Je souris en repensant à ces années - Fabuleuses Au Foyer
Maman épuisée

Je souris en repensant à ces années

Marie Chetrit 13 mars 2022
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bip-bip-bip, il est 7 heures 15. J’éteins mon réveil. Je me lève, je vais à la cuisine préparer mon café. Tout est calme, le frigo ronronne. Je jette un œil dans la chambre des garçons : ça roupille encore. Je peux m’asseoir avec mon café, ouvrir le mail du matin des Fabuleuses au Foyer qui est arrivé, comme tous les matins ou presque depuis 4 ans, et le lire tranquillement.

Déjà, 4 ans. Que le temps a passé. Où en étais-je il y a 4 ans ? 

Bip-bip-bip, il est 5 heures 45. J’éteins mon réveil. Je me lève tout doucement en faisant le moins de bruit possible. Tout est calme, mais… j’entends des petits soupirs. Il faut que je me dépêche. Vite, je prépare mon café et je retourne à pas de loups à la table du salon, et j’ouvre mon carnet pour prendre quelques notes et écrire un peu tout ce que la maternité fait remonter en moi. Il faut absolument que je le fasse maintenant, que je profite à fond de ces quelques minutes de répit dans ma journée. 

6 heures 04.

Tiens, le mail d’Hélène n’est pas encore arrivé.

Elle est un peu en retard ce matin, une petite panne d’oreiller ? 6 heures 07. Ah, le voici ! Je clique sur la petite enveloppe. Qu’est-ce qu’elle nous raconte aujourd’hui ? Je m’apprête à lire, mais…

“Mamaaaaaaaaaaaan ! Mon laaaaaait ! “ Lapin crie à pleins poumons, fin de la récréation. J’ai eu de la chance aujourd’hui, il ne s’est pas réveillé trop tôt. Je me dépêche de préparer le biberon, qu’il soit ni trop chaud, ni trop tiède, et je me hâte vers la chambre. Les couinements de Lapin ont réveillé Chaton, qui commence à jouer. 

Il va falloir changer la couche, préparer le petit déjeuner, les séparer car ils se disputent, les habiller, trouver le temps de prendre ma douche. J’aurais dû me doucher avant de les lever, maintenant ça va être un carnage. Bon, tant pis, je tente le coup. Je file sous l’eau en laissant la porte ouverte pour garder une oreille sur eux. Vite vite vite.

Pendant ce temps, les engrenages se mettent en place dans mon cerveau.

Est-ce que j’ai pensé à ramener un change pour la crèche ? Il n’y avait pas une sortie des maternelles aujourd’hui ? C’est quand la réunion parents-profs de Poupette, déjà ? Je dois avancer sur ma présentation au boulot. La nouvelle étudiante arrive la semaine prochaine. J’ai mes règles dans trois jours et je n’ai plus de serviettes hygiéniques.

J’éteins l’eau chaude et me sèche, et les hurlements des petits me pressent de quitter le cocon tiède de la douche. La fin de ma tasse de café a refroidi. Rien n’est pire que le café froid, je trouve.

En culotte et débardeur, je commence à ramasser les jouets, doudous, couvertures que les petits ont parsemés partout. Tant pis, je me maquillerai une autre fois. Je dois programmer une lessive et vider le lave-vaisselle, Poupette me dit « bonne journée maman ! » et me rappelle que je dois passer la chercher au collège ce soir.

Une petite case de plus cochée sur cette liste, qui n’est composée que de petits gestes d’amour.

Des petits gestes si prenants qu’ils grignotent mes journées, comme une armée de minuscules fourmis voraces. Qu’est-ce que j’aimerais les écraser sous mon talon, parfois, les ignorer carrément, faire avec eux comme mes enfants font souvent avec mes demandes : ne pas les entendre, ni les voir. 

Encore quelques années plus tôt, je me souviens…

Je n’ai pas besoin de réveil. Je ne dors presque jamais.

Mon bébé hurle sans arrêt dans mes bras. Il hurle, il hurle, sans cesse. Il hurle car il a mal au ventre, il hurle car il a faim, il hurle car son estomac le brûle, il hurle car il ne trouve pas le sommeil, il hurle et je ne comprends pas pourquoi. Il se tord dans mes bras et je ne sais pas quoi faire pour le calmer, j’ai déjà tout essayé et rien ne marche.

