Mille manières de fêter Noël, mille tranches de vie à croquer, mille paillettes à lancer au firmament ! Cette année, chère Fabuleuse, nous te proposons d’explorer à la manière Fab ces petits symboles et objets emblématiques de la magie de Noël. Retrouve chaque jour sur nos réseaux sociaux la suite des aventures d’Aurélie, maman de Zazar et Louna, Alice, maman d’Axel et Zélie, celles de Soraya, maman de Fanta, qui vient d’accoucher de Noé et celles de Nicole, qui passera Noël toute seule cette année.
1- Le calendrier de l’avent
Lunettes qui glissent sur le nez et liste de course à la main, Aurélie slalome entre les clients du Radimarket. Les aiguilles de sa trotteuse avancent vitesse grand V et elle a réu dans moins de quarante-huit minutes avec Madame Rombiasse, des RH, pour négocier ses jours de congé.
Elle transpire dans son pull mi-laine, mi-acrylique et surtout, elle perd le fil de ses calculs dégressifs :
60 euros de budget cette semaine, moins le papier toilette (hors de prix, c’est plaqué or, ou quoi ?), deux kilos de spaghettis, cinq cents grammes de viande hachée, tant pis elle prend le 15 % de matière grasse, c’est moins cher, la soude caustique pour déboucher les toilettes dans lesquels Zaza a encore jeté le rouleau tout entier…
L’enveloppe fond à vue d’œil, mais Aurélie n’est pas peu fière d’arriver à la caisse avec un compte positif de 25 centimes. Son caddie n’est pas très chargé, les temps sont durs à la maison, mais elle réussit à tenir le budget et tout le monde mange à sa faim.
C’est alors qu’un présentoir haut comme un immeuble attire son regard.
L’île de la Tentation, à côté, est un divertissement pour bisounours. Les calendriers de l’avent. Mais comment a-t-elle pu oublier ? Zazar et Louna les attendent avec presque plus d’impatience que les vrais cadeaux. Un rapide coup d’œil au prix de ces merveilles fait tousser Aurélie : à moins de supprimer la viande, la lessive et la pâte à tartiner, elle n’y arrivera pas. Pourquoi faut-il que la joie soit si chère ? La file devant la caissière avance, elle entend dans sa tête le tic tac de son métronome intérieur. Il faut prendre une décision, maintenant. Alors qu’elle est sur le point de décider qu’il faut bien ce qu’il faut pour que les enfants soient contents, elle entend derrière elle une mamie qui ronchonne :
« Nous, on avait des clémentines et on était bien contents ! ».
Aurélie fait la grimace, ces gens qui ont tout compris ont probablement oublié que face à leurs clémentines, ils rêvaient à la poupée en porcelaine aperçue dans la vitrine de leur grand magasin. Alors tant pis, elle fait un choix. Pas de pâte à tartiner, pas de lessive cette semaine, la montagne de linge n’est plus à une semaine de retard près, et un seul calendrier pour deux. Zazar et Louna ouvriront une fenêtre chacun leur tour. Elle s’attend à vingt-quatre incidents diplomatiques, parce que les deux voudront que ce soit leur tour tous les jours, mais ça vaut mieux qu’une déception qui dure un mois.
Alors qu’elle court ranger dans les rayons ce sur quoi elle fait une croix cette semaine, une idée lumineuse lui colle un sourire immense sur le visage. Elle va leur faire préparer un lot de consolation tellement chouette que ce sera la fête tous les jours, pour chacun de ses petits.
Celui qui n’aura pas le chocolat piochera un petit papier écrit par l’autre à son attention.
La perspective d’installer ses deux enfants sur la table de la cuisine et de leur faire écrire chacun douze compliments sur l’autre fait briller dans les yeux d’Aurélie une pluie d’étoiles. Elle a hâte de découvrir leurs idées cousues de fautes d’orthographe. Pour elle aussi, le calendrier de l’avent sera une fête. Tout un coup, un grand bruit s’élève dans son dos.
2- Sapin durable
Le nez et les mains collées sur la baie vitrée du salon, Axel et Zélie regardent le vent courber les arbres qui poussent devant le chalet.
– Ça serait mieux qu’il neige, soupire Zélie.
Axel hoche la tête.
La magie de Noël n’est décidément pas encore là.
Les petits conifères de l’allée qui mène jusqu’à leur maison sont tristes sous le ciel gris, et les deux enfants poussent un profond soupir. Cette année, pour des raisons de responsabilité éco-environnementale, leurs parents ont décidé de ne pas commettre de sapinocide. Le salon est donc un peu vide, malgré les guirlandes basse consommation qu’ils ont tenu à tendre au-dessus de la grande cheminée, et les décorations en papier crépon recyclé rouge et vert qu’ils ont réalisées à l’école. Alors que le vent se calme, une voix résonne à l’étage :
– Les enfants, prenez donc un peu l’air au lieu de massacrer les carreaux que je viens juste de faire ! Mettez un bonnet et hop, dehors !
