À la rentrée, au début de l’année scolaire ou en cours d’année… à tout moment ils peuvent partir, quitter le nid familial, « voler de leurs propres ailes » comme dit l’expression… ou en tous cas, tenter l’expérience !
Mais comment on gère ça ?
D’un côté, c’est sûr, la rentrée de septembre s’est déroulée comme toutes les autres : on avait été voir les listes sur le portail de l’école, on avait prévu la montagne de fournitures, on avait même couvert les livres en temps et en heure cette année…
Ils avaient choisi et étaient inscrits à leurs activités, on avait acheté les chaussures qui vont bien parce qu’ils avaient pris 2 tailles dans l’été (idem pour les pantalons !) et on en avait aussi profité pour acheter les trousses et les cartables : « une pierre, deux coups » , adage de bon sens qui me fait sentir un peu plus efficace… Fabuleuse, pardon !
C’était bon, ils avaient tout, et plutôt mieux que d’autres années !
De l’autre pourtant, rien n’est plus pareil : quelque chose cloche depuis des semaines & des mois, comme si la roue de ma famille était un peu carrée… ou mal huilée… ou, en tous cas, moins bien huilée que d’habitude.
« Et pourquoi donc ?
– Parce qu’elle est partie, tiens !
– Mais qui ça ?
– Ben… Léa*! »
Elle a été acceptée pour ses études dans une formation à l’autre bout de la France !
Tu as peut-être aussi « le cas » chez toi, chère Fabuleuse, d’un gars ou d’une fille qui part – ou qui est parti(e) – pour démarrer un apprentissage, poursuivre un cursus d’études, prendre un 1er job à l’étranger, pour voyager pour aller se confronter au monde ou plus ‘simplement’ entrer au pensionnat…
Et là, ça n’a l’air de RIEN, mais ça change TOUT !
Mais TOUT, à un point que vous n’imaginez pas !
Alors, c’est sûr, depuis septembre, chaque membre de cette organisation bien huilée que je gère en ‘FCEF’ (Fabuleuse Chef d’Entreprise Familiale) a tout ce qu’il lui faut…
Et notamment Léa :
- nouvelle valise : fait
- nouveau compte en banque : fait
- carte de sécu à jour : fait
- check-up médical, dentaire : fait
- logement trouvé et assuré, déménagement : fait
On a tout rentré dans la voiture et on a fait le trajet ensemble, toutes les 2, faisant comme si c’était léger…
Et je ne parle pas ici des kilos entassés dans la voiture transformée en camion 38 tonnes, qu’il a fallu monter au 4e sans ascenseur et sans les bras masculins de qui que ce soit, le tout mal garées parce qu’au plus près, en se dépêchant et prune en sus… nous étions en nage !
J’évoque plutôt la charge émotionnelle qui nous attendait et que n’avions pas vue venir, elle et moi : elle, si heureuse de démarrer une nouvelle vie et moi, si heureuse de la voir heureuse !
Pour Léa, c’est plutôt « tout nouveau, tout beau »
l’adaptation s’est faite rapidement et la découverte de la vie étudiante est plutôt facile à vivre…
Les quelques petits grains de sable qui sont venus troubler sa vie quotidienne en autonomie sont aplanis par l’assistance que je lui procure dès que nécessaire, même à distance, et par la joie et la liberté de la vie en groupe à son âge, dont elle profite largement !
Pour moi, ce n’est pas la même histoire !
Les interventions de type ‘pompier’ pour tout un tas de questions matérielles, de type documents administratifs, argent/compte en banque, urgence médicale à distance… et autres, me créent des signaux émotifs, parfois pas toujours très agréables !
« Maman, j’ai perdu ma carte de transport et il me faut une attestation de ta part.
Maman, tu pourrais aller dans ma chambre me chercher le code d’accès du site truc-muche ?
Maman, j’ai dépassé le budget ce mois, il faudrait que tu me fasses une rallonge…
Maman, c’est quoi la recette de ton plat machin-chose ?
Maman j’ai mal aux dents, je fais quoi ?
