Guerre aux poux - Fabuleuses Au Foyer
Vie de famille

Guerre aux poux

fille anti poux
Agathe Portail 14 avril 2024
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Hier, j’ai surpris mon fils aîné à se gratter la tête.

Aussitôt, mon sang n’a fait qu’un tour : serait-ce le retour des poux chez moi ? On peut m’accuser de je-m’en-foutisme sur un grand nombre de sujets qui vont du respect de la liste des fournitures scolaires à l’équilibre alimentaire de la famille, mais pas sur les poux. Les poux, c’est non négociable. Alors que mon ado-couleuvre était tranquilou pépouze en train de faire ses devoirs allongé sur son lit, un ordinateur sur un genou, un carnet sur l’autre, j’ai opéré un vol plané depuis la porte de sa chambre jusque sur son édredon. Plaquage au matelas, clé de bras.

— Bouge pas ! Bouge pas j’t’ai dit ! Main sur la tête, pose ton stylo, douuuucement ! Voilà. Maintenant, tourne la tête sur ta gauche, sans geste brusque.

— Mmmmmhhhh !

— Quoi ? Répète ?

— J’étouffe ! Enlève ton genou de mon coccyx, j’ai le nez dans l’oreiller !

Alors, très lentement, attentive à maîtriser tout mouvement suspect, je l’ai laissé reprendre son souffle et j’ai approché sa tignasse de l’ampoule de son lampadaire. 

— On n’y voit rien, ai-je maugréé. Pas très réglementaire, cette crinière

Mon fils a levé les yeux au ciel en marmonnant qu’on n’était pas à l’armée, mais je l’ai fait taire d’un regard. À mains nues, j’ai écarté ses cheveux touffus jusqu’à pouvoir inspecter son cuir chevelu tout rose.

C’est alors que je l’ai vue. La maman poux !

La génitrice de toute une flopée de lentes immondes qui allaient éclore dans quelques jours. Par réflexe, je me suis grattée au-dessus de l’oreille, ça me picotait. Horreur, j’étais sans doute moi-même victime d’une infestation à grande échelle. Il ne fallait pas se laisser distraire, choisir ses combats : mon fils était la source, il fallait donc tarir la source. 

— Allez, debout, hôtel à parasites, logeur de vampires, aubergiste à sangsues, nous allons t’épouiller.

Regard de détresse de mon enfant : 

— Non, pas la lotion anti-poux qui coule dans le cou, pitié !

— Pas de pitié pour les traîtres, ai-je grondé. D’abord, le coup de râteau.

Rassure-toi, chère Fabuleuse, je n’ai assené aucun coup à la chair de ma chair, encore moins à l’aide d’un outil de jardinage. J’ai simplement attrapé ma brosse à cheveux, l’ai regardée avec tendresse et tristesse, puisque j’allais devoir la confiner sous sac plastique pendant 48 h après avoir fait ce que je m’apprêtais à faire.

— Penche ta tête au-dessus de la baignoire.

Ô, brave baignoire que nous n’avons pas sacrifiée pour une douche à l’italienne ! Sache que la seule raison de ta survivance est celle-ci, précisément : pouvoir mesurer la gravité de l’attaque de poux en comptant le nombre de petites tâches grises après avoir brossé mes enfants tête en bas, au-dessus de ta faïence si blanche. 

Et ça brosse, ça brosse, et mon fils, fataliste, ne dit plus rien, jusqu’au premier cri de triomphe : 

— Là ! Un énoooorme !

Rire sardonique. Les poux s’agrippent, s’accrochent comme ils peuvent, mais rien n’y fait : sous la vigueur de mes coups de poignet, ça tombe en pluie, les gros comme les petits. Même mon fils se prend au jeu, il les compte, applaudit les coups de brosse les plus féconds. Nous rions de concert. 

Malheureusement, le processus ne s’arrête pas là. Le nombre de décrochés du crâne ne laisse place à aucun doute : l’invasion est de grande ampleur. 

J’installe mon ado sur le rebord de la baignoire et commence à le rassurer sur la suite des opérations.

Oui, il va avoir les cheveux enduits de liquide visqueux. Non, je ne vais pas tout laisser couler dans ses yeux. Mais. Il va falloir tailler dans le vif. C’est-à-dire, opérer une coupe franche. Mon ado ne rit plus du tout. 

– What ? TU vas me couper les cheveux ?