Avec un petit froncement de nez, les deux enfants se dirigent vers l’entrée où bonnets, gants et manteaux sont suspendus en ordre. Le bonnet de Zélie tombe au pied de la grosse armoire dans laquelle le matériel de ski est entreposé. En se penchant pour le ramasser, Zélie hume la bonne odeur de cire d’abeille qui s’en dégage, puis elle aperçoit une petite boule de couleur rouge dissimulée derrière le pied du meuble.
– Ma chaussette ! Ça alors, c’est maman qui va être contente, elle qui dit qu’elle ne sait plus quoi faire de toutes nos chaussettes orphelines ! Attends deux secondes, Axel, je vais chercher l’autre dans le panier des chaussettes-toutes-seules.
Peu pressé de sortir affronter la bise hivernale, Axel attend sa sœur, sagement.
Lorsqu’elle émerge du sous-sol, elle tient entre ses bras un gros panier.
– J’ai eu une idée géniale, s’écrie Zélie. On va recycler nos chaussettes qui ne servent à rien. Tu vas voir.
Une heure plus tard, lorsque leur mère sort du chalet, elle découvre, ébahie, un sapin magnifiquement décoré juste devant la maison. Guirlandes blanches, boules multicolores, et même une étoile pailletée plantée sur la cime.
– Tu as vu mam’s, on a décoré un sapin écoresponsable ! s’écrie Zélie, les joues rouges et le bonnet de travers.
– On a fait des nœuds avec les chaussettes blanches, et on a rempli les autres avec des aiguilles de pin pour les rendre bien rondes. Ça fait des super boules ! renchérit Axel. Qu’est-ce que tu en penses ?
– J’en pense… commence leur mère, un peu hésitante, avant de s’apercevoir que l’étoile est constituée de trois branches nouées au milieu et recouvertes de chaussettes irisées. J’en pense que vous êtes vraiment des magiciens !
Débordants de fierté, Axel et Zélie se précipitent sur leur mère pour la couvrir de baisers.
3- Une nouvelle étoile
De grands pas pressés résonnent dans le couloir de la clinique. Soraya tourne la tête sur son oreiller, elle a reconnu la démarche de sa fille qui s’arrête net devant la porte de sa chambre.
– Papa, c’est là !
Tout doucement, la porte s’ouvre et Soraya découvre le visage de son aînée qui lui semble tellement grande, tout à coup, comparée au minuscule bébé qui dort sur sa poitrine. Son bonnet Kipsta bien enfoncé sur les oreilles, Fanta entre sur la pointe des pieds.
Le cœur de Soraya se serre un peu : accoucher à quelques jours de Noël n’était pas le plan prévu.
L’arrivée de Noé avec cinq semaines d’avance la prive de cette douce effervescence qui saisit la maisonnée lorsque Noël approche, mais on ne prévoit pas ces choses-là. Heureusement Noé va bien et c’est tout ce qui compte.
– Hello chérie, quelle joie que vous soyez venus me voir !
– En vrai, on vient voir Noé aussi, corrige Fanta, qui se penche sur son petit frère avec curiosité. Qu’est ce qu’il est petit ! On dirait, genre, un faux.
Soraya sourit. C’est vrai que Noé, avec sa peau nacrée et ses sourcils transparents, ressemble à un poupon en celluloïd.
Mais il est bien vivant, et Soraya se remplit de chaque bruit, chaque mouvement.
Sa petite vie est un cadeau précieux pour elle et pour sa famille, surtout après les deux fausses couches qui l’avaient laissée si meurtrie avant que Noé ne décide de s’accrocher. Lorsque son mari entre dans la chambre à son tour, Soraya remarque immédiatement le gros sac qu’il cache dans son dos.
– Qu’est-ce que tu m’as apporté ? demande-t-elle après l’avoir embrassé.
– De quoi décorer un peu cette chambre tristounette ! C’est Noël bientôt, quand même.
Aussitôt, Fanta se désintéresse du nourrisson et tire du sac guirlandes et lutins qu’elle dispose autour du lit, sur la table où Soraya prend ses repas et même sur la porte qui donne dans la salle de douche. À quatorze ans passés, elle aime toujours autant Noël.
Enfin, elle sort quatre étoiles qu’elle colle côte à côte sur le mur qui fait face à Soraya.
– Et voilà ! On n’a pas pu prendre de sapin, mais c’est pas grave. Sur le mur, c’est stylé aussi. Quatre étoiles, comme Noé, moi et les deux bébés. En vrai, ça fait longtemps que je leur ai trouvé un prénom. Sekou et Aya. Vous en dites quoi ?
4- Illuminations sans prix
– Zazar, Louna, par ici les chatons ! s’égosille Aurélie.