MAMAN !!!! »
Ce ne sont pas les petits qui nous courent après jusque dans les toilettes parce qu’ils ne trouvent pas le Playmobil rouge avec une casquette verte ou se battent pour la pelleteuse orange, mais c’est tout aussi sollicitant (la distance n’y change rien avec les moyens de communication à notre disposition), voire plus stressant, parce que ce sont des questions de ‘grands’, des situations parfois anxiogènes et qu’être à distance ne permet pas d’agir en direct…
Et là, UNE SEULE solution, celle que j’ai apprise au fil du temps !
Apporter de l’aide.
Puis laisser faire la réalisation concrète, faire confiance, relancer si nécessaire, – en douceur si possible, s’il n’y a pas trop d’urgence – faire prendre conscience des conséquences si l’action n’est pas réalisée, soutenir, encourager…
Et c’est cette ambivalence et ces allers-retours qui sont compliqués à gérer :
- faire-faire sans faire soi-même
- gérer en délégant
- surveiller sans être trop intrusive
- faire apprendre de ses erreurs
- partager sans trop en demander
- garder le lien si loin…
Tout un programme, que dis-je, un ART, qui ressemble à s’y méprendre à du management, sauf que là, il y a de l’affect et qu’il n’est pas question de le nier, de ne pas en faire grand cas… Il s’agit bien du lien affectif à nos enfants et non d’un travail pour lequel nous sommes rémunérés !
De même avec les retours au bercail :
Il est nécessaire de prendre un temps de ré-apprivoisement
En vivant seule, (ou peut-être pire : en colocation !) ma petite chérie a pris des habitudes, qui ne sont pas celles de la maison et tout le monde est paumé :
Alors que je voudrais tout le contraire comme type de relation, je peux vite me sentir comme une mégère qui (ré)impose des rythmes de vie ‘infernaux’ (eh oui, on déjeune en famille à midi1/2, même s’il faut te réveiller pour ça) et rappelle inlassablement les règles de la maison qui ont été comme oubliées ou qui sont remises en cause (du genre : ‘perso, j’ai fait mon expérience et ta règle ne vaut rien’), oubliant au passage les contraintes dues au nombre de personnes concernées ou à la géographie des lieux, par exemple…
Léa, elle, se sent contrainte :
- parce qu’elle avait oublié qu’on met le sucre dans la boîte rouge sous l’étagère du café
- parce qu’est obligée de partager sa chambre depuis que j’ai séparé ceux qui vivaient dans la même puisqu’elle n’est pas là la plupart du temps
- parce que je lui demande à quelle heure elle sera là pour le dîner avec sa grand-mère…
Les autres membres de la famille aussi sont perdus et doivent s’adapter à tout ça… Ils remarquent qu’on lui ‘passe’ des amnésies concernant le rangement des manteaux, ils cherchent à voir comment ça va finir (‘des fois qu’il y aurait’ un assouplissement comme-ci ou comme-ça qui arrive pour nous aussi !). Ils se demandent si elle aussi va trier son linge qu’elle a rapporté en 2 valises débordantes et si elle va encore savoir faire avec les paniers du blanc, de la couleur, du foncé, …)
Bref, c’est compliqué !
C’est comme si tout avait changé : on se connaît, mais on ne se reconnaît plus trop. On est différents et pourtant, rien n’a changé dans notre affection mutuelle. Et comme toujours, c’est dans le quotidien que ça se joue, c’est lui qui nous rattrape vite fait, comme pour le reste !
Chacun va devoir faire un bout de chemin avec la question de la séparation…
Que se passe-t-il ?
Du côté de Léa :
La difficulté réside dans le fait que « se retrouver » seule à prendre en charge le quotidien, même si elle a été préparée à cela, lui apprend que la vie des adultes n’est pas aussi rose que cela tous les jours.
Et même si elle se croyait déjà adulte et rêvait de sa liberté… celle-ci a un coût, qui peut parfois être un prix un peu élevé à payer. Ou en tous cas, plus élevé que ce qu’elle ne l’imaginait, dans l’illusion de sa jeunesse !
De mon côté :
Il est question de frustration et de manque : ce ‘petit d’Homme’, cette petite fille devenue grande à laquelle j’ai tout donné, qui m’a tout fait vivre, tout traverser : les joies, les peurs, les élans, les fatigues, tout cette énergie dispensée à foison et sans compter… On me l’enlève ?! C’est insupportable !
La tentation arrive vite de me dire qu’elle m’appartient, avec tout ce que je lui ai donné !