Pourtant, c’est mon troisième. Je devrais savoir quoi faire.

Mais ce qui marchait avec les autres ne fonctionne pas avec lui. Ce qui fonctionnait hier ne marche pas aujourd’hui. Je le tourne dans un sens, dans l’autre, je l’incline, je le redresse contre mon épaule, je le berce en chantonnant, je tapote sa couche. Je ne comprends pas ce qu’il veut me dire avec ses pleurs, j’en ai marre et je veux que ça s’arrête. Il est deux heures du matin, j’ai froid et je grelotte pieds nus sur le carrelage, habillée d’un slip. Je réveille mon mari et lui refile le bébé, et je lui dis “Essaye, toi.”

Dans ces moments, je regrette presque de m’être encore laissée attirer par les sirènes de la maternité. Je ne le regrette pas lui, mon bébé, bien sûr, il est une merveille absolue avec ses doigts minuscules et son petit crâne au parfum de lait, mais je regrette l’insouciance, la légèreté, les nuits ininterrompues.

Jamais je ne survivrai à ça, je vais me dessécher sur pied de fatigue, mon couple va se transformer en colocation, on ne fera plus jamais l’amour sauf une fois de temps en temps pour sauver les apparences, être parents nous a détruits.

Je souris en repensant à ces années. 

Le temps passé a atténué l’aprêté, l’angoisse, la solitude et l’impuissance que j’ai pu ressentir lors de ces premières années de vie de mes enfants.

Soit-disant les plus belles, tu parles… les plus dures surtout.

Oui, recevoir le premier regard d’un nouveau-né, le premier sourire d’un bébé, les premiers petits bras autour du cou, cela n’a pas de prix. Mais si on retient ces instants précieux, on oublie assez souvent à quel point il est ingrat de s’occuper d’un jeune enfant. On oublie souvent, car oublier la pénibilité, la douleur, la fatigue, est une faculté essentielle pour surmonter une épreuve. Ne garder que le bon de nos vies – quand on est de nature optimiste, du moins – est une question de survie.

7h30. Je finis mon café, et ma lecture.

J’ouvre doucement la porte de la chambre des enfants et les réveille en leur caressant la tête. Ils s’étirent comme des chats, les yeux clos. Ils vont s’habiller à peu près tout seuls, venir prendre leur petit-déjeuner à peu près quand je le leur dis, et aller se brosser les dents à peu près de bonne volonté. J’ai le temps d’aller prendre ma douche en toute quiétude, et même de me maquiller un peu. Nous serons prêts à partir à l’école à peu près à l’heure habituelle, et même si je dois dire plusieurs fois « Allez, on se dépêche, il faut y aller !” ça n’aura rien à voir avec ce que je vivais il y a quelques années, quand tout prenait le triple de temps et qu’un réveil à l’aube était requis pour espérer amener tout le monde à l’heure.

Je souris en repensant à une de mes jeunes collègues, devenue maman depuis peu. Récemment, elle m’a dit : « Je me souviens que quand tu arrivais au travail le matin, et que tu me disais que tu étais déjà fatiguée de ce que tu avais fait, je ne comprenais pas comment tu te débrouillais. Maintenant je comprends. »

Eh bien aujourd’hui, c’est sans doute toi, chère Fabuleuse, qui ne me comprends pas quand je te dis : ça va passer. Le temps peut beaucoup de choses, parmi lesquelles te rendre la vie plus douce. Alors crois-moi : même si tu démarres ta journée avec un emploi du temps millimétré…

… un jour, tu pourras de nouveau boire ton café chaud, assise calmement, seule avec toi-même.



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Cet article a été écrit par :
Marie Chetrit

Scientifique de formation et de profession mais littéraire de cœur, Marie Chetrit partage sur son blog de petits textes sur les moments rigolos ou exaspérants de sa vie familiale. Elle et son fabuleux époux ont chacun un grand d’une première union et deux petits diablotins ensemble.
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