La température est glaciale et de petits nuages de condensation lui sortent par la bouche. Ses deux enfants ont les joues cramoisies et le bout du nez vermillon. Ils courent dans tous les sens à travers le marché de Noël et Aurélie n’a qu’une peur, c’est de les perdre dans la foule. Il est quatre heures et demie et elle a pris sa demi-journée pour se trouver ici, maintenant, alors que le jour tombe. Les quinze kilomètres qui la séparent de Colmar et l’essence brûlée sont largement amortis, parce que rien ne vaut l’expression émerveillée de ses enfants à l’instant où toutes les lumières de la ville s’allument.
Aurélie sent au creux de son ventre cette excitation enfantine qui lui donne chaque année le courage nécessaire pour affronter Madame Rombiasse et arracher avec les dents cette demi-journée de RTT. Ses petits ne vont pas en revenir.
C’est chaque année comme s’ils avaient oublié l’émerveillement de l’année précédente,
et Aurélie songe qu’elle aussi, elle aurait bien besoin de faire des remises à zéro régulièrement, pour effacer les mauvais souvenirs et savoir se réjouir plusieurs fois des mêmes choses. Le bonheur, il faut capitaliser dessus. L’odeur des gaufres et du vin chaud flotte entre les chalets du marché, les haut-parleurs fixés sur les pignons diffusent des torrents de musique à grelots et l’étoile du berger scintille tant qu’elle peut dans le ciel indigo avant d’être éclipsée par…
– Oooooooohhhhhhhhh, s’époumonent tous les enfants du marché lorsque l’éclairage municipal s’enclenche. Par enchantement, les façades des maisons se mettent à scintiller, des cascades lumineuses éclaboussent les visages, les trottoirs ondulent et les carreaux des fenêtres étincellent. Le cœur d’Aurélie bondit dans sa poitrine, elle se fiche des dais lumineux, des paillettes et des leds, elle ne voit que les deux bouches ouvertes de ses petits et leurs yeux qui papillottent.
– C’est tellement « magifique », soupire Louna. Est-ce que ça t’a coûté cher, maman ?
– Même pas, chérie, murmure Aurélie, les larmes aux yeux. La beauté, on peut la toucher même quand on n’a pas beaucoup de sous.
5- La liste de tes envies
De quoi peut-on avoir envie, quand on a déjà tout ?
se demande Alice, les yeux dans le vague par-dessus sa tasse de café. Voilà un problème que ne se posent jamais Axel et Zélie dont l’imagination dopée par les catalogues de jouets n’a aucune limite. Alice sourit en regardant les listes de ses enfants étalées sur le plan de travail en marbre de la cuisine.
Coupures de catalogue collées de travers sur des feuilles blanches volées dans l’imprimante, listes manuscrites truffées de trouvailles orthographiques, pages web de sites marchands imprimées et couvertes de cercles dessinés au feutre, Zélie et Axel semblent ne pas prendre une seconde en question la question de leur empreinte carbone. Attendrie autant qu’agacée, Alice soupire et contourne les tabourets du bar pour aller s’asseoir dans le profond canapé qui fait face à la cheminée. Une bonne flambée répand sur le tapis de laine une lumière chaleureuse. Dehors, de lourds nuages argentés traînent dans le ciel, prêts à répandre leurs flocons sur les pentes de Megève. Elle les regarde passer à travers la baie vitrée sur laquelle elle a accepté de laisser ses enfants dessiner des flocons au pochoir avec du blanc de Meudon.
Les bûches crépitent tranquillement tandis qu’elle inspire les effluves de son café.
Sur la table basse, elle remarque un stylo qui traîne. Tiens, puisqu’elle dit qu’elle a déjà tout et n’a envie de rien pour ce nouveau Noël, elle va s’amuser à lister tous les cadeaux qu’elle a déjà. Il lui suffit de retourner la liste de sa fille pour pouvoir y écrire :
– le confort matériel sur tous les plans
– deux enfants joyeux et en bonne santé
– la santé de mes parents, celle de mon compagnon et la mienne
– un jour par semaine rien que pour moi, sans aucune contrainte
– l’amour de mon compagnon
Que demander de plus, vraiment ?
Elle a tellement de bonheur à portée de main qu’elle se sent rassasiée avant même de se mettre à table. Et pourtant, elle ne peut pas se départir de cette mélancolie lancinante qui se réveille dès qu’il s’agit de mettre le doigt sur ses désirs, alors qu’elle refuse avec énergie de tomber dans le cliché de la pauvre petite fille riche. Alors, prenons le taureau par les cornes. Que veut-elle… de plus ?
– Plus de joies partagées en famille. Donc une meilleure coordination entre mes disponibilités et celles de mon compagnon pour faire des choses tous les quatre
– Plus de contacts avec ma sœur, qui habite si loin.
– Plus de sens dans ce temps libre dont, finalement, je ne sais pas trop quoi faire. Trouver quelqu’un qui a besoin de mon temps.
C’est avec un grand sourire qu’Alice repose son stylo. Elle sent que quelque chose de positif frémit quelque part en elle. À nous deux, mélancolie !