— Mon enfant, vois-tu une alternative ? Je ne vais pas t’emmener tout pouilleux chez un professionnel de la capilation, imagine la panique au bac à shampooing ! Non, tu vas passer par une phase Jeanne d’Arc après mon coup de ciseaux, et une fois que l’ennemi sera vaincu, je te promets une coupe digne de ce nom chez ton coiffeur préféré.

Tremblement de la lèvre inférieure chez mon collégien.

— J’irai chez le coiffeur avant lundi ?

— Promis.

— Je pourrais choisir la coupe que je veux ? Long au-dessus et dégradé derrière ?

— Accordé.

— Avec un motif ballon de rugby rasé sur le côté ?

— Ça va pas, non ?

L’enfant rit, content de son petit effet. Ah, il le prend comme ça ?

Je reviens avec les ciseaux, et dans un silence inquiet, l’enfant sent les lames cliqueter près de ses oreilles.

Il a de la masse, c’est le moins qu’on puisse dire, je pourrai garnir un oreiller entier avec ce qui tombe par terre. Si j’étais un pou, je me croirais au paradis. Phase défrichage, OK. Passons au napalm. Je vais fouiller dans ma salle de bain pour y dénicher les fonds de lotion anti-poux datant de la dernière offensive. Flûte, tout cumulé, j’ai à peine de quoi lui mouiller une demi-tête. Une idée lumineuse me vient alors : à ce qu’il paraît, tous les produits du commerce sont en fait de pures arnaques, car la mort du pou survient par étouffement. Une bonne dose de mayonnaise est aussi efficace, paraît-il, qu’une bouteille de lotion à 11 € 99 les 20 cl.

— Ne bouge pas, mon petit tondu ! 

Me voici devant la porte ouverte du frigo. Point de mayonnaise en tube.

Je vais être obligée de battre moi-même le jaune d’œuf et l’huile de colza. Petite pointe de vinaigre, une cuillère de moutarde : autant qu’elle ait du goût, car je compte bien tremper des bâtonnets de carottes dans ce qui restera après l’onction du crâne de mon fils. Le fouet électrique ripe, la crédence se couvre de taches grasses. D’un revers de coude, je renverse la bouteille d’huile qui se répand sur le carrelage. J’étouffe un juron, me souvenant que les dommages collatéraux font partie du jeu : on est en guerre, que diable ! Je passe outre.

Lorsqu’il me voit arriver dans la salle de bain, mon fils pâlit.

— Hein ? Tu veux me mettre ça sur la tête ?

— Et comment, mon neveu ! Tes poux mourront de leur belle mort, elle est excellente, tu peux me remercier. 

L’enfant semble dubitatif, mais se laisse tartiner. Il en vient même à se lécher les doigts après s’être gratté. 

Enfin, une heure après le plaquage sur matelas, nous y sommes !

Dernière étape de l’opération : Le peigne à poux.

Bol de vinaigre blanc en équilibre sur le lavabo, je commence à peigner. 

Oserai-je te l’avouer, chère Fabuleuse ? Les poux que j’ai ramassés n’étaient pas morts du tout. Arnaque à la mayonnaise ! Probablement une légende urbaine propagée par les usines agroalimentaires qui voyaient chuter leurs ventes de mayonnaise à l’approche du summer body. 

Il a donc fallu laisser l’enfant sur le bord de sa baignoire, filer à la pharmacie, payer 11 € 99 fois cinq, parce qu’après l’ado il me fallait traiter le pré-ado, la post-minette, la pré-minette et moi.

À 20 h, j’étais sur les rotules, la cuisine en vrac, patinoire sur gras, les cheveux des enfants puaient le pique-nique et le chimique, j’avais peigné tout le monde, rincé, refait mousser, re-rincé, mis du vinaigre dans les yeux des filles, entaillé l’oreille des garçons.

Bref, la guerre aux poux nous avait tous achevés.

C’est alors que mon Fabuleux a découvert le champ de bataille. 

— Mais qu’est ce qui s’est passé ici, ma parole ?

L’ado, avec sa coupe de cheveux douteuse et son flegme retrouvé, lui a répondu : 

— Maman : 0. Poux : 10 000. 

Ce à quoi mon Fabuleux a répondu : 

— Ah ? C’est marrant, ça me gratte, tout à coup. 



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Cet article a été écrit par :
Agathe Portail

Maman de 4 enfants (très) rapprochés et girondine d’adoption, Agathe Portail écrit des romans adultes édités chez Actes Sud, Calmann Levy et J'ai lu, mais aussi des romans historico-fantastiques édités par Emmanuel Jeunesse.

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