Pardon ? Elle est seule ? Celle qui se plaint de ne pas pouvoir aller aux toilettes sans avoir au moins un enfant qui l’accompagne ? Elle est seule ? Celle qui porte en écharpe son bébé pendant toute la journée et dort coincée entre son mari qui ronfle et son enfant qui colle ses petits pieds contre son dos ? Elle est seule ? Cette maman qui a 500 amis sur Facebook et 243 abonnés sur Instagram ? Celle qui pourrait envoyer un SOS sur internet au milieu de la nuit et qui trouvera toujours une autre maman réveillée pour la rassurer ?
Elle est seule ?
Oui, elle l’est ! Elle est fort seule, la maman d’aujourd’hui.
Elle est fort seule dans son quotidien, dans son carrousel mental, dans ses dialogues internes.
- Même entourée, on peut se sentir seule.
- Même en couple, on peut se sentir seule.
- Même en chemin sur les réseaux sociaux, on peut se sentir très seule.
Et puis, parfois il nous arrive même d’isoler une part de nous pour ne pas l’entendre… celle qui, enfouie sous des couches et des couches d’injonctions de « Je devrais être comme si, faire cela, ne pas me plaindre, tout donner, profiter », nous trouble la nuit… celle qui, coincée dans la cocotte-minute, nous siffle à l’oreille :
« J’en ai marre, j’avais pas signé pour ça, purée mais non quoi, c’était pas censé se passer comme ça ma vie ».
Alors, en isolant cette part de nous, c’est tout notre être qui coule un plus chaque jour, on crée un vide au fond de nos cœurs, de nos corps, de nos âmes et on cherche désespérément à le combler, on cherche un ami, un soutien, un support.
Et il y a tant de faux-amis sur nos routes.
Toutes ces heures passées à regarder son écran de téléphone, de télé, nos crises de nerfs sur la bouteille de lait mal fermée qui est tombée sur le sol fraîchement lavé, notre petit mojito « parce que je le mérite bien », nos achats compulsifs, le nettoyage intempestif avant la visite de quelqu’un (pour cacher la réalité), nos soupirs fatigués parce qu’on doit encore tenir une journée, nos humeurs massacrantes parce que les vacances ne sont ni reposantes ni « de rêve », nos remarques cinglantes sur les défauts de nos partenaires, notre jugement incessant sur la manière dont les autres éduquent leurs enfants…
Tout ça, ma chère Fabuleuse, ce sont de faux-amis. On les utilise pour remplir le vide mais ils ne font que créer un plus grand appel d’air. Comme un trou noir qui nous attire et qui nous bouffe. Si dans un premier temps ils nous soulagent, ce n’est que pour mieux nous pourrir le quotidien.
Oui, elle est seule, la maman d’aujourd’hui.
Et, oui, avant c’était différent. Il y avait un réseau autour des familles et plus particulièrement des jeunes mamans. Alors non, je ne dis pas que c’était mieux « dans le temps ». Franchement, vivre sous un toit avec la grand-tante et le petit dernier du beau-frère, merci mais très peu pour moi.
Juste, c’était différent, on abordait la parentalité avec un autre arrière-plan, on en avait déjà pas mal appris et pris part à la vie de famille. Notre société est passée d’une famille élargie présente à une famille qu’on appelle nucléaire : un ou deux parents et les enfants. Les informations et les solutions se présentaient autrement, et la vie pratique se déroulait autrement. Et la grand-tante t’aurait sûrement donné son avis sur ta question avant même que tu n’aies ouvert la bouche ni réalisé que tu voulais son avis.
Et quelque part, c’était une manière d’apporter un soutien aux mamans. Aujourd’hui, face aux mille et une questions que l’éducation soulève chaque jour, nous avons trois milles et une réponses sur internet ou dans les rayons pédagogie des librairies : voilà, débrouille-toi (et montre-nous le résultat parfait sur Instagram, please) !
Les mamans se sentent et se retrouvent si souvent seules au milieu de la foule. Déconnectées socialement, hyper-connectées virtuellement et en fusion avec leur progéniture qu’il faut à tout prix « réussir ». Mais quelle pression pour les épaules d’une personne humaine, d’un couple, d’une petite famille ! Alors oui, en vrai, elle est fort seule, la maman d’aujourd’hui.
Et sa solitude nous concerne tous.
Parce que la solitude est une souffrance réelle, un danger pour la santé physique et mentale. Le sentiment de solitude affaiblit notre système immunitaire, nous rend plus susceptible de tomber malade, nous donne froid, nous isole encore plus. C’est un grand stress et une énorme détresse.
Ça fait mal d’être seule, de se sentir seule.
