J’aimerais bien que le père Noël soit mon grand-père cette année : je rentrerais dans la pièce, les yeux remplis d’admiration, je lui ferais un bisou, sur sa joue rasée de près avec son vieux rabot et sa brosse qui fait de la mousse.
Ce serait un père Noël sans barbe mais ce serait mon grand papa.
Je grimperais sur ses genoux, petite, fragile, tranquille et je glisserais ma tête dans le creux de son cou qui sent si bon l’eau de toilette tabac. Il serait calme, il ne dirait rien sauf peut-être :
« Viens par ici ma poulette ».
Ce serait un père Noël dans un vieux fauteuil mais ce serait mon grand papa.
J’écouterais attentivement les gargouillis de son ventre, les battements de son cœur et sa manière singulière de s’humidifier la bouche de temps en temps. De mes petits doigts, je toucherais le vieux coton de ses habits usés, un peu jaunis mais si doux.
Ce serait un père Noël à dentier mais ce serait mon grand papa.
Je fermerais un instant les yeux, il soufflerait sur mon front pour dégager les cheveux de ma frange trop longue et tous mes soucis s’envoleraient avec. Ma tête toute fatiguée serait plus légère, mes épaules tendues lâcheraient la pression.
Ce serait un père Noël aux lunettes épaisses mais ce serait mon grand papa.
Je glisserais ma main dans la sienne, comme pour y déposer mes questions et y récolter l’espoir qui habite ces mains travailleuses, aux doigts courts et un peu potelés qui ont vécu la guerre. Il dirait peu de mots mais le silence aimant parlerait d’autant plus fort.
Ce serait un père Noël peu bavard mais ce serait mon grand papa.
Et dans ce silence, je lui dirais mes peurs d’adultes, mes doutes, mon manque de lui, mon manque d’un grand papa parti trop tôt… mon manque d’être enfant, petite, en sécurité, sur ses genoux, dans ses bras… le manque de son calme, de son cœur qui bat, de sa voix, de ses mains, de tout ce qui me parlait de son amour, pour moi, tout simplement.
Cette année, j’aimerais que le père Noël soit mon grand-père et que pour un instant, je puisse me réfugier dans ses bras, qu’il me serre tout contre lui, qu’il m’apprenne encore une fois à valser sur la musique crépitante des vinyles empoussiérés. Qu’il m’écoute de nouveau lui parler de ma vie et de mes plans, et que, collée contre son cœur je recommence à rêver, à trouver des trésors dans les fonds des tiroirs de son bureau et découvrir une robe de princesse dans les vieilles caisses de son grenier.
Cette année, le père Noël ne sera pas mon grand-papa… et je ne peux m’installer sur ses genoux.
Il ne me reste que mon imagination pour recréer ces moments perdus, me nourrir des souvenirs qui se sont logés sous ma peau, dans mes narines, au fond de mon cœur.
Certaines personnes laissent dans nos vies des traces douces et gentilles.
Ils nous laissent un souvenir d’avoir été en sécurité quand on était près d’eux, un goût de légèreté. Mon grand-père était comme ça, comme un abri chaleureux pour la petite fille que j’étais. Certaines me diraient sûrement :
« Non mais jamais de la vie, le mien était tout le contraire »
Je sais. Mais peut-être y avait-il quelqu’un d’autre dans ton enfance qui représentait cet abri, cherche au fond de ta mémoire et pense à lui, à elle…
Cette année, je n’oublierai pas cette enfant que j’étais, ce grand-père que j’avais, les trésors qui sont restés.
Alors, je prendrai une couverture toute douillette, et une tasse de thé bien chaud. Je m’emballerai confortablement, je tiendrai ma tasse à deux mains. Installée dans un fauteuil, au calme, je regarderai un instant les flammes des bougies danser devant mes yeux. J’irai au plus profond de moi pour retrouver mon grand-père et je me dirai les mots qu’il m’a partagés dans ses gestes et son silence.
« Viens donc là ma petite,
Comment ça va ?
Je t’aime tu sais,
Je suis fière de toi,
Ça ira,
Tu es si belle, gentille, pleine de vitalité, intelligente et toute douce à la fois,
Tu me rappelles ma maman,
Ma petite. »
Je fermerai les yeux plus fort encore pour entendre battre son cœur tout contre moi, sentir son souffle sur mon front qui fait fuir les soucis et sa main qui serre la mienne et y pose tout l’espoir du monde en secret. J’y puiserai le courage de vivre et d’aimer, d’y cultiver toute la tendresse qu’il avait pour moi et en perpétuer son héritage.
Et toi, ma chère Fabuleuse, qui serait ton père Noël cette année ?
Qui t’insufflera force et confiance, qui te parlera de bienveillance envers soi, de courage quotidien, d’espoir ? Y a-t-il quelqu’un dont le souvenir te rassure, un ami, un voisin, une institutrice, un oncle, une cousine, un papa, une maman ? Cherche et sache que même si tu ne trouves personne… tu peux devenir cette voix pour toi-même et te faire ce cadeau unique et intemporel.
C’est tout ce que je te souhaite ce matin.
« Oh oh oh, Joyeux Noël ma chère Fabuleuse ».