Fabuleuses face au vent ! - Fabuleuses Au Foyer
Dans ma tête

Fabuleuses face au vent !

Rebecca Dernelle-Fischer 13 janvier 2017
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Dès que je passe la porte du magasin, je les entends : « bruyants, désagréables dans le ton, mais surtout gênants ». En plus dans le groupe je reconnais assez vite une maman dont la fille a été à l’école maternelle avec Emma. Je baisse la tête un instant, je soupire comme les autres clients du magasin. Ça gueule !

Les enfants dans les poussettes crient des « mamans je veux ça », les mamans répondent au mieux avec un « ferme-la tu as déjà eu un truc dans le magasin d’avant » pas piqué des verres. La grand-mère, la jeune mère et son mec, la meilleure copine et les enfants, en hyper-nombre. Les cheveux sont mi-bleus, mi-mauves, mi-blonds oxygénés. Et à la caisse je me retrouve derrière eux.

Quand c’est notre tour, je croise le regard de la maman que je connais et je lui dis bonjour. Elle répond en criant (bon ben voilà tout le monde sait que je la connais), elle dit bonjour à mon mari, se retourne vers le caissier (mon pauvre, je sais que tu es en stage mais va falloir t’habituer) et lui aboie un « ben quoi, je dis bonjour c’est tout ! ». J’enfonce la tête un peu plus dans le col de mon manteau, sourire gêné au caissier. On échange quelques mots avec cette dame, je dis dame mais j’aimerais dire fille. D’ailleurs à quel âge a-t-elle bien pu mettre au monde son aînée, 17 ans, 15 peut-être ? Ils repartent en groupe, comme ils sont venus, bruyants, impolis et c’est tout le magasin qui respire mieux dès qu’ils ont enfin passé la porte…. tout est si calme tout à coup.

Entre nous, j’ai du mal à l’imaginer…

…en train de lire mon poste sur le blog des fabuleuses. Je crois qu’elle s’y sentirait mal, en décalage, face à de la gentillesse qu’elle prendrait pour un « léchage de bottes ». Elle fabuleuse ? Elle en a rien à battre qu’elle dira. Et pourtant. Et pourtant elle fait partie de ces arbres qui poussent là où le vent souffle fort. Ces arbres qui penchent. Ces arbres qui tiennent debout mais qui ont dû se battre pour grandir parce que justement là où ils ont été plantés, le vent ne cesse que rarement de souffler.

Alors c’est à toi, ma chère fabuleuse que j’écris cette petite note, comme un post-it sur la porte de ton frigo. Il est noté

« Ne juge pas l’arbre penché, tu ne sais pas tout des intempéries qu’il a endurées ».

Oui, bien entendu, je m’énerve aussi…

…sur les mamans qui disent des gros mots à la plaine de jeux en fumant leur cigarette tout en étant enceinte. Bien sûr, je préfère être entourée d’amies qui ont étudié, aiment les livres et s’intéressent un tant soit peu aux nouvelles et à la culture. Par contre, j’ai appris, passant mon enfance dans un quartier d’habitations sociales mais aussi plus encore en supervisant des familles accueillant des enfants placés par le juge que :

Ce n’est pas parce que tu grandis de travers que tu n’es pas fabuleux.

J’entends des histoires d’enfants laissés seuls le soir pour que la mère sorte avec ses amoureux, d’enfants n’ayant mangé que des pâtes jusqu’à leur 6 ans,… destinées blessées, coeurs cassés. Certains de ces enfants qui sont séparés de leurs familles et recueillis pour leur donner un foyer où leurs besoins sont pris en compte (ou tout simplement où ils ne seront plus maltraités). Âmes blessées qui mettront plus d’une vie à comprendre comme la confiance fonctionne. Je sais que statistiquement ces enfants risquent fortement de recréer leur propre histoire et d’eux aussi terminer avec leurs enfants placés par le juge. Alors quand je vois une maman écorchée vive, une maman qui me dérange, qui m’est trop impolie… j’essaye de passer outre le rejet spontané, les préjugés qui pleuvent, et du coin de l’œil je cherche les efforts qu’elle fait pour « faire au mieux… malgré… » et je me dis « RESPECT ».

Dans ma ville, au milieu de la grande place…

…il y a un arbre Mammouth, et honnêtement, je le trouve moche. Un jour en passant à côté, je me suis dit «celui-là ils pourraient le tirer ça ne me dérangerait pas ». Et puis j’ai vu une émission télé qui parlait de l’histoire de la région où nous habitons. À la fin de la guerre, les bombardements ont duré plusieurs jours. Et cet arbre a aussi été touché directement au milieu (une grenade ? une bombe ? un éclat ? peut importe). Malgré cela, il a continué à grandir, mais au lieu d’avoir une cime, le tronc s’est divisé en quatre grosses branches qui ont chacune poussé « envers et contre tout ». Alors ici, les gens en sont fiers. Et les jardiniers de la ville s’en occupent avec attention, ils lui ont même posé un corset de câbles métalliques qui le soutien et qui est ajusté de temps en temps. Tu vois où je veux en venir ?

Il me fait penser à une de mes amies !

Parfois, elle m’agace parce qu’elle peut être envahissante. Mais je connais ses blessures émotionnelles et ça m’aide à relativiser. Je lui dis qu’elle est une bonne maman (et elle l’est, vraiment), que je suis contente de l’avoir comme amie. Et quand elle m’écrit, encore une fois paniquée pour un détail ou parce que je ne l’ai plus invitée depuis quelques semaines pour un café chez moi, je me rappelle de tout l’amour qui lui a manqué, de sa maman qui l’a mise à la rue quand elle était ado, de la fenêtre de laquelle elle a voulu se jeter, des beaux-pères qui sont venus et repartis… Alors je redouble d’efforts pour lui faire un peu de place dans mon programme.

Ça n’excuse rien mais ça explique beaucoup et surtout, ça rend chaque réussite plus belle encore.

Je sais qu’autour de toi il y a des mamans fabuleuses qui au premier regard te laisse interrogative.

 « Pourquoi elle ne fait pas comme ça ?»

« Elle devrait changer »

« Mais quelle erreur d’éducation ! »,…

…toutes ces pensées je les partage aussi. Mais au fond, peut-être qu’elle ne sait pas comment mieux faire, qu’elle n’a jamais appris à être une maman qui aime, qui éduque, peut-être que quelqu’un a bombardé son estime d’elle-même… peut-être… peut-être que ce dont elle a besoin c’est d’un « corset émotionnel », de quelqu’un qui l’aime comme elle est et qui lui reflète ce qu’elle fait bien. Un filet d’encouragements, de soutien et non pas de bottes de guerre qui piétinent tout sur leur passage à coup de regards jugeants et de rejets récurrents.

Alors, je compte sur toi, je compte sur moi : un sourire, 5 minutes, un bonjour, une blague, un vrai petit compliment donné sincèrement… Un long moment ne pas oublier que le vent a soufflé si fort que pour survivre, il a fallu grandir penché.

Et si, au fond, se sentir fabuleuse était contagieux ?



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Cet article a été écrit par :
Rebecca Dernelle-Fischer

Psychologue d’origine belge, Rebecca Dernelle-Fischer est installée en Allemagne avec son mari et ses trois filles. Après avoir accompagné de nombreuses personnes handicapées, Rebecca est aujourd’hui la maman adoptive de Pia, une petite fille porteuse de trisomie 21.
https://dernelle-fischer.de/

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