Je me souviens encore de ces idées noires qui me traversaient…
Je me souviens de ces moments où j’étais à mon volant et où je commençais à élaborer mentalement la manière dont je pourrais m’envoyer dans le décor, sans créer d’accident, parce que personne d’autre que moi ne méritait de voir sa vie s’arrêter brutalement. Je voulais m’enfuir et, si possible, définitivement.
C’était il y a plus de 10 ans. Je sais que ces lignes pourront surprendre les gens qui me connaissent, en particulier ceux qui me connaissaient à l’époque, parce que je n’en ai jamais vraiment parlé, à part à mon mari, et encore. J’avais pourtant une vie stable, un job qui me plaisait beaucoup, un petit garçon merveilleux, un Fabuleux à mes côtés – même s’il l’est encore plus aujourd’hui – et d’autres choses encore qui, “en principe”, auraient dû me garder la tête hors de l’eau.
Mais ce dont je n’avais pas conscience à cette période, c’est la pression que je me mettais pour assurer sur tous les plans, toute perfectionniste que j’étais, c’est le besoin de me prouver que je valais quelque chose, sans jamais en être convaincue, c’est l’absurdité de me faire passer toujours après tout le monde sans prendre soin de moi. Je ne me sentais pas autorisée à dire stop, à souffler.
Je devais pouvoir tout gérer de front.
Les Fabuleuses au foyer n’existaient pas… et je ne réalisais même pas – ou ne voulais pas admettre – que j’avais besoin d’aide et que je pouvais la trouver quelque part. Une des choses que j’ai apprises depuis, c’est qu’on est rarement réellement seul. L’isolement que l’on ressent en tant que maman, on l’a souvent bâti soi-même sans le vouloir, en n’osant pas faire appel à ceux qui sont autour de nous. Il y a toutes sortes de raisons à cela, trouvant leur source dans l’enfance notamment, et qui ont forgé des fausses croyances bien enracinées.
Je remarque aujourd’hui qu’un sourire est bien plus contagieux qu’une mine défaite et qu’une main tendue est bien plus souvent acceptée que rejetée. Mais si personne ne fait le premier pas, chacun reste dans son coin, persuadé que le monde entier va le juger pour ses faiblesses.
Qu’est-ce qui fait que je suis encore en vie aujourd’hui ?
Comment ai-je traversé ce qui, avec le recul, ressemblait fort à un burn-out professionnel et maternel (eh oui, les deux, mon général !) ? Pourquoi n’ai-je pas donné ce coup de volant qui aurait mis un point final à toutes mes luttes intérieures ? Et puis, pourquoi j’en parle aujourd’hui ?
Récemment, à l’occasion d’un passage en Suisse pour une conférence avec les Fabuleuses, nous avons appris qu’un site magnifique était aussi le théâtre de drames terribles. Cette falaise, qui offre un point de vue imprenable, est connue pour les suicides dont elle est le témoin muet. Hélène en a parlé dans un “mail du matin”, ainsi que sur le compte Instagram des Fabuleuses. Nous n’aurions pas imaginé que ce décor majestueux était la dernière destination de bon nombre de mamans désespérées, dont certaines emportent avec elles leurs enfants. Quel choc…
Et quelle compassion avons-nous ressentie vis-à-vis de ces femmes qui choisissent cette solution radicale.
Cela nous a autant bousculés qu’encouragés à toucher encore plus de mamans qui se sentent sous pression – et c’est un euphémisme – dans leur quotidien !
Bien sûr, cela m’a rappelé ces idées noires que j’avais eues, alors que j’étais jeune maman.
Je ressens une empathie sincère autant qu’une tristesse infinie pour celles qui ont franchi ce cap que je n’ai pas franchi.
Ce qui m’a aidée ? En tout premier, penser à mon fils. Tout le monde pouvait se passer de moi, pensais-je, sauf lui. Et puis, une autre force qui me dépasse et qui est concrètement à l’œuvre en moi.
Ce qui m’aurait aidée, avant que j’en arrive à broyer du noir, au point que l’obscurité envahisse presque tout ? Incontestablement, la conviction de ne pas être seule, d’avoir de la valeur et la capacité d’avancer malgré mes imperfections. Un café offert par une fabuleuse voisine qui n’aurait pas eu peur de me laisser entrer dans sa maison en désordre, peut-être. Des messages qui seraient arrivés dans ma boîte mail chaque matin, pour me rappeler que je suis fabuleuse. Un livre qu’on m’aurait offert et qui m’aurait révélé que oui, la maternité est une tempête sur l’estime de soi, un tsunami de vulnérabilité, mais que je pouvais y arriver, un jour à la fois. Des outils que j’aurais appris à utiliser dans mon quotidien surchargé, comme la gratitude, le miracle morning, et d’autres pépites qu’on découvre dans le Village, la formation proposée par les Fabuleuses.
Je ne dis pas que les Fabuleuses ont réponse à tout, ni qu’on peut sauver tout le monde de la noyade, mais je peux t’affirmer, pour lire d’innombrables témoignages que nous recevons jour après jour dans la boîte mail, que…
…c’est une bouée de sauvetage très concrète pour beaucoup, beaucoup de mamans.
“À quoi sert un phare ? Ça n’empêche pas aux bateaux de s’échouer… Si on voulait à tout prix les protéger, on ne les laisserait pas sortir du port. Un phare, ça sert à guider ton voyage et ça te permet de voir des merveilles…” Cette citation, issue du film La petite Nemo et le monde des rêves représente bien la mission des Fabuleuses :
être un phare, une lueur, une main tendue quand la tempête menace de faire chavirer ta barque.
Chère Fabuleuse, on ne te le répétera jamais assez : tu n’es pas seule, et tu es bien assez forte, belle, courageuse, talentueuse. D’ailleurs, on va continuer à te le dire, à t’envoyer des bouées de sauvetage et à nourrir la lumière du phare, avec ce que nous savons faire et que nous faisons avec coeur et conviction.