Qui d’entre vous ne s’est jamais prise en flagrant délit d’auto-jugement ? En flagrant délit de « petites phrases assassines », comme je les appelle. Celles qui viennent vous rappeler combien vous êtes nulle, pas à la hauteur…
« Oui je me suis encore coupée, je suis maladroite, je me fais tout le temps mal, mais j’ai l’habitude d’être un boulet, ce n’est pas grave », me confie Camille. Ingrid, elle, avant d’énoncer sa pensée, dit systématiquement : « Excuse-moi de te dire ça mais… ». Comme si elle n’en avait pas le droit, ou comme si ce qu’elle avait à dire était forcément contrariant ou désagréable à entendre.
Émilie assène : « Je n’ai aucun talent de toutes façons », là où moi, je lui en vois tellement !
Et Lydie, pour expliquer combien elle se sent mal à l’aise dans son job actuel, m’annonce :
« J’ai obtenu mon job par piston, j’ai donc en permanence la sensation de ne pas être à la hauteur – je me sens comme un imposteur ».
Ces phrases assassines deviennent une forme de ritournelle intérieure.
Elles se manifestent à vous sous forme de pensées, ou de dialogues intérieurs. D’où viennent ces petites phrases ? Et pourquoi ont-elles la peau si dure ?
Elles sont bien souvent les traces de ce que vous avez entendu quand vous étiez enfant ou perçu de la part de vos parents et que vous avez intériorisé, jusqu’à parfois même les incarner parfaitement bien, ces soi-disant « défauts ».
Ces petites phrases sont parfois amplifiées par une recherche de perfection à l’aune de laquelle beaucoup de femmes se jugent.
Le moindre cri sur leurs enfants, le moindre faux pas au travail, laissent place à cette petite voix intérieure :
« Je suis vraiment trop nulle, je ne dois pas être faite pour être mère »
« Je suis vraiment trop nulle, je ne suis pas faite pour ce job »
Le danger, c’est de finir par s’identifier à ses défauts, au risque de saboter toute une partie de sa vie. Celle qui se dit : « Je ne dois pas être faite pour être mère », court le risque de laisser tomber toute envie de trouver sa place de mère.
Celle qui annonce : « J’ai une mauvaise image des hommes, je tombe toujours sur des hommes qui me font souffrir, je ne sais pas y faire », court le risque de ne plus essayer de sortir du cercle vicieux qu’elle a identifié ou de s’isoler, en se privant définitivement de vie amoureuse.
Bonne nouvelle : vous avez le pouvoir de faire vivre cette « malédiction » en continuant à l’alimenter de vos pensées assassines, ou, au contraire, de ne pas la faire vivre.
Comment ?
En commençant par vous observer pour comprendre ce qui se passe.
Voici ce qu’une femme me confie : « Quand je suis dans ma belle-famille, je ne me sens pas du tout dans mon élément, je crains d’être jugée, et du coup je fuis – c’est nul hein ? ». Je lui réponds : « La question n’est pas de savoir si c’est « nul » ou pas, mais de comprendre ce qui t’empêche de t’affirmer dans un milieu aux codes si différents du tien ? »
Avec elle, nous avons fait un travail profond, qui nous a emmené bien au-delà de ses relations avec sa belle-famille, sur ce qu’elle pourrait développer – essayer – adopter comme nouvelles habitudes pour mieux s’affirmer tout en étant appréciée.
Une femme, qui a perdu son mari il y a quelques années, me confie, en parlant de ses enfants :
« Je suis sur leur dos tout le temps et je m’en sens coupable, alors que nous pourrions avoir des conversations intéressantes. »
Elle se sent nulle mais reconnaît ne pas trouver d’autre façon de faire.
Je la questionne, pour essayer de comprendre ce qui la pousse à mettre en permanence la pression sur ses enfants, et voici sa réponse :
« Ce n’est pas tant pour remplacer leur père, mais parce que je trouve qu’ils ont déjà vécu assez d’injustice en le perdant. Je souffre de ce qu’un raté pourrait avoir comme conséquences pour eux (punition, etc..) qui manquent cruellement d’insouciance. »
À partir du moment où elle a compris d’où venait cette attitude qu’elle se reprochait, et que cette attitude pouvait fort se montrer contre-productive, nous avons pu envisager d’autres façons pour cette femme d’apporter de l’insouciance à ses enfants.
Et, au passage, la délester d’un poids.
S’observer pour comprendre le mécanisme caché derrière la phrase assassine me semble le premier pas, le plus important.
Adopter une posture d’observation ou de compréhension, comme avec son enfant que l’on voudrait aider à avancer. À cette femme qui se reproche d’avoir parfois des envies de « déchéance » (comprenez : des envies de traînasser en chaussettes), je propose de se parler ainsi :
« Tu as envie de traîner ? Eh bien c’est sans doute que tu t’es pas mal mis la pression ces derniers temps et que tu as besoin de relâcher cette tension. Allez, banco pour une matinée à traîner ! »
Ensuite, pour chaque sujet, changer la donne est une possibilité à envisager. « Maintenant que j’ai remarqué que ma relation aux hommes comporte quelques répétitions douloureuses, si j’allais interroger cela avec un psy ? »
L’idée n’est pas tant de changer que de vivre mieux avec qui on est !
Voilà ce que j’ai envie de vous dire, à vous qui vous jugez en permanence :
Quand vous vous prenez en flagrant délit d’auto-jugement, pensez à moi ou à une très bonne amie ! Oui, pensez à ce qu’elle vous dirait si je elle vous entendait parler de vous ainsi ?
Car même si ces phrases assassines ont été intégrées en vous depuis longtemps, il n’est jamais trop tard pour les « déprogrammer » !