Mes 3 kifs aujourd’hui ? Interviewer Florence Servan-Schreiber / découvrir que je ne suis pas la seule à pleurer en position crucifixion / apprendre que la rideaulogie existe vraiment.
Formatrice en psychologie positive, conférencière et écrivain, Florence Servan-Schreiber est l’auteure des best-sellers 3 kifs par jouret Power Patate. Spécialiste du bonheur, elle nous fait l’honneur de nous partager ses expériences de la maternité.
Fabuleuses : prêtes ? Kiffez !
Avoir des enfants, est-ce que ça rend heureux ?
Quand on demande aux femmes ce qui les rend heureuses, dans la majorité des cas elles répondent : les enfants. Or une enquête a mesuré le bonheur des femmes dans différentes situations (au travail, dans les transports, à la maison etc.), et il en ressort que le moment où les femmes sont le moins heureuses, c’est quand elles sont… avec leurs enfants !
La réponse n’est donc pas aussi simple que la question. En fait, le bonheur est fait de 3 choses : le sens, le plaisir et l’engagement.
- Les enfants donnent du sens à une vie, c’est assez évident.
- Les enfants exigent beaucoup d’engagement. Or l’engagement est une source de satisfaction (on ne s’ennuie pas) mais aussi de pénibilité (on donne beaucoup). Donc du côté de l’engagement, le niveau de bonheur n’est pas au top.
- Être avec ses enfants ne procure pas toujours du plaisir… il faut le dire, il y a des moments où c’est très chiant !
Alors, est-ce qu’avoir des enfants, ça rend heureux ? Ce n’est ni tout blanc ni tout noir…
D’où vient cette frustration d’avoir envie d’être avec ses enfants, mais de ne pas y prendre de plaisir ?
Elle vient du fait nous ne sommes PAS QUE avec eux.
Nous faisons plusieurs choses à la fois : être avec ses enfants tout en cuisinant, tout en faisant les courses, tout en planifiant son travail etc. C’est la multitude d’activités qui défie le temps qu’on passe avec nos enfants…
Faut-il alors faire des choses « en dehors des enfants » ?
Comme je l’explique dans Power Patate, notre responsabilité à chacun, c’est de vivre la vie qui est la nôtre et la vie qu’on a envie de vivre. Pour être heureux, il faut créer, contribuer et transmettre.
On a chacune des particularités que l’on se doit d’exercer, que ce soit dans l’éducation des enfants et/ou dans notre travail et/ou nos activités extérieures. Soyez attentive à ce qui vous permet de faire du bien autour de vous : écrire, cuisiner, encourager… Trouvez quelles sont les capacités qui vous rendent spéciale. Donnez-vous à fond dans ces domaines.
Que ce soit au sein du foyer ou à l’extérieur, avec ou sans les enfants, vous avez de belles choses à apporter au monde.
Est-ce que toutes les mamans sont capables de créer ?
Il y a une confusion entre être créatif et être artiste. Nous sommes tous créatifs, dès lors que nous déduisons des choses par rapport à la réalité. Quand on s’habille le matin en fonction de ses humeurs et de la météo, on est créative !
Qu’est-ce qui fait qu’on a des idées ? Le fait d’être confronté à la nouveauté. Or les mamans sont les premières à être constamment confrontées à la nouveauté. Cela commence dès la grossesse : voyez les lignes de vêtements pour femmes enceintes, créées par celles qui ne trouvaient pas de vêtements à leur goût pendant leur propre grossesse.
Cela compte évidemment aussi pour les domaines « non artistiques ». Pas besoin de coller des étoiles partout pour avoir le sentiment d’exister. Les gens qui n’ont pas cet appétit-là ont d’autres qualités : par exemple l’organisation. En devenant mère, on devient co-gérant de PME, et rien que cela fait de nous une femme pleine de ressources et de créativité.
Pour vous, c’est quoi être une maman ?
À la naissance de mon premier-né Arthur, c’est comme si tous les domaines de ma vie passaient en vrac à la machine à laver. Professionnellement, j’étais dans un monde masculin. Après le congé maternité, je suis retournée travailler comme si rien ne s’était passé, comme si je n’étais pas la personne que j’étais en train de devenir.
Le monde avait continué sans moi. J’étais complètement déconnectée mais j’étais contente de revenir. C’était important pour moi de retrouver cette étiquette professionnelle. Quand on me demandait : « qu’est-ce que tu fais dans la vie ? », j’étais incapable de répondre : « je suis maman. »
Pour certaines femmes, « être maman » donne un rôle suffisant. Moi, je n’ai pas été élevée comme ça. Être maman « tout court » ne suffisait pas. Il fallait être une maman « qui écrit », une maman « qui milite », une maman « qui s’engage »…
Être maman pour moi, c’était une occupation. J’accordais moins de valeur à ce métier (qui est en fait un sacré métier !), parce qu’il ne rentrait pas dans mes repères. C’était une activité non reconnue par moi-même.
