Elle poste des photos de plages au sable blanc et à l’eau turquoise et pas moi !
Elle part plusieurs semaines en vacances et pas moi !
Elle a un corps de rêve dans son maillot 2 pièces, malgré 2 grossesses et moi vraiment pas !
Son mari part seul avec les enfants pour quelques jours de camping et pas le mien !
Elle a la peau si lisse, les dents si blanches et des pieds fins et pas moi !
Ses enfants dorment longtemps le matin et elle peut boire son premier café tranquille et pas moi !
Ils ont les moyens de partir à l’étranger, de louer un appartement de rêve et faire milles et unes activités, et pas nous !
Ses parents prennent les enfants pour 2 semaines et tout le monde est ravis, pas de ça pour les nôtres !
Elle peut faire une pause au travail assez longue pour ne pas devoir jongler entre les stages, les gardes, les baby-sitters et les heures éreintantes au boulot, et moi pas !
Elle arrive à se détendre au milieu du chaos et pas moi !
Elle !
Elle a des vacances de rêves et pas moi !
L’été et les grandes vacances pointent doucement leur nez et avec elles renaissent ce genre de sursauts, de doutes, ces comparaisons furtives et sauvages qui nous surprennent encore et toujours. Pourtant, nous avons passé l’année à travailler à notre attitude interne, à entretenir notre gratitude, à l’exercer. Les grandes vacances semblent pourtant être un bien grand piège.
Vous reconnaissez ces petites phrases qui nous traversent l’esprit sans même demander l’autorisation d’y entrer ? La comparaison est tellement naturelle chez l’être humain qu’elle s’impose nous. Elle est plus comme un bus qui passe devant notre nez en claxonnant à tout va que le vélo dont nous tenons nous-mêmes bien fort le guidon.
Brené Brown, dans son dernier livre Atlas of the heart, nous explique bien cela. Se comparer est normal. Nous le faisons tous et tout le temps. C’est moins une chose que nous décidons de faire consciemment que quelque chose qui nous “arrive”. Même si on ne veut pas se comparer aux autres, on a ce réflexe en nous.
La comparaison a son propre script.
Elle nous demande simultanément « es-tu comme les autres (es-tu normale) ? » et « es-tu mieux que les autres ? ». C’est comme un choc frontal entre 2 trains à grande vitesse, cela nous laisse sonné, avec mille et unes questions, reproches et injonctions contradictoires dans nos têtes.
La question n’est donc pas « est-ce que nous voulons comparer ou pas ? » mais bien « qu’allons-nous faire des sentiments et des pensées que cette comparaison va faire naître en nous ? ».
Nous déduisons peut-être de manière erronée que :
- Si elles peuvent se payer des vacances de rêves et pas moi, c’est parce que je travaille trop peu et que je suis fainéante (et hop, les reproches sont là).
- Si elle peut rentrer dans ce maillot c’est probablement qu’elle fait tout le temps super attention à son alimentation et qu’elle pratique le sport tous les jours. Voilà, je le savais, je suis grosse, moche et nulle, tout est de ma faute !
- Si elle aime les vacances c’est parce que ses enfants sont sages et qu’elle aime s’occuper d’eux, je n’ai pas les nerfs, je suis sûrement une mauvaise mère !
On se balance à soi-même des demi-vérités ou carrément de gros mensonges.
Notre estime de soi en prend un coup, on entretient peut-être une certaine hostilité envers l’autre, celle qui a un peu plus de fabulosité. Rien de bien positif dans tout cela. En effet, Brené Brown écrit que la comparaison sociale engendre bien souvent des émotions de peur, de colère, de honte et de tristesse. Cela nous donne un mauvais goût dans le fond de la gorge. On laisse cette comparaison nous donner l’impression que tout est fade autour de nous et en nous aussi.
Brené Brown nous explique aussi qu’envier quelqu’un d’autre est différent de le jalouser. L’envie se met en place quand nous commençons à vouloir quelque chose que quelqu’un d’autre possède ou “semble posséder” (que ce soit au niveau de son attraction physique, ses compétences ou encore ses richesses) et que nous n’avons pas.
« Elle l’a et pas moi ! ». Zut !
La jalousie, elle, est plutôt liée à la peur de perdre une relation ou une partie de relation que l’on vit. C’est comme quand j’ai peur que le travail de mon mari lui prenne toute son énergie et son temps et qu’il n’en ait plus pour moi, je suis “jalouse” de son travail, de sa collègue… L’envie, quant à elle, serait plutôt le sentiment qui s’installe quand je vois les intérieurs paisibles et bien rangés de mes amies scandinaves alors que je crains que la pile de papiers placée à ma gauche puisse s’effondrer à tout moment sur mon clavier d’ordinateur.
Tu vois la différence ? Alors oui, je suis humaine et je me compare tout le temps aux autres. Cette comparaison crée en moi de l’envie ou de la jalousie, mais je peux agir sur ces réactions, les changer, les entretenir ou encore les trouver inutiles et m’en débarrasser.
Je peux, nous pouvons aiguiller ces réactions.
Mais alors, comment réagir ?
Connaissez-vous ces amies à qui on peut tout dire, même nos plus grands succès et ce, sans craindre qu’elles les ridiculisent, relativisent, qu’elles en souffrent ou qu’elles nous envient ouvertement ? J’adore avoir des gens avec qui je peux partager ma joie en sachant qu’ils vont répondre « YES !!! », « tant mieux », « génial », « tu l’as mérité », « tu as travaillé pour ça ».
