRE moment. Cela aurait pu difficilement être plus grave ! C’était un 25 décembre et nous nous rendions dans ma famille perfectionniste. Après 40 minutes de trajet, devant la porte de ma sœur, je comprends que nous avons oublié les trois objets les plus indispensables à notre fille. Cet oubli allait nécessairement devenir le centre de toutes les discussions : j’allais devoir annoncer à ma mère et à ma sœur, deux femmes parfaites, proches de Bree Van de Kamp, que j’étais partie en plein hiver sans enfiler son manteau à ma fille et sans mettre les objets de toutes les consolations dans le sac à langer, parce que mon Fabuleux devait s’en charger.

Vous ne me croirez peut-être pas (j’ai encore du mal à y croire moi-même), mais la Terre a continué de tourner.

Ma mère est allée chercher un doudou et une sucette de rechange chez elle (il ne faut jamais sous-estimer une famille qui assure) et ma sœur a trouvé un gilet pour remplacer le beau manteau. Le tour était joué et moi, je prenais tout doucement conscience qu’anticiper tout, tout le temps, n’était pas, comme je le croyais, une question de vie ou de mort. 

Aujourd’hui je ris de bon cœur lorsqu’on me rappelle cette histoire, ce qui montre le chemin parcouru.

Si j’ai sombré dans le burn-out, c’est parce que je ne me suis pas accordé la moindre minute loin de ma fille.

Si j’ai sombré, c’est aussi parce que je n’ai pas laissé la moindre place à mon Fabuleux auprès de notre enfant.

En vous racontant tout cela aujourd’hui, je ne cherche ni à m’autoflageller, ni à donner raison ou tort à mon Fabuleux, ni à faire culpabiliser quelque mère que ce soit. Lui, comme toi, comme moi, nous faisons comme nous pouvons avec qui nous sommes. Cependant, le passage par le burn-out n’est pas une obligation, même pour les grandes perfectionnistes, et je te souhaite du fond du cœur de pouvoir réaliser que ton Fabuleux est, lui aussi, apte à prendre soin de votre enfant. Même s’il s’y prend bizarrement, même s’il improvise, même s’il oublie un doudou.

Il va apprendre, et toi, tu vas pouvoir souffler. 

Aujourd’hui, après avoir littéralement coulé, me voici mère, femme et épouse épanouie (mais je ne suis jamais les trois à la fois) ! Mais, soit dit entre nous, il m’arrive encore de m’imaginer tout ce que je m’autoriserais à faire… ou ne PAS faire, si j’étais un homme…

Ce texte nous a été transmis par une fabuleuse maman, Aurore.



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