Deux ans et demie plus tard, j’ai eu Pénélope. Ca a été une révolution totale : « quelles valeurs vais-je transmettre à cette petite fille ? » J’étais complètement larguée. Ayant été élevée par des parents féministes, j’ai fait une grande découverte : les garçons et les filles, ce n’est pas pareil…!
C’est là que j’ai commencé à laisser grandir cette personne à l’intérieur de moi, une personne plus « animale ». Je ne voulais pas être un petit soldat dans un univers masculin. J’ai quitté mon job. J’ai complètement pété mes plombs intellectuels parce que je voulais enseigner à Pénélope des valeurs créatives. J’avais besoin d’être plus libre. Je suis devenue rideaulogue* et j’ai même lancé une école de couture d’ameublement.
Aujourd’hui, être maman pour moi, c’est perdre tous ses repères et accepter de devenir une nouvelle personne.
*Oui, rideaulogue ! Spécialiste des rideaux, quoi !
Ce blog s’adresse aussi aux futures Fabuleuses. Peuvent-elles se préparer à un tel bouleversement ?
Avant de devenir maman pour la première fois, on n’a AUCUNE idée de l’effet que ça va nous faire. À la naissance d’Arthur, j’ai écrit un livre pour ma petite soeur qui a 10 ans de moins que moi : Conseils d’amie avant d’avoir son premier enfant. Mon objectif était de me plaindre de tout ce qu’on ne m’avait pas dit.
J’étais scandalisée que l’on ne m’ait pas prévenue que la maternité met un bordel dingue dans l’identité, le rapport au travail, à l’ambition, à soi, à son corps, au papa si on est en couple, aux autres enfants s’il y en a…
J’ai vécu l’arrivée d’Arthur comme une avalanche qui emporte tout, même les pierres, les arbres, tout ce qui était enraciné, tout ce qui avait été là depuis toujours. Avoir un enfant, c’est la première décision irréversible que l’on puisse prendre. Quoi qu’il arrive, même si la grossesse n’arrive pas à terme, un enfant va nous transformer de manière définitive et sur tout un tas de plans.
C’est au contact de son premier-né que l’on apprend à être maman. On ne peut donc pas connaître son prof à l’avance. Par conséquent, il est quasi impossible de se préparer… La seule chose que l’on puisse faire, c’est apprendre à plier les genoux car devenir mère demande une souplesse incroyable ! Avant, j’avais l’image de la rigueur, de la clarté, de l’autorité…
Maintenant je sais qu’il faut être adaptable pour faire face à tout ce qui va se présenter. Soyez souple, très souple !
Longues journées, courtes années : comment profiter de la vie ?
J’ai fait partie des gens qui ont attendu avec beaucoup d’impatience que mes enfants soient grands. Par exemple, je n’aimais pas aller au parc et j’avais hâte de ne plus avoir à le faire. Sauf que quand on ne va plus au parc, c’est parce que nos enfants ne veulent plus être avec nous…
Quand ils viennent dans notre lit, on a hâte qu’ils nous laissent tranquilles. Quand ils ne viennent plus, on est tout triste… Quel que soit le stade, on vit toujours dans ce paradoxe. La bonne nouvelle, quand même, c’est qu’ils ne grandissent qu’un jour à la fois !
Lorsque 2 de mes 3 enfants sont partis de la maison en même temps, j’ai moi-même passé trois semaines à sangloter dans mon lit, en position de crucifixion. Et puis au bout de trois semaines, la vie a repris.
Cette nouvelle étape m’a permis de complètement m’éclater professionnellement. Évidemment, un changement est déplaisant car on aurait préféré garder l’état précédent. Mais il n’y a rien de tel qu’un changement pour réagir.
Au-delà des circonstances, chaque jour qui commence est une nouvelle chance de cultiver son propre bonheur. Avec des petits rituels quotidiens, être heureux c’est possible ! Commencez par partir à la recherche vos 3 kifs par jour !
Un petit mot pour les Fabuleuses ?
Ne vous mettez pas la pression. Ne faites pas comme moi, qui suis allée jusqu’à la « dé-pression ». Mes enfants sont grands et voici ce qui est frappant : ce qu’ils considèrent aujourd’hui comme ce que je leur ai transmis, c’est TOUT ce que je ne leur ai PAS transmis intentionnellement !
Ce qu’on a tendance à voir le plus, ce sont nos mauvais côtés qu’on a peur qu’ils retiennent en priorité. Ne vous préoccupez pas trop ! De toute façon, vous faites de votre mieux. À partir de là, vos enfants vont faire leur marché (si vous interrogez vos frères et soeurs, vous verrez qu’ils n’ont pas tous retenu la même chose de ce que vos parents vous ont transmis !)
Laissez à vos enfants le soin de faire leur propre mayonnaise à partir de ce qui émane de vous. Concentrez-vous sur l’essentiel : votre bonheur aujourd’hui ! Être heureux, c’est contagieux…