Ma vie intérieure est un grand huit. Demande à mon mari :
J’ai des hauts très hauts, et des bas très bas !
Il m’arrive souvent de flirter avec le bord de mon “gouffre” (j’ai baptisé ainsi le trou noir émotionnel qui m’aspire régulièrement) — et il m’arrive tout aussi régulièrement de faire des “insomnies de joie” tellement je suis surexcitée.
Certains jours, mes enfants me demandent pourquoi mes fesses dansent toutes seules, et d’autres jours, ils me demandent : « Ça va, maman ? » avec des yeux inquiets.
Tu vois, lors du processus créatif de mon dernier spectacle, j’ai passé des nuits d’angoisse à rôder dans la maison de manière totalement névrosée — et une fois montée sur scène, j’ai vécu certains moments d’extase les plus intenses de ma vie.
Sur mon clavier, je peux faire tonner les graves aussi bien que chatouiller les aigus.
Je suis une drama queen de la déprime — et aussi une castafiore de l’enthousiasme.
Chez les Fabuleuses et notamment dans le Village, on me remercie régulièrement pour mon “pep’s” et “l’énergie” qui se dégage de moi. On me dit souvent que je suis “pétillante”… mais clairement, seul mon Fabuleux et moi connaissons le vrai revers de ma médaille.
Longtemps, je me suis sentie honteuse d’être capable d’une telle excentricité, autant dans l’euphorie que dans le désespoir. Quand j’atteignais des sommets, je me jugeais :
« Menteuse, tu n’es pas vraiment heureuse ! Tu sais très bien que ça ne va pas durer. »
Et quand la tristesse me serrait la gorge, je me désapprouvais :
« Comment peux-tu être aussi maussade, alors que tu prônes à tout va la fabulosité ? »
Longtemps, j’ai voulu aplanir mes sentiers et lisser mes courbes.
Le problème, c’est qu’en cherchant à renier ma vie de funambule, je ne faisais qu’accentuer ma dureté envers moi-même — ce qui, devine quoi ? me rendait toujours plus dure avec les autres, et renforçait mon sentiment de solitude.
Aujourd’hui, j’apprends à me réconcilier avec le fait que c’est justement au cœur de cet improbable mariage de saveurs que se niche mon authenticité. Que c’est précisément dans l’alternance de mes hauts et de mes bas que j’écris mon histoire. Que je n’ai pas besoin de choisir mon camp.
C’est le goût de l’aventure.
C’est la richesse de la vulnérabilité, et c’est tout l’amour qui peut alors se déverser. C’est « la coïncidence de l’abîme et de la cime » dont parle Christiane Singer.
Chère Fabuleuse, ce matin, mes fabuleuses chroniqueuses ont de petites piqûres de rappel pour toi :
- Tu as le droit d’être triste.
« Être heureuse, ce n’est pas éviter la souffrance à tout prix. C’est aussi laisser à ton cœur le droit de ne pas toujours l’être. » - Ta vie émotionnelle n’est pas un capital à faire fructifier.
Tu n’as rien à prouver, et encore moins en termes d’épanouissement personnel. « Se moquer du bonheur, c’est peut-être même la première condition d’une vie heureuse… » - Le bonheur, ce n’est pas du maquillage permanent.
« Ne privons pas notre existence humaine de son rapport fondamental au malheur : on ne peut être heureuse que si, par moments, on ne l’est pas ! » - Il existe des moments de grâce qui vont et viennent.
Nous n’avons d’autre pouvoir que de les accueillir humblement. Et « accueillir cette existence avec ses revers et ses délices, c’est s’exposer aux plus grandes jouissances et aux plus grandes souffrances. »