Ce sont eux qui m’encouragent à rejoindre ce que j’appelle l’équipe des “pom-pom girls”. Celles qui crient « c’est ma copine » quand la foule applaudit, celle qui dit « yeah votre nouvelle maison est trop géniale », « bravo pour la réussite scolaire de tes enfants cette année », « tu es vraiment fabuleuse et tu m’épates, tu m’inspires, tu gères ».
Amby Wambach, footballeuse américaine médaillée olympique, décrit très bien dans son livre Wolfpack ce qu’elle appelle le moment du « point and run » (en français : « pointe du doigt et cours »). C’est quelque chose qu’elle a appris et appliqué sur les terrains de football mais qui peut se faire au quotidien aussi et qui est tout à fait à notre portée.
Elle nous explique que c’est super facile.
Si elle marque un but et que la foule la célèbre, alors elle pointe toujours du doigt l’équipière qui l’a aidée à marquer ce but (point), celle qui lui a fait la passe. Et si c’est une de ses équipières qui a marqué le but, alors Abby court vers elle pour la célébrer et la féliciter de sa manœuvre réussie (run).
Aucun besoin de réfléchir plus loin. Quand une personne vit une victoire, je n’ai pas besoin de me dire « j’aurais tant aimé marquer ce but moi-même», ou de commencer à douter de mes capacités. Si ma copine arrive à rentrer dans son maillot et a l’air canon, tant mieux pour elle : BRAVO (run) ! Je peux ne pas réfléchir à mon propre bikini et mes bourrelets qui dépassent. Je peux arrêter d’y réfléchir et la féliciter de tout cœur !
Au lieu de me retrancher dans un état envieux et dans l’hostilité qui peut en naître, je peux devenir comme Abby Wambach, fêter avec les autres leurs succès et partager mes succès avec toute mon équipe — de super Fabuleuses qui m’entourent et m’aident — et les pointer du doigt.
Ne pas les voir comme des concurrentes mais comme une grande équipe.
Quelle force ont les mamans quand elles choisissent de se voir comme étant membres d’une même équipe, un village, plutôt que comme des adversaires ! Quelle force quand elles choisissent de ne pas entretenir en elles l’envie qui pointe son nez lorsqu’elles réalisent que quelqu’un d’autre possède ce qu’elles n’ont pas.
Franchement, en finissant de t’écrire cet article, je pense à toutes ces mamans que la comparaison isole.
- Toutes ces mamans qui cachent leurs succès pour éviter que les autres les envient ou leurs fassent des remarques acerbes.
- Toutes ces mamans qui se cachent parce qu’elles n’ont pas l’impression de tenir la moyenne, de faire aussi bien que les autres.
- Toutes ces mamans qui perdent leur vision et leur saveur des choses parce qu’elles pensent devoir rentrer dans des cases proposées par la société.
- Toutes ces mamans qui deviennent amères de ne pas avoir la même vie que les autres.
- Toutes ces mamans dont l’envie, la colère, la honte, la tristesse rendent leur amour pour leur vie si difficile.
Et si nous essayons de suivre le conseil d’Abby Wambach ?
- Se considérer comme une équipe et célébrer les succès et les bonnes choses qui arrivent aux autres plutôt que de les juger ou de se juger en fonction ?
- Se considérer comme une équipe et partager aussi nos joies et nos succès en reconnaissant tout ce “Village” autour de nous qui nous a permis d’avancer autant, de grandir, d’évoluer, de savourer nos réussites ?
Si tu espérais que dans cet article je te dise comment te débarrasser de ce mauvais goût que met la comparaison dans ta bouche lorsque l’envie t’envahit, eh bien non, je n’ai pas de solution toute faite. Je pourrais te dire que la gratitude est le remède, mais ce serait être naïve et te mentir sur la réalité de nos “cœurs”.
Certaines de nos réactions sont très très profondément ancrées, parfois même dans une enfance douloureuse, marquée par le manque. Parfois, quand on voit ce que les autres ont, et que ça nous fait du mal à l’intérieur, c’est parce que les souffrances du passé peuvent être si grandes qu’elles nous étouffent. Gérer l’envie, gérer nos réactions à la comparaison est un long travail, pas facile, fait de rechute dans le « elle a ça et pas moi ! ». Je ne peux que t’encourager à être bienveillante envers toi-même, ton histoire, ta lenteur ou ta rapidité à guérir certaines blessures…
Parfois, dans la vie, il n’y a ni baguette magique, ni raccourci, parfois, il faut juste décider à chaque fois que l’occasion se présente de ne plus retomber dans nos anciens schémas. De ne pas nourrir notre côté envieux, de lui couper les ailes, de lui couper la parole,
de répondre à son « Et pas moi » un joli « Et alors ? Tant mieux pour elle ! ».
C’est pour cela que j’aime tant le conseil d’Abby Wambach. Quand je commence à me sentir mal parce que l’envie monte en moi, me rend ingrate, amère, hostile envers une autre personne, je peux me rappeler qu’on est tous en chemin sur cette terre, tous dans une grande équipe…
et que je peux donc célébrer leur réussite, leur vie, leurs beaux moments sans tout remettre en question dans ma propre vie.
Si nous arrivions à pratiquer cela un peu plus cet été, ce serait un gros partage de fabulosité, qui pourrait bien changer toutes ces vacances, les rendre plus positives, plus reposantes, bien plus bienveillantes pour nous, notre famille et nos amies !