La solitude est comme une pomme pourrie dans un panier de fruits : quand on l’y laisse, la pourriture se propage aux autres fruits. Tu sais, je soupire en t’écrivant ces mots. Je n’aime pas ces articles qui dressent un constat alarmant et donnent le cafard. Je n’ai pas envie que tu arrêtes de lire en te disant :
« Pffff, elle est pas comique aujourd’hui Rebecca, ça ne m’aide pas de la lire, ça me déprime plutôt ».
Et si on réfléchissait ensemble ?
Tout d’abord, on ne va pas se voiler la face : la solitude, c’est un vrai sujet dans la parentalité. Pour toi, pour moi, mais aussi pour les autres Fabuleuses. Bref, on ne met pas des lunettes roses, on ne se ment pas : c’est un problème qui existe et qui pue.
Ensuite, on va apprendre à la reconnaître et à démasquer les moments où on flirte avec nos « faux-amis » pour combler le vide et on va se souvenir qu’à long terme, ils vont juste nous arnaquer.
On ne va pas non plus se faire de reproches en se disant « t’es trop nulle, même pas capable de gérer ta vie au quotidien », on va plutôt chercher de l’aide, se donner les moyens. Rassure-toi, on est dans le même bateau et on un rame, pour sûr, tout en étant souvent fatiguées, parfois malades, curieuses, ou pas, en faisant des petites ou des grosses gaffes, en ayant des ratés et des réussites.
Et puis, surtout, on va apprendre à dire les mots les plus difficiles à dire sur cette terre :
« J’ai besoin d’aide, en fait, j’y arrive pas seule, les gars : HELP ! »
Prononcer ces mots va nous coûter mais je garantis que ça en vaudra la peine. Comme la solitude est un cercle vicieux, quand tu te sens seule, tu as tendance à te retirer encore plus de tes relations.
Voici comment fonctionne la solitude :
Elle donne un drôle d’arrière-goût aux relations qu’on a, ce qui fait qu’on prend encore plus de distance… Bref, il faut agir contre son réflexe d’ermite et oser tendre la main, lancer un SOS, faire passer le message aux autres : « Euh, en fait, je me sens seule, j’ai besoin d’aide » (et le top du top c’est de communiquer clairement ce qui pourrait vraiment nous aider).
Le psychologue américain Guy Winch propose, dans un article sur la solitude inattendue des jeunes mamans (en anglais, ndlr), 5 points concrets qui pourraient t’aider :
- Prendre conscience du fait que tu te sens seule
- Faire appel à ta famille et à tes amis (invite-les par exemple à venir régulièrement)
- Chercher un groupe de jeunes parents, de jeunes mamans et les rencontrer
- Discuter de solutions potentielles avec ton partenaire, trouver de nouvelles pistes
- Passer des appels vidéos à tes amies ou à ta famille quand les journées sont longues et déprimantes (même en laissant l’appel en arrière fond, sans se parler tout le temps mais pour prendre part à la vie les uns des autres).
Guy Winch souligne combien c’est important d’agir.
Alors oui, elle est fort seule, la maman d’aujourd’hui.
Parfois, c’est moi/c’est toi cette maman seule qui doit réapprendre à tendre la main vers l’extérieur, à rassembler ses forces pour assouvir ses besoins profonds d’appartenance et de contacts… Et parfois c’est ton amie, ta voisine, ou une autre Fabuleuse qui souffre de solitude…
Et c’est peut-être à moi ou à toi de faire un pas en avant pour dire :
« Pas facile tous les jours, hein ? Tu sais, moi, quand j’avais deux enfants en bas âges, ma victoire du jour c’était de me brosser les dents avant midi trente et d’avoir encore deux enfants en vie à la fin de la journée ! ». Peut-être que tu lui diras : « Tiens, j’ai lu un truc sur le site des Fabuleuses qui m’a fait du bien ou qui m’a fait rire ou qui m’a fait sentir que je ne suis pas seule ».
Offrons-lui, offrons-nous ce dont nous avons tant besoin :
un accueil bienveillant et dénué de jugement.
On a toutes nos batailles, nos fantômes du passé, nos forces, nos superpouvoirs, nos moments trop gênants ou bien ceux où l’on se sent trop nulles, nos grandes réussites et nos plus beaux échecs, on a toutes nos rêves perdus et nos cœurs un peu tachés. Et tu sais, ma chère Fabuleuse, c’est dans l’accueil bienveillant de soi qu’on apprendra aussi à être un abri pour les autres lorsque le vent soufflera trop fort sur leur maison.
Soyons ces abris pour les autres mamans et n’oublions jamais de savoir demander de l’aide pour nous aussi… être fabuleuses et le vivre !