En mode vénèr contre mon mec - Fabuleuses Au Foyer
Vie de famille

En mode vénèr contre mon mec

Marie Chetrit 6 juillet 2018
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Suis-je normale ? Parfois je déteste mon mari si fort que je me le demande.

Je rentre le soir, bien énervée, avec les petits tournicotant autour de moi et s’accrochant à mes jambes, en mode koala geignard. Ma grande ressent, toutes affaires cessantes, le besoin urgent de regarder « Norman fait des vidéos ». Le petit hurle pour avoir son lait et marche dans mes jambes comme un chat. Le moyen hurle car il veut, là, maintenant, tout de suite, que je joue aux playmobils / que je fasse des crêpes / manger de la glace avant le dîner / que je m’occupe de lui plutôt que de son frère. Mon beau-fils n’est pas là, mais je suis certaine que s’il était dans les parages, il m’aurait déjà énervée, lui aussi.

Et là, j’aperçois, dans l’armoire des enfants, un pantalon soigneusement rangé, bien sale et bien boueux, alors que je n’ai plus d’affaires propres à leur mettre sur les fesses ; comme les absents ont toujours tort et que mon mari n’est pas là pour se défendre, je lui reproche tout ce qui ne tourne pas bien, tous ces grains de sable dans les rouages du quotidien, je lui reproche intérieurement, je peste, la colère monte et j’ai envie de lui coller des baffes.

Une fois la machine enclenchée, je m’en donne à cœur joie. Je m’imagine lui hurler dessus, lui gueuler que j’en ai marre, marre, marre ! Qu’ils n’ont qu’à tous se débrouiller sans moi, lui et les enfants ; que je me barre, qu’il recevra une lettre de mon avocat la semaine prochaine, que je me prends un appartement, (je m’en fous, je vais vider le compte en banque) seule, tranquille, et qu’ils vont bien me regretter, et ce sera bien fait pour eux ; tandis que moi, je serai dans mon studio, en train de manger de la crème glacée devant Netflix, un chat sur mes genoux — car je vais reprendre un chat, moi qui ai dû donner le mien pour l’épouser.

Dans ces moments, je le déteste, mais je le déteste à un tel point, que seule une femme peut me comprendre.
Sûrement, s’il savait ce que je pense, loin de lui, il me regarderait avec un air ahuri et me dirait « Mais ma chérie, qu’est-ce-que je t’ai fait ? Qu’est-ce-qui ne va pas ?  » et je l’en détesterais encore plus, d’oser me poser ces sottes questions.

Alors je ne dis rien au téléphone, je suis juste un peu brève peut-être, je dis que je suis fatiguée, que je vais dormir tôt. Je raccroche, je vais me laver les dents rageusement, je me brosse les cheveux trop fort, et je vais me coucher, les mâchoires serrées, non sans avoir pesté contre les enfants, leurs jouets et leurs affaires qu’ils n’ont pas rangés, comme toujours.

Seule dans mon lit, dans le noir, je revois ce scénario que j’ai construit toute seule. Je vois cette hystérique, qui ne me ressemble pas vraiment, cette gorgone haineuse, et je m’en éloigne doucement. Quand elle est à distance de moi, je la regarde plus froidement, et je lui dis : « Hé oh, ma vieille, tu es complètement timbrée ! Qu’est-ce-qui te prend ? Qu’est-ce qu’il t’a fait ? Il n’est même pas là.« 

Et pourtant

Je lui en veux simplement d’avoir suscité en moi ces noires pensées. Je lui en veux de ce que j’imagine qu’il pourrait penser et dire. Et ça, c’est bien un peu de sa faute, non ? Je repasse le film de ma soirée, en essayant de voir quand est-ce que j’ai dérapé. Le pantalon sale dans l’armoire, peut-être ? Après tout, ce n’est pas vraiment grave. Je le frotterai un bon coup, et ça fera l’affaire pour demain.

Je repense à lui, à son regard aimant, à tout ce qu’il fait pour nous, à ses efforts pour nous faire plaisir à tous. La bulle se dégonfle peu à peu. Le vilain rêve s’écroule et s’émiette. Qui d’autre que lui pourrais-je détester aussi fort, et aussi bien ? Sur qui d’autre que lui évacuer la pression de ma semaine, mes rancœurs, mes frustrations, ma fatigue ?

Et si, mon amour, je te détestais aussi fort justement parce que je t’aime et que tu es tout pour moi ?

Si je ne t’avais pas, pour bien te détester, comment est-ce que je parviendrais à gérer ces moments ? Peut-être que je serais plus agressive avec les enfants. Peut-être que je pleurerais en me disant, certains soirs, que je n’y arrive pas. Peut-être que je resterais assise, passive et anéantie, dans le salon dévasté par les enfants qui courraient tout nus en hurlant de rire et en se tapant dessus avec des coussins. Pouvoir te haïr, et te coller ma colère sur le dos, me donne l’énergie de rester debout, ces soirs où je suis trop fatiguée.

Une fois que je m’en suis rendu compte, je peux m’apaiser, et m’endormir.

Et le vendredi, quand tu apparais, souriant, heureux de nous retrouver après une semaine loin de nous, je peux t’embrasser sans arrière-pensée, et te redire que oui : oui je t’aime, même quand je te déteste, et surtout quand je te déteste.



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Cet article a été écrit par :
Marie Chetrit

Scientifique de formation et de profession mais littéraire de cœur, Marie Chetrit partage sur son blog de petits textes sur les moments rigolos ou exaspérants de sa vie familiale. Elle et son fabuleux époux ont chacun un grand d’une première union et deux petits diablotins ensemble.
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