Je pense tout le temps, ça tourne dans ma tête… le jour, la nuit, je n’arrête pas les pensées.
Comment lâcher prise ?
Une de mes propositions consiste à passer de la tête au corps.
Ou plutôt, car la tête est une partie du corps, du pensé au senti.
C’est Laurène, qui déménage dans 8 jours et qui ne sait toujours pas où elle va habiter dans le pays de destination, au bout du rouleau, à qui je recommande de tout arrêter, de se ficher la paix pour ce soir et de se masser le ventre, concentrée sur ses sensations, jusqu’à s’endormir.
C’est Juliette, qui vient de subir une grosse déconvenue professionnelle, et qui se sent à terre, découragée, nulle, à qui je recommande d’initier un dialogue avec la boule qu’elle a dans le ventre, et d’écouter ce qu’elle a à dire.
Elles sont dubitatives ou étonnées, elles se demandent ce que cela va changer.
Elles préféreraient n’avoir pas de corps. Cela éviterait à Laurène cette immense fatigue, qui la fait fondre en larmes, qui l’empêche de se concentrer alors qu’il faut absolument qu’elle avance ! Cela offrirait à Juliette d’étouffer enfin la douleur qu’elle sent dans son dos, et la lourde boule qui lui serre le ventre.
Elles trouvent difficile de se concentrer sur l’objet de leur colère ou de leur déception.
« Mon corps devrait fonctionner ! »
et ont tendance à se comporter comme si elles étaient en pleine possession de leurs moyens.
Laurène en ignorant sa fatigue, cherchant une maison jusqu’à 2h du matin, crispée sur son écran. Juliette en continuant à travailler, en se nourrissant de pensées angoissées quant à son avenir professionnel.
J’essaie de trouver pour chacune ce qui va leur permettre de se reconnecter à leur corps, d’habiter leur corps. En sentant.
La première étape leur donne du fil à retordre :
« J’ai essayé de me demander plus souvent de quoi j’ai besoin ? De quoi j’ai envie ? Mais je ne suis pas satisfaite du résultat. Même quand la réponse était évidente (aller s’asseoir, aller se reposer) je n’avais pas forcément envie de la prendre en compte ou de l’écouter » me dit Victoire.
Juliette m’écrit :
« Si je devais mourir demain, je serais soulagée de ne plus m’inquiéter pour mes douleurs de dos. Je laisserais tomber, enfin ».
Qu’est-ce qui empêche les unes et les autres d’écouter leur corps ?
Et si c’était la raison d’être des douleurs du corps ? Si elles étaient le signe d’émotions non exprimées, de conflits inconscients, que la conscience ne veut pas voir ?
Ce que je propose aux femmes que j’accompagne, c’est de répondre à cette question chacune par l’expérience.
En agissant comme si leur corps était une réponse à leurs questionnements. Comme si leurs douleurs étaient autant de messages à entendre pour rétablir un équilibre perturbé par des émotions intenses.
Je pense à Patricia, qui va mal. Elle est débordée par son travail, qui ne lui apporte que peu de satisfaction, et où elle se retrouve à devoir assurer le travail de ses collègues qui sont en vacances. Elle se démène pour organiser les activités sportives de ses enfants, les vacances en famille et le tri des vêtements trop petits, sans oublier les fournitures scolaires pour septembre. Patricia me dit qu’elle a mal partout, particulièrement au dos, aux épaules et aux pieds.
Elle commence la séance en me disant :
« rien n’avance, je n’en peux plus ».
En essayant de faire parler ses douleurs, Patricia admet que ses douleurs aux pieds viennent peut-être lui parler de ce sentiment de privation de liberté qui l’habite, enfermée qu’elle est dans les contraintes logistiques sur le plan familial, et dans ce boulot où elle ne se sent pas à sa place, et où elle ne peut se faire entendre.
Ses pieds douloureux seraient un reflet de sa sensation vécue de « ne pas avancer ».
Mais ils seraient le signe urgent de prêter attention à cette émotion. Il ne s’agit pas de se dire « oui ok je comprends le message » et de continuer à vivre de la même façon. Il s’agit de s’appuyer sur ce message pour comprendre là où elle ne se respecte pas, et réagir en fonction.
Patricia comprend qu’en vivant plus souvent dans son corps, elle peut éviter ces accidents de santé, très couteux en énergie. Elle me raconte :
« Un jour j’ai voulu essayer la méditation, même si je n’y comprends rien. J’ai suivi un exercice sur internet pendant 10 mn, et c’est vrai qu’ensuite je me sentais mieux. Je ne l’ai jamais refait, je ne suis pas sure que ce soit mon truc. ».
Ce qui a fait du bien à Patricia, c’est que pendant cet exercice, non seulement le tourbillon habituel de ses pensées s’est calmé pour se concentrer sur une seule pensée – visiter son corps au fur et à mesure – mais ensuite elle a été obligée de sentir ce qui se passait dans son corps.
Et plus elle sent ce qui se passe dans son corps, plus il va lui sembler naturel de répondre.
Une tension dans le dos ?
Je m’étire, ou je m’assois, ou encore je masse la tension. Je lâche prise, c’est-à dire dans ce cas, je délaisse l’action dans laquelle j’étais engagée pour écouter et répondre à mon corps. En faisant cela, Patricia libère la tension avant qu’elle n’empire et ne devienne, dans plusieurs semaines, une crispation invalidante.
En faisant cela, elle agit aussi sur une forme de rééquilibration : elle remet du « sentir » dans la balance qui ployait sous « l’agir » et mille pensées tournoyantes.
Or le passage à l’action ne devrait-il pas venir en conséquence de ce monde du « ressenti » en nous, celui qui contient nos valeurs, nos convictions, nos intuitions les plus intimes ? Et si c’était cela, que permet le fait de se mettre à l’écoute de son corps ?