Voilà ce que je me suis entendu répondre à la question (un peu trop fréquente à mon goût…) :
– Alors, ce déménagement, ça avance ?
– Je suis dans les cartons.
Et pourtant je ne rentre dans aucun d’eux, même en me tassant !
Cependant, c’est vrai : c’est bien moi que j’essaie d’empaqueter, ou plutôt, quelque chose de moi. Peut-être expérimentes-tu cela, chère Fabuleuse qui déménages ou as déménagé, que tu l’aies choisi ou pas, que ce soit par obligation ou par plaisir. Quand tu fais les cartons, tu fais le bilan de ce que tu possèdes : c’est un peu comme si tu rembobinais le film de ta vie. Ton histoire dans ce lieu est portée par des objets qui t’appartiennent et te rappellent des souvenirs ou des personnes.
Pour moi c’est :
- ce tableau choisi avec mon Fabuleux et qui avait toute sa place sur ce grand mur du salon
- ces assiettes à dessert moches, mais qui viennent de chez ma grand-mère chérie (trop d’affect : impossible de s’en séparer !)
- ces BD de Garfield datant de l’époque où je me poilais en les lisant
- ce jeu de société qui me rappelle de bonnes soirées avec les amis et les engueulades entre mes enfants quand celui qui n’aime pas perdre se rendait compte qu’il ne serait pas premier
- ces photos des vacances d’il y a cinq ans avec les cousins et qui, même si elles se cassent la figure du pêle-mêle et sont archis-périmées, me donnent toujours la pêche !
Et j’en passe…
Ma maison est remplie de ma vie et je mets ma vie en carton…
pour mieux la retrouver, pour me rassurer, pour me retrouver. Je vais avoir besoin de tous ces objets pour me sentir à nouveau chez moi dans ce logement qui m’attend, dans ce nouveau quartier, dans cette nouvelle vie. Au cœur de l’impermanence inhérente au déménagement, il nous faut de la permanence. Ces objets offrent un tuilage entre deux lieux, une sécurité, un rappel que ce nouveau lieu, c’est bien chez toi.
Pour ma part, je déménage pour suivre mon Fabuleux dans son travail.
Et toi, pourquoi déménages-tu ? C’est peut-être :
- pour avoir plus de place car la famille s’agrandit
- pour payer un plus petit loyer car le budget se rétrécit
- pour te trouver un nouveau nid d’où tu pourras reconstruire un cocon après une séparation
- pour te rapprocher de ton travail car les trajets devenaient trop chronophages et fatigants
- pour te rapprocher de ta famille, pour retrouver tes racines et peut-être la présence de tes proches
- pour assouvir ton besoin de voir du pays
- pour suivre ton Fabuleux qui est muté
Déménager, ce n’est pas que conserver et sacraliser tous les objets qui t’entourent, c’est aussi faire un tri dans ta vie :
as-tu besoin de garder cette dizaine de chargeurs que tu ne sais plus relier à leurs appareils (on ne sait jamais…) ? De ce souvenir de voyage un peu bancal, un peu cassé ( je pense me concernant à cette statuette ébréchée rapportée du Maroc, un super voyage avec mon Fabuleux) ?
Toi, comme moi, sommes obligées de prendre conscience de ce qui est important pour nous et de ce qui ne l’ai pas, de ce qui, au fil des années et des usages, s’est petit à petit vidé de son sens et de sa valeur.
De quoi as-tu vraiment besoin pour être heureuse ?
Qu’est-ce qui est indispensable pour calmer ton angoisse d’arriver en terre inconnue ?
Cette chère Marie Kondo pourrait sûrement m’aider… car, mon Dieu, que j’ai du mal à me séparer des choses, que j’ai peur de me retrouver à poil, juste avec moi ! Car l’enjeu est un peu là : se retrouver seule avec soi, sans objets doudous pour faire rempart.
J’ai la chance d’avoir mon Fabuleux et mes enfants : je suis donc accompagnée. Mais quelque part, je suis seule avec moi. Je quitte des amis, une maison, des habitudes, des couleurs, des odeurs, des bruits.
Et toi, chère Fabuleuse qui déménages, que gardes-tu, qu’emportes-tu ?
Si tu pars dans un plus petit logement, il faudra sans doute jeter ou donner.
Si tu te sépares du papa de ton enfant, peut-être que le tri des objets réveillera des émotions. Le deuil d’une relation est aussi le deuil des projets communs que te rappellent certains objets.
Tout ceci te rappelle aussi que ta maison est un peu une extension de ton corps, un lieu où tu te sens bien, où tu peux être toi-même, un lieu que tu habites de ta présence et de tes objets. C’est précisément ce lieu que tu vas quitter, pour le reconstruire ailleurs.
La bonne nouvelle, c’est que nous sommes des êtres d’habitude, mais aussi des êtres d’adaptation.
Par exemple, je suis une femme d’habitude car :
– j’aime faire mes courses pas trop loin de chez moi et dans le même supermarché, et je me réjouis quand je connais l’hôtesse de caisse
– j’aime aller prendre un café chez « Casa Sudette » où je choisis toujours la même table avec mon Fabuleux
– j’aime au printemps emprunter cette petite rue car il y a un jasmin qui sent bon
– j’aime boire mon thé toujours dans la même tasse (ma tasse à moi parce que j’aime l’épaisseur de son bord où je pose mes lèvres)
– j’aime mettre mes vieilles tongs « effet python » dès qu’il fait chaud et j’aime porter des boucles d’oreilles
Je suis une femme d’habitude et d’adaptation car je sais que là où j’irai vivre, je retrouverai ma tasse, mes vieilles tongs et mes boucles d’oreilles. Je sais aussi que :
– je me trouverai un supermarché pas trop loin où aller faire mes courses et que je finirai bien par retrouver une hôtesse de caisse à qui sourire
– avec mon Fabuleux nous essaierons de nous trouver une table bien à nous dans un café sympa au soleil en hiver et à l’ombre en été
– là où nous allons, il y aura peut-être une rue qui sentira bon…
Toi qui déménages, tu sais que cette démarche va te demander de l’énergie, de l’adaptation, de l’attention aux réactions de ton ou tes enfants.
Et si tu choisissais de faire confiance, de te faire confiance ?
Tu devras forcément t’adapter, mais peut-être trouveras-tu :
– des voisins accueillants,
– une maîtresse compréhensive et calme dans la nouvelle classe de ton enfant
– un nouveau médecin qui trouvera des solutions pour que ton bébé dorme enfin
– du pain hyper bon à la nouvelle boulangerie
– une fille spécialement sympa dans le service où tu es mutée
– une salle de sport avec encore de la place pour toi
– un coucher de soleil magnifique chaque soir de la fenêtre de ta cuisine,
– ….
J’appelle ça les petits cadeaux de la vie. Il y en a toujours, quand on y est attentif.
À toi, mon amie de cartons, je te souhaite de savoir trouver du beau, du bon et peut-être même du meilleur dans cette nouvelle page que tu vas écrire dans le livre de ta vie.
Fais-toi confiance !