Cette partie de moi qui se détache me fait vivre d’une nouvelle façon la séparation, comme cela a déjà été le cas dans ma vie… Certaines diraient « on m’enlève la chair de ma chair ».
Sans être mélodramatique, on ne peut pas nier que ce départ est bien là et qu’il faut faire avec.
Et personne n’y est pour rien, personne n’est responsable de cet état de fait, il est là, c’est tout. Or, comme nous sommes éminemment adaptables en tant qu’êtres humains, nous allons nous y faire, même si cela est (un peu ?) douloureux et va demander des aménagements (extérieurs, mais aussi intérieurs).
Au-delà de la frustration et du manque, il peut aussi y avoir de la tristesse à gérer
Cette perte de lien subie peut entraîner de la perte de sens :
À quoi sert ma vie ? A quoi je sers ? S’ils s’en vont, je ne suis plus rien… Puis une forme de dévalorisation, de dévastation.
Dans ce cas, se faire aider est recommandé :
La gestion dite du « nid vide ».
A fortiori lorsqu’il s’agit du départ du dernier, dont parfois l’échéance est retardée par les uns ou par les autres, parce qu’on a du mal à le décider, que les circonstances ne s’y prêtent soi-disant pas… !
A fortiori si cela arrive conjointement avec la ménopause, double effet « non kisscool », dans ce cas !
A fortiori si on est seule.
A fortiori lorsque la Fabuleuse a passé le plus clair de son temps à s’occuper de ses enfants,
est une vraie étape dans la vie d’une mère…
Être accompagnée, partager sa peine et ses difficultés, trouver des lieux et des activités de ressourcement devient alors essentiel.
A contrario, et plutôt lorsque les fratries sont nombreuses, on peut aussi ressentir, avec culpabilité parfois, un soulagement, du genre « et un de casé ! »
Dans ce cas, même si le soulagement ressenti est réel, qu’il soit physique ou mental, le manque émotionnel n’est pas absent pour autant.
D’un point de vue de l’organisation aussi il y a changement
La famille est un système qui comprend X membres. Enlevez-en un et tout le système tremble de ce changement.
« Mais elle n’est pas loin », me direz-vous !
« Et elle revient régulièrement le week-end et pour les vacances ! »
Ben oui, justement, elle est partie, elle revient, elle repart…
À chaque fois, c’est un tremblement sur lequel on peut travailler, à commencer par en être conscient, tout simplement !
La mise en conscience et la réponse aux questions :
- Comment le système fonctionne-t-il ? (les fameuses règles de la maison !)
- Qui suis-je dans ce système ?
- Quelle est ma place dans ce système ?
Ces questions sont essentielles, pour chaque personne qui constitue ce système.
Elle permettent de remettre un peu d’ordre dans ces changements qui, bien qu’ils soient dans l’ordre des choses, bousculent les habitudes, à tous les niveaux.
La coupure fait partie des étapes de la vie, et de la vie elle-même…
Nous avons la chance en 2018 d’avoir à notre disposition tout un tas de ressources qui peuvent nous aider à l’aborder avec le plus de sérénité possible.
Au-delà de Léa, personnage fictif que j’ai créé dans cet article pour tenter de rassembler quelques unes de mes expériences personnelles en la matière, mes fils m’ont donné bien des choses à vivre depuis toutes leurs années d’études et d’expatriation. J’ai eu l’occasion d’expérimenter pas mal de situations, plus ou moins rocambolesques et inattendues…
Envisager, puis faire le constat que mes enfants prennent leur envol vraiment loin, se débrouillent, chacun à leur manière, sont construits droits dans leurs bottes malgré leur fragilités individuelles, font leur vie comme ils l’entendent avec les spécificités de leur âge et de leur génération, ‘gèrent’ comme ils disent,… et m’émerveille bien plus que cela ne me fait peur ou ne me rend triste !
Bien sûr, le quotidien de leur manque ou de leurs appels impromptus avec tout le lot d’imprévus associés me font parfois vivre de grands bonds émotionnels, mais au global, je suis surtout très fière d’eux… et fière de moi.
Haut les cœurs les Fabuleuses !
* Léa est un personnage fictif. Je n’ai pas de fille, mais mes 2 fils aînés ont habité/habitent et ont travaillé/travaillent à New-York, Londres, Hong-Kong, Montréal et ont étudié dans plusieurs villes de France et dans le monde !